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Les enjeux du prochain rectorat de l’UCL

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Quelles « dimensions » culturelles, économiques, éducatives, philosophiques pour l’ UCL de demain ? Le tissu social d’une université est une réalité complexe, faite de partenariats et d’échanges, de reconnaissance et d’utilités, qu’il faut créer ou renforcer et nourrir.

Les cinq candidats au prochain rectorat de l’UCL sont aujourd’hui connus et, dans les semaines qui viennent, ils auront l’occasion de présenter leur vision de l’université et le programme qu’ils entendent réaliser. Le mandat de recteur de l’UCL, actuellement exercé par Bruno Delvaux, se terminera le 31 août prochain. Son successeur sera choisi par le personnel et les étudiants, et la liste des candidats a été publiée officiellement mercredi dernier. Sous réserve de recours, cinq personnes dont l’ancien recteur Bernard Coulie, qui exerçait cette fonction avant Bruno Delvaux, sont candidats pour le poste. Les quatre autres sont Vincent Blondel (doyen de l’école polytechnique de Louvain : il souhaite «  une internationalisation accrue et des campus multilingues axés sur le développement durable » ), Michel Devillers (vice-recteur de secteur : il entend concilier excellence et pragmatisme »), Benoit Macq (prorecteur "service à la société et à l’international » : il veut « trouver un chemin au milieu des paradoxes du monde contemporain et agir dans le respect des valeurs" portées par l’alma mater louvaniste) ,Vincent Yzerbyt (prorecteur à la recherche : il désire « sortir l’UCL de l’univers étriqué qu’on a parfois voulu lui imposer »)

L’élection est prévue en deux tours : le premier aura lieu du 24 au 26 février, et le second du 19 au 21 mars. L’annonce du résultat du vote sera faite le 22 mars. Durant cette procédure, 5.600 membres du personnel de l’Université et 29.000 étudiants auront la possibilité de voter. Le nouveau recteur prendra officiellement ses fonctions le 1er septembre 2014.

Voici l’opinion (prudente) de Michel Molitor sur les enjeux de cette élection, parue dans « La Libre » du 17 janvier :

« L’UCL sort d’années difficiles. Elle a connu une restructuration importante, décidée dans un contexte tendu sous le rectorat précédent de Bernard Coulie et mise en œuvre ces cinq dernières années. Faute de recul suffisant, il est trop tôt pour évaluer les acquis dès cette réforme. Beaucoup espèrent que cet investissement appartient désormais au passé et que l’université prendra le temps nécessaire pour stabiliser la nouvelle organisation avant de proposer les révisions qui pourraient s’imposer. L’organisation interne de l’UCL ne devrait donc pas constituer un enjeu particulier du prochain rectorat.

L’UCL sort également d’une autre expérience qui l’a sensiblement marquée : l’échec fin 2010 de la création d’une nouvelle institution - l’UCLouvain - par l’intégration des quatre institutions composant l’Académie Louvain, issue de la réforme de Bologne en 2004 en une entité nouvelle. Ce n’est pas le lieu d’épiloguer ici sur l’échec de ce projet; il faut considérer qu’il ne constitue pas non plus un enjeu du prochain rectorat. Ces péripéties n’ont pas interrompu le projet de restructuration du paysage de l’enseignement supérieur entrepris par le Ministre Marcourt et abouti en 2013. En ces matières, les décisions sont prises; il s’agit maintenant d’opérationnaliser ce programme exigeant qui absorbera beaucoup d’énergies, mais qui ne constitue pas un enjeu politique lors d’une élection rectorale.

Par contre, trois questions se posent qui seront au cœur des années à venir. La première est classique : renforcer les amarrages internationaux de l’université, non dans une course vaine aux classements, mais dans le souci de tirer l’université vers le haut dans la qualité de son travail. On dira, sur ce sujet, que le véritable défi pour l’UCL est d’être présente aux divers niveaux (local, régional, national et européen) tout en s’amarrant nettement aux processus internationaux.

Le deuxième enjeu concerne également les autres universités : participer à la relance d’une dynamique interuniversitaire. Les conditions de l’échec de l’intégration autour du projet de l’UCLouvain comme les péripéties qui ont entouré les négociations du projet de décret "paysage" du Ministre Marcourt ont isolé l’UCL. La négociation du décret Bologne en 2003-2004 avait soudé les universités. Il n’en fut pas de même lors de la négociation du décret "paysage". Aujourd’hui l’objectif commun devra être de faire vivre, quoiqu’on puisse en penser, les nouvelles structures issues de la réforme. Un des enjeux du prochain rectorat de l’UCL sera de participer à l’animation de ces structures avec les autres et de s’inscrire dans une action commune avec les autres universités dans ce contexte renouvelé.

Le troisième enjeu, plus singulier peut-être, est tout aussi important et doit s’inscrire dans les tâches prioritaires du nouveau rectorat : reconstruire un tissu social autour de l’université. Le "tissu social" est l’environnement social et culturel qui entoure et porte une institution. Il est fait de milieux, de groupes, de partenaires qui entretiennent avec l’institution - dans ce cas-ci l’UCL - des liens ou des relations qui ne sont pas faits que d’utilités, marchandes ou autres, mais de contributions, d’échanges et de reconnaissances. Il n’y a pas que les anciens diplômés qui peuvent éprouver ce sentiment mêlé d’appartenance, de propriété et de responsabilité. Ce peut être le cas d’une ville ou d’une région qui attribuera ce statut à une université proche.

D’une manière plus générale, les autorités politiques ou économiques d’une région peuvent voir dans l’université un partenaire de choix dans une stratégie de développement économique, de modernisation et d’internationalisation. Les Anglo-Saxons ont inventé la notion de "Stake Holder" ou partie prenante pour décrire la relation chargée d’intérêts divers qui associe une organisation et ses divers partenaires.

On peut donc imaginer diverses dimensions dans le tissu social d’une université. Une dimension régionale par exemple. C’est très clairement le cas de l’ULg, institution de référence portée par la région liégeoise qui y trouve un écho positif à ses préoccupations. L’UCL est moins directement "territorialisée". Au cours de son histoire, elle a été traditionnellement portée par le monde catholique de Belgique. Cette relation allait dans les deux sens : l’UCL formait les cadres du monde catholique et bénéficiait du soutien des instances religieuses, sociales et politiques de cet univers.

Lors de la crise de 1968 qui a abouti au départ de l’UCL de Louvain et à sa relocalisation en Wallonie et à Bruxelles, ce sont avant tout les institutions appartenant au monde chrétien qui se sont mobilisées sur ce transfert qui n’a pas été appuyé avec enthousiasme, et c’est peu dire, par les autres formations politiques.

En 2014, les choses se présentent de manière différente. Le monde chrétien a perdu l’unité qu’il avait alors et s’est considérablement diversifié dans ses expressions politiques. Il y a belle lurette que les élèves issus de l’enseignement catholique choisissent surtout leur université sur la base de critères de commodité. Les exigences du développement régional ont conduit les autorités politiques à voir dans toutes les institutions de recherche et d’enseignement des partenaires possibles, même s’il existe encore, çà et là, des préférences sensibles.

Très singulièrement pour l’UCL, le tissu social à créer ou à renforcer sera fait de divers partenariats. Les anciens diplômés qui y auront découvert autre chose qu’une formation fonctionnelle et qui se sentent responsables de la permanence d’un climat culturel qui forme aux responsabilités autant qu’à l’efficacité. Des entreprises qui découvrent dans l’université une source d’innovation qui les mette en contact avec des réseaux utiles. Des communautés chrétiennes ou autres qui trouvent dans les débats et les recherches de l’UCL un écho à leurs propres démarches ou questionnements. Des milieux culturels ou associatifs qui recherchent de nouvelles formes d’expression et d’organisation qui trouveraient à l’université des interlocuteurs attentifs. Des universités belges ou étrangères qui choisiraient de travailler avec l’UCL non seulement parce qu’elle est un partenaire scientifique de valeur, mais aussi parce que les équipes qui la composent ont une manière originale de poser les questions qui fondent leur travail.

Dorénavant, il appartiendra à chaque institution de s’accréditer auprès de ses partenaires. Si l’on excepte quelques situations singulières, l’attachement à une institution ne va plus de soi. Autrement dit, il n’y a plus de fidélité inconditionnelle qui sous-tende la solidarité ou l’appui que l’on apporte à une institution; la relation se fonde dorénavant sur un échange d’où l’intérêt n’est jamais absent. Mais cet intérêt peut être de nature très variable - culturel, économique, éducatif, philosophique -, mais dans tous les cas on est attaché à une institution ou on la soutient parce qu’on juge que cela en vaut la peine. Le tissu social d’une université est donc cette réalité complexe, faite de partenariats et d’échanges, de reconnaissance et d’utilités, qu’il faut créer ou renforcer et nourrir. Cette question est un enjeu fondamental pour le devenir de l’UCL et donc pour le rectorat qui la conduira dans les années qui viennent.

Michel Molitor

Vice-recteur honoraire de l’UCL. »

 Réf. Les enjeux du prochain rectorat de l’UCL

L’humanisme chrétien a-t-il encore un avenir dans le monde intellectuel de la Belgique postmoderne ?

 JPSC

Commentaires

  • Malheureusement, comme le déplore d'ailleurs le Forum Laïc Catholique Romain, les orientations "modernistes" louvanistes semblent s'écarter de plus en plus du Magistère de l'Eglise Catholique et de son Catéchisme. On parle de la création d'une sorte d'"Anti-Eglise" "politiquement correcte", un peu du style de l'"Eglise protestante du Reich" de 1935, une Eglise qui se voulait "politiquement correcte", au diapason du régime nazi (mais chrétiennement très incorrecte!). Comme notre Enseignement dit "Catholique", notre Eglise n'aurait alors plus de "Catholique" que le nom. Hélas, ces "orientations" qui nous éloignent du successeur de Pierre ne semblent pas être désavouées par nos évêques...

  • Oui prions l'Esprit Saint qu'il purifie et enflamme cette université qui n'a p^lus de catholique que le nom!

  • L'article de Michel Molitor est un très bon survol de la question. Reste que, pour une université qui fut renommée dans le monde, la question de la qualité de son enseignement et de sa recherche est primordiale. Les universités néerlandophones ne s'en tirent pas trop mal. Mais l'UCL est loin, très loin dans le classement mondial(172ème...). Elle souffre de la médiocrité politique ambiante et des éternelles questions de financement. Pour un futur recteur, redresser la barre n'est-il pas un objectif plus important que, par exemple, veiller à l'intégration au tissu social ?

    JPSC : poser, comme vous le faites, la question de l'"humanisme chrétien", c'est y répondre. Dommage d'être défaitiste à ce point. Qu'est-on prêt à faire pour former une nouvelle génération d'intellectuels chrétiens ? Autre question pour un futur recteur.

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