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En remettant en cause le cours de religion, on se trompe de cible

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Du chanoine Armand Beauduin (ancien directeur du SEGEC) sur le site du Soir :

Religion à l’école: haro sur le baudet

Pour le chanoine Beauduin, en remettant en cause le cours de religion, on se trompe de cible.

L’émotion, combien légitime après les attentats de Paris par des musulmans radicaux, peu représentatifs de l’islam, est devenu prétexte pour la laïcité organisée en Belgique Francophone à atteindre ce qui est depuis longtemps son objectif, à savoir réduire ou supprimer l’enseignement de la religion à l’école pour le remplacer par un cours, selon l’intitulé de l’ULB : « Philosophie et histoire des religions et de la laïcité », de soi censé plus favorable à l’éducation citoyenne et à l’apprentissage des valeurs.

Combat douteux pour les mêmes qui à juste titre interdisent à l’extrême droite politique d’instrumentaliser les attentats barbares de Paris. Combat douteux, comme si le pays qui a depuis longtemps supprimé l’enseignement de la religion du programme scolaire républicain était mieux protégé du radicalisme et du fanatisme que notre pays. Amalgame qui pour mieux viser l’enseignement de la religion catholique, pas soupçonnable, malgré tous ses défauts et insuffisances, de sectarisme, vise l’enseignement scolaire de l’islam, qui mieux qu’une réprobation générale mérite un encouragement aux meilleurs de ces théologiens.

On croit revivre la fable des animaux malades de la peste. Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés. Haro sur le baudet.

Tous les arguments sont bons. Les uns sont de fond, les autres de circonstance. Ils valent d’être examimés et de connaître la critique de la critique, avec l’avantage qu’ils ont dans le climat ambiant de rejet d’un catholicisme ou pire d’un cléricalisme dominateur.

La religion est obscurantiste, La science chassera les ténèbres. Auguste Comte redivivus ! Comme si la science n’avait pas aussi ses excès, capable du meilleur et du pire, de notre développement technologique mais aussi des armes de destruction massive, du dérèglement climatique et j’en passe. Comme si les crimes commis au nom de la religion et il y en eut, devaient faire oublier les crimes commis au nom de la raison. Il y a certes des pathologies religieuses mais il y a aussi des pathologies de la raison raisonnante D’autres ont plus justement demandé que ne soient pas effacées « les lumières de la religion » (J.M. Ferry) qui n’ont pas peu préparé les lumières de la raison, singulièrement la foi chrétienne qui a accouché la modernité (M. Gauchet).

La religion est une idéologie qui n’a pas sa place dans le sanctuaire scolaire de la raison. Il se peut que des religions dans une tranche de leur histoire se soient muées et trahies en idéologies avec leur ambition de mieux savoir que les hommes la destinée de l’humanité, en servant d’armature pour l’organisation de l’Etat. Mais la foi chrétienne précisément n’est pas une idéologie, un système de représentation du monde et de l’histoire, à l’égal des grands systèmes philosophiques. Elle est plutôt une expérience spirituelle du rapport aux autres, à soi, au monde où s’inscrit le rapport à Dieu. Elle sait devoir rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. La séparation de l’Eglise et de l’Etat est dans ses gènes.

La religion n’a pas sa place dans l’espace public de l’école, seulement dans la sphère privée. Mais le fait religieux, toute privée et personnelle que soit la foi, n’est – il pas par nature un fait social au même titre que l’homme est un animal politique. On ne pourra pas le couper en deux. C’est bien pourquoi, la religion doit rencontrer le fait social, l’éducation citoyenne et les conditions du vivre ensemble dans le respect de la liberté de conscience.

Débarrassons le monde des religions et l’humanité ne s’en portera que mieux, le monde sera plus pacifique et meilleur. Nous savons qu’il n’en est rien.

Venons- en aux arguments de circonstance.

Il faudrait imposer à l’enseignement confessionnel le remplacement pour partie ou pour le tout de son cours de religion. Soit parce que ses classes sont homogènes dans les quelques écoles israélites ou musulmanes, soit parce que leur public s’est transformé à l’image de la société dans les écoles catholiques. Les premières ne peuvent bénéficier de l’avantage du brassage des idées dans la classe de religion, les autres feraient bien de s’apercevoir que le cours de religion catholique ne fait pas sens avec leur public pluri-convictionnel, quand conviction il y a. Il faudrait savoir : les deux arguments ne peuvent être vrais en même temps. Comment la liberté d’enseignement pourrait-elle être préservée si l’école confessionnelle était empêchée de valoriser sa propre tradition ? Faut-il lorsque l’école de service public, sans rien cacher de la place qu’elle donne au cours de religion de son caractère, accueille des publics diversifiés qui viennent vers elle, qu’elle resserre les rangs ? Qu’est-ce qui pourrait, sauf l’ignorance, empêcher le cours d’être le lieu où la conviction religieuse est interrogée de l’extérieur d’elle-même par d’autres convictions et par le questionnement philosophique ? Une bonne pratique de la théologie a toujours été située sur ce terrain-là.

Le cours de philosophie et d’histoire des religions et de la laïcité serait mieux à même de faire entrer dans l’intelligence du fait religieux que l’étude empathique des religions, telle qu’elles se donnent à lire à comprendre de l’intérieur dans les communautés qui en témoignent. Rien n’est moins sûr. L’enseignement de ce que la foi religieuse peut dire d’elle-même en investiguant ses sources ne doit obliger personne mais ce sera un remède contre l’ignorance, les préjugés, le fanatisme et au moins chacun qui légitimement se décidera pour y trouver son bien ou le récuser saura pourquoi.

N’était-ce pas la mission du cours de morale non confessionnelle d’offrir un choix alternatif dans l’horaire au cours de religion, que nul ne suit sinon de son propre choix ? Que diable les PO responsables du cours de morale non-confessionnelle ne donne-t-il à ce cours l’allure qu’ils veulent donner au cours de Philosophie, histoire des religions et de la laïcité au lieu de sous-traiter en fait sinon en droit le contenu de ce cours auprès de la laïcité organisée, qui au titre de sa reconnaissance à l’égal des cultes reconnus en fait un cours d’« athéologie » (M. Onfray). Cela dispenserait de poser la question l’exemption de l’horaire religion/morale si un élève ne peut se reconnaître dans aucune des offres et/ou d’amener à rendre le cours de religion/morale facultatif à rebours des intentions du Constituant de 1989 qui entendait bien dans ses attendus reprendre les conditions du Pacte scolaire et inscrire dans la grille-horaire où un élève ne peut prendre ou laisser ce que le PO officiel a le devoir de lui offrir.

Enfin, il est vrai que l’éducation citoyenne est un devoir de l’école lorsqu’elle prend en charge la formation de l’humain en l’homme pour en faire un acteur libre et responsable de sa propre vie personnelle et sociale mais rien ne dit que l’abolition peu ou prou de l’étude du fait religieux y donne un meilleur accès ni qu’une heure ou deux d’éducation citoyenne puisse suffire à atteindre le souhaitable. Il y faut encore bien d’autres ressources familiales, associatives, scolaires par l’instruction tous azimuts et l’éducation au sein du microcosme de l’école.

Commentaires

  • Je souscris largement à ce qu’écrit le chanoine Beauduin, sans qualifier en dernier ressort la foi de « toute privée et personnelle ».

    Si l’homme est un animal social, la foi s’adresse aussi à la dimension collective, privée comme publique, de la personne humaine. D’un point de vue chrétien, me semble-t-il, les nations sont appelées comme les individus à faire partie de l’Eglise universelle, au sens le plus ontologique du terme.

    Toute autre est la question institutionnelle : les gouvernements de l’Eglise et de l’Etat sont deux réalités que le Christ lui-même a voulues distinctes : ni théocratie, ni césaropapisme. L’histoire, ancienne ou moderne, montre à quel point ce précepte divin est difficile à appliquer.

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