Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Couples non mariés, divorcés remariés : le pari osé du pape François

IMPRIMER

Du philosophe Thibaud Collin, dans le journal « Le Monde », ce commentaire sur « Amoris laetitia »,  l’Exhortation post-synodale du pape François :

C’est peu dire que la publication de l’exhortation apostolique Amoris laetitia (La joie de l’amour) était attendue. Avec ce texte prend fin un processus commencé en février 2014 par lequel le pape François voulait mettre fin à une crise ayant éclaté dans l’Eglise en juillet 1968, avec la publication de l’encyclique Humanae vitae sur la régulation des naissances. Depuis cette date, le débat pastorale et moral n’a pas cessé et l’hémorragie des fidèles non plus, au moins dans les pays de vieille chrétienté.

 « L’affrontement entre les plus hauts cardinaux de l’Eglise porte depuis deux ans sur la possibilité de donner la communion, voire la réconciliation, aux divorcés remariés civilement. Rappelons que Jean-Paul II avait déjà répondu à cette question ; mais c’était il y a 35 ans dans sa propre exhortation suite au synode de 1980 sur la famille. Il avait affirmé dans Familiaris consortio que ces fidèles vivant dans une contradiction objective avec ce que signifie la communion eucharistique ne pouvaient pas y accéder ; sauf à se séparer, ou à vivre dans la continence parfaite s’ils ne pouvaient pas se séparer pour de graves raisons (l’éducation de leurs enfants). Cette règle directement liée à la doctrine sur trois sacrements (mariage, eucharistie et réconciliation) est apparue à un nombre toujours plus important de fidèles et de pasteurs comme trop dure et comme un repoussoir, analogue à ce que l’interdit de la contraception avait produit en termes d’incompréhension et de défection. Chargé par le pape François lui-même d’étudier cette question, le dernier synode d’octobre 2015 n’a pas tranché et lui a adressé un texte final consultatif suffisamment indéterminé pour que chacune des positions puisse y lire ce qu’elle juge pertinent.

Le pape François publie aujourd’hui un long texte de plus de 200 pages dans lequel un chapitre entier (le 8e) est consacré à « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » les personnes en situation « irrégulières ». La lecture attentive de ce chapitre permet d’affirmer que le pape François ne tranche pas, lui non plus. Il reste dans l’indétermination, et il prend ainsi le grand risque d’une polémique interprétative, mais décuplée cette fois-ci en raison de l’autorité de ce document. 

 

A aucun moment il n’écrit qu’il est licite qu’un fidèle divorcé vivant maritalement puisse communier. Il rappelle même à plusieurs reprises la doctrine sur l’indissolubilité du mariage en exhortant les conjoints à la fidélité. Mais il faut aussi noter que l’ensemble de ce chapitre est écrit selon une méthode et un ton radicalement nouveaux. « Il s’agit d’intégrer tout le monde » (§297), et de « valoriser les éléments constructifs dans des situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage » (§292). Le pape François valide une pastorale où le pasteur doit accompagner son fidèle en soulignant la continuité de ce qu’ils vivent aujourd’hui avec ce qu’il est appelé à vivre, à savoir « l’idéal » du mariage chrétien (le mot est omniprésent). L’idée est bien sûr que par la valorisation de ce qui est vécu de positif le fidèle soit amené à découvrir la profondeur et la vérité de ce que l’Eglise lui « propose » de vivre. L’accent n’est plus mis d’abord sur la conversion et l’arrachement au péché mais sur la croissance des semences présentes dans ces situations irrégulières. 

Le point qui sera sans nul doute le plus discuté est le passage où le pape François, citant le texte du synode de 2015, conseille aux pasteurs le discernement au cas par cas des situations afin d’aider le fidèle à former un jugement en conscience sur sa situation matrimoniale. « Le colloque avec le prêtre, dans le for interne, concourt à la formation d’un jugement correct sur ce qui entrave la possibilité d’une participation plus entière à la vie de l’Eglise et sur les étapes à accomplir pour la favoriser et la faire grandir. Etant donné que, dans la loi elle-même, il n’y a pas de gradualité, ce discernement ne pourra jamais s’exonérer des exigences de vérité et de charité de l’Evangile proposées par l’Eglise. » (§300) Il est certes difficile de conclure d’un tel passage au caractère légitime de la communion pour les divorcés remariés ! Mais le pape jésuite prend ensuite le soin d’accompagner ce passage de toutes sortes de remarques sur « les circonstances atténuantes dans le discernement pastoral », sur la distinction entre péché objectif et imputabilité subjective, ou encore en citant un texte de saint Thomas d’Aquin pour légitimer des « exceptions », là où le texte médiéval ne parle pas d’exceptions !

Bref, le pape François fait un pari osé. En effet, il espère que par un tel changement de perspective pastorale, il va remettre en chemin vers « l’idéal » de la vie chrétienne les fidèles jusqu’alors en souffrance en raison de leur « situation irrégulière ». On peut aussi faire l’hypothèse que ce texte sera reçu par nombre de fidèles et de pasteurs comme la reconnaissance « mezza voce » de leur situation. Auquel cas, le pape François loin de les mettre en route les aura confortés dans leur statu quo et aura reconnu face à tous que la doctrine catholique du mariage est décidément un idéal peu accessible pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Les mois et les années qui viennent permettront de constater l’échec ou la réussite de ce pari. 

Thibaud Collin (Professeur de philosophie en classes préparatoires au collège Stanislas, Paris) »

Ref. Couples non mariés, divorcés remariés : le pari osé du pape François 

Un pari ? Par les temps qui courent en Europe et ailleurs, il ne faut pas être devin pour annoncer que c’est la seconde hypothèse qui, à coup sûr, se vérifiera. Et de mauvais esprits, assurément, ne manqueront pas d’ajouter que la casuistique pontificale y contribue.

JPSC

Commentaires

  • Il faut penser à tous ceux qui ont connu des divisions familiales ou des situations d'épreuve et - par amour du Christ - sont restés fidèles aux commandements et aux préceptes de l'Eglise.
    L'une de ces personnes témoignait:
    «Amoris Laetitia est terrible pour moi parce qu'elle nous dit: "vous avez été idiots de faire confiance à Jésus-Christ et à l'Eglise, en supportant ces épreuves. Vous avez stupidement gâché votre vie, quand vous pouviez avoir de bons moments et aujourd'hui vous auriez l'aval du Pape».

  • Lysanias ,
    Est ce que ce n' est pas là l' attitude du fils aîné de la parabole, de l'ouvrier de la première heure ? Que proposez vous en pratique ? Que tous ceux qui vont communier présentent un certificat de confession récent ? Je suis en paix avec l'explication du Père Thomas Michelet et avec " Laetitia Amoris en 45 mots " de Famille Chrétienne.

  • Pour ceux que ça pourrait intéresser voici les références du livre mentionné plus haut :
    http://www.editions-emmanuel.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=137
    Bien à vous.

  • Lysanias,
    Si on fait quelque chose par amour pour le Christ , ce choix porte en lui sa récompense . L' admiration pour ce choix doit rester libre. Beaucoup font des gestes , posent des choix , par amour pour le Christ, " sans être vus des hommes ". Mais on peut toujours témoigner , librement.

  • Pour moi, l'amour n'excuse pas tout ; on peut aussi tuer par amour.... L'amour doit être réglé sur celui du Christ et non laissé à nos libres choix et envies...

  • Je demeure convaincu, comme le pape, que parfois des gens en situation irrégulière, peuvent être en état de grâce. Ils peuvent alors et doivent communier. Mais attention, si quelqu'un demeure en état de péché mortel et s'arrogent le droit de communier, avant d'en être sorti par le repentir et la confession,au jour du terrible jugement, il ne pourra prétexter d'Amoris laetitia pour se justifier. Lisons donc cette exhortation dans la fidélité à l'enseignement constant de l'Eglise et non en suivant les commentaires fallacieux de la presse de ce monde!

  • Je demeure convaincu aussi que parfois des gens en situation irrégulière peuvent être en état de grâce, mais qu'ils ne peuvent et ne doivent pas communier à cause de leur situation irrégulière.
    Dans l’Epître aux Romains, les chapitres 1 à 8 disent que tous les hommes ont besoin de la Miséricorde divine. Les derniers versets du chapitre 8 sont conclusifs : « Rien ne nous sépare de l’amour du Christ …. » Personne ne peut donc être séparé de l’Amour du Christ ; même les remariés civilement ou vivants en concubinage et qui ne peuvent pas communier au corps du Christ peuvent communier, non pas sacramentellement mais en union au cœur transpercé de Jésus.

Les commentaires sont fermés.