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Du catholicisme à l'orthodoxie : un témoignage interpellant

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Le témoignage que nous reproduisons ci-dessous illustre la forte attraction exercée sur de nombreux catholiques par l'orthodoxie. L'appauvrissement liturgique et doctrinal de l'Eglise post-conciliaire y est sans doute pour beaucoup. Même si nous n'y souscrivons pas, nous pouvons comprendre la décision de ceux qui franchissent le pas pour rejoindre la communauté orthodoxe et bénéficier ainsi des trésors de sa liturgie et de sa forte spiritualité...

Témoignage : “De la Terre Sainte à Liège en passant par la Bretagne : notre chemin vers l’Église”

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Notre chrismation en l’église orthodoxe de Quimper (Bretagne) par le Père Yannick Provost.

“C’est le dimanche 28 août 2016 que nous avons été chrismés, Anne et moi, par le Père Yannick (Provost), recteur de la paroisse orthodoxe de Quimper (Bretagne) faisant partie de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale, Exarchat du Patriarcat œcuménique de Constantinople. Ce fut l’aboutissement, pour moi, Nicolas, d’un long chemin remontant à mon enfance et qui m’a fait découvrir, étape par étape et avec la grâce de l’Esprit Saint, l’église orthodoxe.

C’est enfant que j’ai été pour la première fois en vacances avec mes parents et mon jeune frère dans le village voisin du monastère (catholique) bénédictin de Chevetogne. C’est là que j’ai visité avec admiration l’église byzantine avec ses merveilleuses fresques et ses icônes. C’est aussi à Chevetogne que mes parents m’ont offert ma première icône (que je conserve précieusement).

Nos familles respectives, à Anne et à moi, nous ont offert comme cadeau de naissance une Foi catholique vivante. Depuis notre mariage, le 29 mai 1982, nous avons essayé de continuer à la vivre de notre mieux, entourés des vivants et des défunts. Lors de la Révolution française, mes ancêtres paternels ont caché un prêtre. Ma famille maternelle a quitté Reims au début du XXème siècle pour revenir en Belgique afin de pouvoir continuer à élever les enfants dans la Foi. L’un de ces sept enfants est devenu Père Jésuite. Anne a eu la grâce d’avoir un oncle moine à l’abbaye trappiste Notre-Dame d’Orval.

 

Adolescent, j’ai pris conscience de la situation dramatique des chrétiens d’URSS et des pays communistes d’Europe de l’Est grâce la lecture des Cahiers du Samizdat, du mensuel Catacombes (dont le rédacteur en chef était Sergiu Grossu), du bulletin d’informations de l’Aide à l’église en Détresse (AED), association catholique internationale animée par le Père Werenfried van Straaten, et par les publications du Foyer Oriental Chrétien de Bruxelles. De la lecture à l’action, il n’y avait qu’un pas. C’est ainsi que j’ai signé des pétitions, envoyé des lettres et même manifesté devant l’ambassade d’URSS à Bruxelles avec Maman (je me souviens même des agents qui nous photographiaient avec des téléobjectifs depuis l’ambassade).

En même temps, j’ai écouté, parfois durant des soirées entières, les premiers 33 tours des chants liturgiques russes du monastère de Chevetogne.

Puis ce fut la rencontre avec l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne. À la fin de mes études secondaires, j’avais écrit un article élogieux dans la revue étudiante sur le livre Soljenitsyne, le croyant – lettres, discours, témoignages d’André Martin (1973) que j’avais lu sur les conseils de mes parents et fort apprécié. Dans l’édition suivante de la revue étudiante, un professeur, fortement influencé par l’idéologie marxiste, écrivait un article en réponse critiquant mes propos. Il y affirmait qu’Alexandre Soljenitsyne était un authentique communiste qui cherchait avant tout par ses écrits à réformer le socialisme. Piqué au vif par cette attaque à laquelle je ne m’attendais pas, j’ai alors décidé de lire les ouvrages du Prix Nobel de Littérature de l’année 1970. J’y ai découvert non seulement un grand homme mais aussi un grand chrétien orthodoxe. Alexandre Soljenitsyne m’a aussi fait palper ce que l’on appelle « l’âme russe ». C’est Alexandre Soljenitsyne, lors d’une émission de télévision Apostrophes avec Bernard Pivot, qui m’a appris ce qu’était le repentir orthodoxe : celui-ci repose sur la prise de conscience dans tout son être de son état de pécheur et sur la nécessité du retournement (metanoia) qui en découle pour revenir sans cesse dans la plus grande humilité à Dieu.

Le film d’Andreï Tarkovski consacré à Andreï Roublev (1966) m’a fasciné (je ne compte plus le nombre de fois que je l’ai ensuite revu, au cinéma ou en vidéo) et m’a ouvert un grand nombre d’autres portes grâce aux autres films de ce grand réalisateur russe. C’est lui également qui m’a confirmé l’importance du repentir pour un chrétien orthodoxe. C’est aussi le premier film que nous avons été voir ensemble, Anne et moi, lorsque nous étions fiancés.

Mes parents, catholiques pratiquants, m’ont toujours encouragé dans cette découverte de l’Orthodoxie. C’est grâce à eux que j’ai pu lire (et relire) les Récits d’un pèlerin russe. Et de là, je suis parti à la recherche de la Philocalie (l’Amour de la Beauté). La Prière de Jésus m’est alors devenue familière.

À la fin de l’année 2011, Maman (veuve depuis 1995) entend une présentation sur RCF (radio catholique française diffusée notamment en Belgique francophone) d’un nouveau livre consacré au monastère des sœurs orthodoxes de Solan dans le Gard (sud de la France) : Le Monastère de Solan – Une aventure agroécologique. Connaissant mon grand intérêt et mon engagement pour la protection de la nature et la sauvegarde de la création depuis 1973 mais aussi ma grande sensibilité pour l’Orthodoxie, Maman s’empresse de me signaler la sortie de presse de ce livre. Je l’achète immédiatement et je le lis et le relis.

Peu de temps après, je parle avec enthousiasme de ce livre à un collègue orthodoxe qui me dit avoir déjà été à Solan. En mars 2012, il me propose de nous rendre à deux à Solan en passant par le monastère (orthodoxe) de Saint-Antoine-le-Grand dans le Vercors, fondé par le Père Placide (Deseille), moine du monastère de Simonos Petra (Sainte Montagne de l’Athos). C’est alors que ma découverte de l’Orthodoxie s’est amplifiée et que ma vision du monachisme catholique actuel s’est ouverte sur une tradition infiniment plus ancienne et plus authentique (celle des Pères de l’église et des Pères du Désert). À Solan, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Père Placide et de me procurer ses nombreux petits fascicules que j’ai lus et relus.

Le soleil que je voyais alors comme catholique était certes le soleil mais il était voilé et sa chaleur était amoindrie. Je commençais à percevoir que le soleil était en réalité plus lumineux et plus chaud que ce que je ressentais alors.

Puis, ce fut le grand cadeau de la Mère de Dieu et d’Anne : ce sont elles qui m’ont permis d’aller huit jours en pèlerinage à la Saint Montagne de l’Athos avec mon collègue orthodoxe et un autre collège catholique. Ce pèlerinage m’a profondément bouleversé (retourné au sens de la metanoia). L’église orthodoxe devenait de plus en plus tangible. N’ayant pas emporté de rasoir, j’ai laissé pousser ma barbe (je la porte toujours aujourd’hui). Je n’avais pas non plus emmené mon appareil photographique, préférant tout conserver en mon cœur, comme la Mère de Dieu.

Depuis ma première visite à Solan, Anne et moi avons pu correspondre par la voie postale (les sœurs n’utilisent en effet pas internet) avec la révérende Mère Hypandia, l’higoumène de cette belle communauté, et la spiritualité orthodoxe est encore devenue plus enthousiasmante, notamment grâce aux livres qu’elle m’avait conseillé de lire. Grand lecteur, d’autres nombreux beaux et bons livres m’ont permis de progresser dans la connaissance de l’Orthodoxie. Et internet m’a ouvert de nombreuses portes et fenêtres (et plus spécifiquement le site internet www.orthodoxie.com que je consulte chaque jour).

En août 2015, Anne et moi sommes partis passer quelques jours à Uzès dans le Gard, à proximité du saint monastère de Solan. Nous avons participé à la Journée de prières pour la Sauvegarde de la Création organisée depuis plus de deux décennies par les sœurs de Solan et l’association des Amis de Solan (dont nous faisons partie, Anne et moi). Cette association a pour objectif d’aider les sœurs dans leur démarche agroécologique et son président n’est autre que Pierre Rabhi, agriculteur bio, essayiste et poète français d’origine algérienne. La démarche de Solan m’a alors permis de découvrir, sur le terrain, l’engagement pris en 1989 par sa sainteté Dimitrios Ier, Patriarche œcuménique de Constantinople, en faveur de la Sauvegarde de la Création. C’est lui en effet, mû par l’Esprit Saint, qui a institué la Journée de prières pour la Sauvegarde de la Création le 1er septembre de chaque année, premier jour du nouvel an ecclésial (tout un programme). Et c’est seulement en 2015 que le Pape François a proposé aux catholiques de s’associer à l’église orthodoxe pour prier ensemble durant cette journée. Pour moi qui était et reste engagé en matière de protection de la nature et de sauvegarde de la création, la position précoce de l’église orthodoxe dans ce domaine m’a ouvert les yeux et le cœur sur sa solidité théologique, basée sur les saintes écritures tout autant que sur les Pères de l’église et sur les nombreux saints qui ont montré, durant leur vie, qu’il était possible de retrouver, sur terre, la création d’origine, celle qui existait avant la chute.

En décembre 2015, nous nous rendons, Anne et moi, dans une grande librairie catholique de Bruxelles pour y admirer l’exposition des sœurs orthodoxes du monastère Sainte-élisabeth de Minsk en Biélorussie. Nous les avions écoutées à plusieurs reprises lors de concerts en Belgique et connaissions leur remarquable engagement, à la fois spirituel et social. En échangeant avec une sœur parlant français sur mes lectures orthodoxes, celle-ci m’a demandé de manière très directe : « Mais pourquoi n’êtes-vous pas orthodoxe ? » Je lui ai répondu que l’Esprit Saint saurait bien m’indiquer le moment de ce choix car je ne voulais en aucun cas forcer mon épouse à me suivre.

Durant l’année 2015, grâce au site internet www.orthodoxie.com, j’apprends l’organisation par l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale d’un pèlerinage orthodoxe en Terre Sainte en octobre de la même année. En prenant connaissance du programme, j’en ai aussitôt parlé à Anne en ces termes : « Regarde ce beau programme : nous sommes à présent pensionnés et si nous devons faire un jour ce pèlerinage, je pense que ce sera celui-ci. Mais serons-nous acceptés en tant que catholiques ? » La réponse du Père Yannick (Provost), organisateur et guide, ne s’est pas fait attendre : nous étions non seulement acceptés mais aussi fraternellement accueillis. Par suite des tensions sévissant à Jérusalem, le pèlerinage a été reporté de l’automne 2015 au printemps 2016, en plein Carême orthodoxe. C’est ce pèlerinage qui nous a ouvert les yeux du cœur et de l’âme : c’est en Terre Sainte, là où le Christ a vécu, que nous avons compris que l’église orthodoxe était réellement l’église indivise, celle qui a été fondée par le Christ sur ses apôtres, sur leurs successeurs et sur le peuple de Dieu. Les prières et la fraternité des pèlerins tout autant que celles des nombreux chrétiens orthodoxes rencontrés (dont des évêques, des prêtres, des moines, des moniales et de pieux fidèles) nous ont assurément menés sur ce chemin de vérité.

Au retour du vol Tel Aviv-Paris, au moment de nous séparer, plusieurs pèlerins ont été surpris d’apprendre que nous étions catholiques. Nous nous étions en effet faits tout petits, dans un profond respect mutuel.

Ce pèlerinage en Terre Sainte [1] restera l’un des moments les plus forts de notre vie. La présence du Père Yannick et de son épouse Anastasia, du Père Stephen (Headley), recteur de la paroisse de Vézelay, et de Monseigneur Jean de Charioupolis a contribué à ce retournement vécu en couple.

De retour en Belgique, nous avons été invités par une amie orthodoxe à participer à la Divine Liturgie du jour de Pâques célébrée par Monseigneur Jean de Charioupolis en l’église des Saints-Côme-et-Damien à Ixelles (Bruxelles) : nous avons vécu la fête des fêtes comme l’aboutissement de notre pèlerinage (lequel, rappelons-le, a eu lieu en partie en Carême).

Anne et moi n’avons ensuite pas dû nous parler beaucoup : l’illumination reçue en Terre Sainte était totalement partagée. Cependant, jamais je n’aurais voulu forcer Anne à me suivre dans la demande d’entrée en communion de l’église. Après avoir accepté il y a 34 ans de m’épouser et après avoir mis au monde nos deux enfants, Marie et François, Anne m’a fait un nouveau et magnifique cadeau en me proposant de demander notre entrée à deux dans la communion de l’église.

Lors de notre chrismation par le Père Yannick, nous étions entourés des paroissiens de Quimper, de notre fils François (notre fille Marie et son mari Jean-Michel n’avaient pu nous rejoindre) mais aussi de tous les pèlerins bretons de Terre Sainte. La « bonne odeur de l’Esprit Saint » s’est alors emparée de tout notre être et le soleil est enfin devenu brillant et chaud.

Nous avons choisi pour commencer notre vie de « bébés orthodoxes » (nous avons en effet beaucoup à découvrir et c’est une grande grâce) de nous insérer dans la paroisse russe de Liège. Et, cadeau du ciel, c’est Monseigneur Jean de Charioupolis qui est devenu de ce fait notre Archevêque. Merci au Père Guy (Fontaine) et au Père Alexandre (Galaka) mais aussi à tous les paroissiens de nous accueillir et de nous aider à poursuivre notre chemin qui mène à Dieu.

Merci aussi  à toutes celles et tous ceux qui nous ont conduits vers Dieu depuis notre Baptême : c’est dans le face à face qui suivra notre naissance au ciel que nous saurons tout ce que nous leur devons.

Nicolas Van Cranenbroeck

En la fête de saint Nicolas, le 6 décembre 2016″

[1] Monique De Vaere-Descamps en a parlé dans son article intitulé « Quelques jours en terre sainte – Pèlerinage organisé par notre archevêché » publié dans Nadejda/Espérance N° 26, juillet-août-septembre 2016, pp. 21 à 23.

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