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Les défis contemporains de la liberté religieuse, notamment face aux nouvelles tendances autoritaires des États dits libéraux

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De Nicolas Senèze sur le site du journal La Croix :

Les théologiens du pape en défenseurs de la liberté religieuse

Explication 

Publié le vendredi 26 avril, un nouveau document de la Commission théologique internationale étudie les défis contemporains de la liberté religieuse, notamment face aux nouvelles tendances autoritaires des États dits libéraux.

La Commission théologique internationale (CTI) a publié, vendredi 26 avril sur son site Internet, un important document sur la liberté religieuse, soulignant les nouvelles menaces auxquelles elle fait face dans le monde contemporain.

« Il ne s’agit pas de rouvrir de vieux débats, notamment avec les lefebvristes, mais d’étudier ce qui va à l’encontre de la liberté religieuse dans le monde contemporain », explique à La Croix le père Serge-Thomas Bonino, secrétaire général de la CTI qui a participé au groupe de travail à l’origine de ce texte dans lequel figuraient également le Français Philippe Vallin et le jésuite belge Bernard Pottier.

Si le document de 37 pages La liberté religieuse pour le bien de touspart de la déclaration Dignitatis humanae, c’est en effet d’abord pour souligner le contexte particulier de ce texte du concile Vatican II.

Menaces de l’État libéral

« Dans les années 1960, il s’agissait de mieux situer la présence de l’Église dans un monde démocratique et pluraliste et, après la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, d’affirmer la dignité humaine contre les totalitarismes », rappelle le père Bonino.

Dans cette optique, la liberté religieuse était, pour l’Église catholique, la clé de voûte des droits humains et c’est en ce sens que l’a notamment utilisée Jean-Paul II contre le totalitarisme communiste.

« Mais cette vision est aujourd’hui quelque peu remise en cause », relève le père Bonino.

Car la liberté religieuse est aujourd’hui menacée y compris par l’État libéral qui, tout en proclamant sa neutralité en matière de religion, « ne semble pas en mesure d’éviter la tendance à considérer la foi professée et l’appartenance religieuse comme un obstacle pour la reconnaissance de la pleine citoyenneté culturelle et politique des individus », constate la CTI.

Un « totalitarisme doux »

« Nous assistons à un développement idéologique de la neutralité éthique de l’État de tendance libéral-libertaire, avec une inflation des droits subjectifs conduisant à minimiser la liberté religieuse qui semble devenir un droit subjectif comme les autres », explique le père Bonino qui souligne aussi le risque de voir « le magistère de l’État se substituer au magistère de l’Église dans une sorte de nouvelle religion officielle ». 

Les théologiens chargés de conseiller le pape mettent donc en garde contre « une forme de “totalitarisme doux” » d’un État « moralement neutre » tendant à devenir « éthiquement autoritaire (…) lorsqu’il commence à contrôler le domaine de tous les jugements humains », en décidant de « l’orthodoxie et l’hérésie de la liberté, au nom d’une vision politico-salvifique de la société idéale ». La CTI prend ainsi l’exemple des restrictions mises aujourd’hui à l’objection de conscience, régulièrement défendue par les papes successifs de Jean-Paul II à François.

Face à ces menaces, les théologiens de la CTI rappellent la nécessité de la « laïcité positive » définie par Benoît XVI pour « assurer la relation nécessaire et concrète de l’État de droit avec la communauté des ayants droit ». Le document insiste en effet longuement sur la dimension communautaire de la liberté religieuse, et la nécessité de ne pas négliger les corps intermédiaires tels que les Églises.

Le martyre n’est pas le suicide-homicide

« Il ne s’agit pas de penser les choses en matière de lobby, mais de souligner le rôle des communautés pour éviter un face-à-face entre l’individu seul et l’État », souligne le père Bonino qui rappelle que « l’Église catholique ne revendique par la liberté religieuse pour elle-même ».

Car La liberté religieuse pour le bien de tous aborde aussi la question du fondamentalisme religieux comme menace pour la liberté religieuse, tout en relevant que celui-ci « ne semble pas être un simple retour plus “observant” à la religiosité traditionnelle », mais relève justement plus souvent « d’une réaction spécifique à la conception libérale de l’État moderne, en raison de son relativisme éthique et de son indifférence envers la religion ».

Sans citer spécifiquement l’islam, ce document met toutefois en garde contre la confusion entre le martyre chrétien et « le suicide-homicide au nom de Dieu » dans lequel il voit « une corruption de l’esprit et une blessure de l’âme ».

Le « martyre blanc »

Au contraire, explique la CTI, le martyre chrétien est le « suprême témoignage non-violent d’une fidélité personnelle à la foi, devenue objet de haine spécifique, d’intimidation et de persécution » et le symbole de cette « liberté d’opposer l’amour à la violence et la paix au conflit ». 

Les martyrs « ont résisté à la pression des représailles, en annulant l’esprit de vengeance et de violence par la force du pardon, de l’amour et de la fraternité », explique-t-elle, rappelant aussi le « martyre blanc » de ceux qui « doivent subir des comportements profondément offensants, qui les tiennent aux marges de la vie sociale ».

Si ce document n’a pas de visée pratique, il servira, explique le père Bonino à aider la Curie ou les différentes Églises locales « à comprendre la situation actuelle avec un regard chrétien ».

Faisant suite au document sur la synodalité publié en 2018, il devrait être suivi, l’an prochain, d’un autre texte sur un des trois thèmes sur lesquelles la CTI s’était saisie en 2014 pour son actuel travail : la foi dans les sacrements, et notamment la difficile question de l’absence de foi dans le mariage comme cause possible de nullité du sacrement.

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