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Face aux violences antichrétiennes au Nigeria, le déni et la passivité du gouvernement

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De Claire Lesegretain sur le site de La Croix :

Au Nigeria, les violences antichrétiennes se poursuivent 

Depuis des mois, des Peuls musulmans commettent des massacres dans des villages chrétiens du nord et du centre du pays, mais les autorités locales et gouvernementales nient le caractère ethnico-religieux de ces meurtres collectifs.

06/05/2020

Au Nigeria, « comme le gouvernement n’arrête pas les criminels, ne les poursuit pas en justice et ne les condamne pas, ceux-ci ont toute latitude pour mener leurs opérations meurtrières sous quelque forme que ce soit, estime Benjamin Kwashi.

«Des violences à caractère ethnique et religieux. » C’est ainsi que l’ONG nigériane Peace-Building and Social Justice (PSJ) qualifie les violences commises depuis des mois dans l’État de Plateau, dans la Middle-Belt (ceinture centrale), et dans l’État de Katsina (nord).

Dans ces régions du Nord et du Centre du Nigeria, les musulmans sont essentiellement des Peuls nomades, tandis que les chrétiens sont majoritairement des agriculteurs (1). Depuis plusieurs années, du fait de la sécheresse, les Peuls migrent vers le sud et mènent des attaques meurtrières contre les agriculteurs chrétiens pour les faire partir.

Ces violences collectives sanglantes ont débuté en septembre 2001 par des émeutes à Jos, capitale de l’État de Plateau, puis se sont étendues à d’autres zones jusqu’à l’imposition de l’état d’urgence en 2004 par le gouvernement fédéral.

« Plusieurs milliers de victimes »

Selon le révérend Benjamin Kwashi, archevêque anglican de Jos, la capitale de l’État de Plateau, « ces violences ont fait plusieurs milliers de victimes, ont provoqué des déplacements massifs de population et des destructions de biens et de maisons ». Ce qui a commencé comme une crise sociopolitique a rapidement pris une dimension ethnico-religieuse, les autochtones non musulmans défendant leurs terres.

Ces violences ont mis en lumière l’échec de l’État et des administrations dans la gestion des diversités ethniques et religieuses, après le rétablissement du régime civil en 1999, poursuit le révérend Kwashi. Et il n’a pas fallu longtemps pour que des groupes opportunistes comme Boko Haram et ISWAP (l’État islamique en Afrique de l’Ouest, ou Islamic State’s West Africa Province) se développent.

Le 18 avril dernier, dans l’État de Katsina, des Peuls Fulanis ont attaqué les villages chrétiens de Safana, Danmusa et Dutsenma et ont tué 47 personnes. Mais le porte-parole de la police de l’État de Katsina a parlé de « banditismelaissant penser qu’il s’agit de violences désordonnées et de personnes tuées par hasard », dénonce PSJ.

De même, le 16 février dernier, toujours dans l’État de Katsina, des bergers Peuls radicalisés ont tué 30 chrétiens mais ces violences ont été présentées par les autorités comme des actes de banditisme.

Masquer les faits

« Dans toute crise, explique encore l’archevêque anglican de Jos, lorsqu’un gouvernement ne parvient pas à assurer la sécurité de tous les citoyens sur un pied d’égalité, il préfère masquer les faits. »

Au Nigeria, « comme le gouvernement n’arrête pas les criminels, ne les poursuit pas en justice et ne les condamne pas, ceux-ci ont toute latitude pour mener leurs opérations meurtrières sous quelque forme que ce soit, estime Benjamin Kwashi. Les victimes de Boko Haram et de l’ISWAP viennent ainsi augmenter le nombre des victimes des bandits et des kidnappeurs. Lorsque la police, la justice et les services chargés de l’application des lois assureront réellement la sécurité de tous, alors les Nigérians, chrétiens et musulmans, pourront vivre en paix»

De son côté, l’organisation nigériane PSJ, dont le rôle est de recenser les violences et les actes de terrorisme dans le pays, de fournir des données précises et d’attirer l’attention du gouvernement, cherche à faire connaître à l’international la dimension ethnico-religieuse de ces violences.

Les réactions internationales que suscitent les violences commises par Boko-Haram et par l’Iswap au Nigeria sont « souvent timides, voire inexistantes », regrette PSJ qui voit là une conséquence de la manière dont les médias et les diplomaties adoptent et relaient « la vision biaisée de la réalité » présentée par le gouvernement d’Abudja, qui préfère nier ces massacres ou parler simplement d’affrontements entre agriculteurs et bergers.

« Face à ce déni, la communauté internationale ne peut comprendre la réalité de la situation, explique un communiqué de PSJ du 28 avril. Et ce silence permet aux bergers Peuls de continuer à tuer de pauvres villageois chrétiens dans leur sommeil. »

(1) Dans l’État de Plateau, les musulmans représentent à peine 30 % de la population.

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