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«Je ne refuse pas la communion à un protestant qui la demande»

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De Smart Reading Press :

UNE PROVOCATION DU PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE ALLEMANDE ?

Logo de la conférence épiscopale allemande

«Je ne refuse pas la communion à un protestant qui la demande». Ce n’est pas un simple prêtre de paroisse qui s’exprime ainsi. C’est le président de la Conférence épiscopale allemande en personne. Si la pratique de l’intercommunion est déjà courante outre-Rhin, ces récents propos de Mgr Bätzing ne manquent pas de surprendre alors que le Vatican a déjà exprimé son désaccord sur cette question. Encore que, dans le contexte du synode allemand, tout semble possible !

Les projecteurs des médias religieux se tournent de nouveau vers l’Allemagne. Le 23 février, une femme était élue secrétaire générale de la Conférence épiscopale en Allemagne (DBK), en la personne de Beate Gilles, une célibataire de 50 ans, diplômée en théologie de l’université de Cologne, qui entrera en fonction le 1er juillet. Elle reconnaît être proche du mouvement réformiste Maria 2.0 (voir dans la SRP (brève) du 12 février 2021), qui milite pour une plus grande participation des femmes au sein de l’institution catholique. Ayant dirigé ces dix dernières années le département Jeunesse, jeunes adultes, famille et génération au sein du diocèse de Limbourg-sur-la-Lahn, elle connaît bien l’actuel président de la DBK qui en est l’évêque, et qui s’est félicité de cette élection, qualifiant Beate Gilles de «solide théologienne», «loyale envers l’Église».

DANS LA LIGNE DU CARDINAL MARX

Cette «loyauté» envers l’Église, Mgr Bätzing semble lui-même en avoir une conception assez personnelle… Le 25 février dernier, lors d’une conférence de presse, répondant à une question de journalistes sur une proposition controversée de «communion par le repas eucharistique» entre catholiques et protestants, il déclarait en effet qu’il était nécessaire de respecter la «décision personnelle de conscience» de ceux qui veulent recevoir la communion, et il s’est présenté comme mettant lui-même en pratique ce principe : «Je ne refuse pas la communion à un protestant qui la demande», affirmait-il. Et Mgr Bätzing d’ajouter : «Je n’ai aucun problème avec cela, et je me vois en accord avec les documents papaux». Il précisait d’ailleurs que c’était déjà une «pratique» courante en Allemagne «chaque dimanche».

Successeur du cardinal Reinhard Marx à la présidence de la DBK, Mgr Bätzing en suit la ligne très progressiste quant à la réforme de l’Église allemande et n’hésite pas à exprimer ouvertement ses positions. Il déclarait ainsi en 2019 que «le célibat n’est pas essentiel au sacerdoce» (voir dans la SRP (Grand angle) du 5 mars 2020). Dès son élection à la présidence de la DBK, il réaffirmait le soutien de la DBK à la voie synodale en cours (voir dans la SRP (Grand angle) du 4 juin 2020), menée en partenariat avec le Comité central des catholiques allemands (ZdK) : «Au centre de nos considérations se trouve la “Voie synodale”. Je la soutiens pleinement. Je poursuivrai sa ligne, car je suis persuadé que c’est la bonne».

En septembre 2019, Mgr Bätzing coprésida avec l’évêque luthérien Martin Hein un Groupe d’étude œcuménique de théologiens protestants et catholiques connu sous ses initiales allemandes «ÖAK», composé de théologiens catholiques et protestants. Indépendant à la fois de la conférence des évêques catholiques allemands et de l’Église évangélique en Allemagne (EKD, une organisation représentant 20 groupes protestants), l’ÖAK a été créé en 1946 pour renforcer les liens œcuméniques. Il informe les deux organismes de ses délibérations.

ENSEMBLE À LA TABLE DU SEIGNEUR

Cette instance produisit en mai 2020 un document intitulé Ensemble à la table du Seigneur, qui préconise «l’invitation réciproque à la célébration de la sainte Cène/Eucharistie dans les formes liturgiques de l’autre confession», affirmant dans sa conclusion que «la participation mutuelle à la célébration de la Cène/Eucharistie du Seigneur est théologiquement justifiée». Au moment de la publication du document, M. Bätzing avait indiqué qu’il avait rejoint le groupe à un stade avancé du processus et qu’il s’était d’abord demandé «s’il pouvait ou non donner son accord». «Mais, avait-il ajouté, je dois dire que la justification théologique de ce document de base est si claire pour moi que je ne voulais pas et ne pouvais pas y échapper».

Le document de l’ÖAK suscita de fortes inquiétudes au Vatican. Une intervention de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) était devenue nécessaire, car l’étude de l’ÖAK prenait pour la DBK valeur d’une expertise, sur laquelle les évêques catholiques allemands devaient prendre position au plan doctrinal. En septembre 2020, la CDF intervenait par l’envoi de Commentaires doctrinaux (voir document annexe 2) «portant en particulier sur certaines questions théologiques insuffisamment clarifiées dans le document et ayant trait à l’interprétation catholique fondamentale de ce que sont l’Église, l’Eucharistie et le Ministère ordonné», critiquant le texte de l’ÖAK, et par une lettre à Mgr Bätzing (voir document annexe 1) cosignée par le cardinal Luis Ladaria, préfet de la CDF, et Mgr Giacomo Morandi, secrétaire de cette même Congrégation, pour souligner que des différences significatives dans la compréhension de l’Eucharistie et du ministère subsistaient entre protestants et catholiques : «Les différences doctrinales sont encore si importantes qu’elles excluent actuellement la participation réciproque à la Cène et à l’Eucharistie», dit-elle. «Le document ne peut donc pas servir de guide pour une décision individuelle de conscience concernant l’approche de l’Eucharistie». La CDF insistait sur le fait que «le lien étroit entre l’Eucharistie et l’Église » est trop ignoré» et mettait en garde contre toute démarche visant à l’intercommunion entre les catholiques et les protestants. Pour le cardinal Ladaria, le document de l’ÖAK «ne peut donc pas servir de guide pour une décision individuelle en conscience à propos de la participation à l’Eucharistie.

LE CARDINAL KOCH VIENT EN RENFORT DE LA CDF

Le 6 janvier 2021, l’ÖAK publia une «Prise de position», visant à aider le travail des commissions épiscopales de la DBK dans la poursuite de leurs travaux et dans la formulation d’une évaluation critique par rapport à la Déclaration, que Mgr Bätzing jugea comme «très appréciable et rédigée de manière objective». L’ÖAK y rejetait les critiques du Vatican, ses responsables continuant de considérer la possibilité de pratiquer individuellement l’intercommunion lors de la Cène ou de l’Eucharistie comme «théologiquement justifiée et pastoralement souhaitable».

Fin janvier 2021, le Cardinal Koch, Président du préfet du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, qui avait souligné à plusieurs reprises dans le passé que l’Eucharistie et la Cène n’étaient pas identiques et avait mis en garde contre le fait que l’Allemagne fasse cavalier seul avec un «repas de communion», exprima sa surprise quant au «style et au ton» de cette Prise de position : «Je suis surpris par le style et le ton de la déclaration. Sur 20 pages, le groupe de travail explique que les demandes de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de septembre 2020 sur le vote de l’ÖAK concernant la communion des repas des catholiques et des protestants ne sont pas justifiées. On peut donc se demander dans quelle mesure les auteurs de la déclaration sont vraiment prêts à poursuivre les discussions, comme cela est indiqué à la fin». Il regrettait également que de nombreuses affirmations contenues dans le texte demeurent à un niveau purement académique et ne renvoient pas à la réalité ecclésiale : «En pratique, une grande partie de ce que le Conseil œcuménique des Églises (COE) présente comme un consensus n’existe pas. Le fait que ce fondement n’ait pas été respecté dans une large mesure est d’autant plus surprenant que le COE invoque à maintes reprises la primauté de la pratique, mais ne s’y conforme pas dans une large mesure».

Le 3 février 2021, dans un entretien sur katholisch.de, le Pr Leppin, co-directeur scientifique protestant de l’ÖAK et éditeur du document Ensemble à la Table du Seigneur défendit de nouveau les fondements théologiques du texte, affirmant combien celui-ci était proche de la pratique. Il pointait même «dans les déclarations de l’actuel cardinal responsable de l’œcuménisme un refus de dialoguer», dénonçant un décalage entre le «bureau du Conseil pour l’unité à Rome» et la réalité œcuménique. Enfin, il attendait une «réaction sur le fond» de la part du cardinal.

Le 8 février 2021, le cardinal Kurt Koch adressa au Pr Dr Volker Leppin une «Lettre ouverte», dans laquelle il exprimait lui aussi de sérieuses réserves sur la proposition de «communion par le repas eucharistique». Si ce message fut clairement reçu par Mgr Bertram Meier, évêque d’Augsbourg, membre de la commission sur les relations œcuméniques de la DBK et membre adjoint du conseil d’administration du Groupe de travail des Églises chrétiennes d’Allemagne, qui déclarait que «les conditions de l’hospitalité eucharistique doivent rester telles qu’elles sont», et la règle – que je reçoive la sainte communion dans l’Église à laquelle j’appartiens – doit continuer à s’appliquer, contrairement à ce que le texte de l’ÖAK proposait», il ne semble pas que sa voix soit suivie par tous ses confrères. À tout le moins par celui qui les représente officiellement : en déclarant récemment qu’il était nécessaire de respecter la «décision personnelle de conscience» de ceux qui veulent recevoir la communion, Mgr Bätzing s’oppose frontalement à la note doctrinale de la CDF, tout en relançant un débat qu’elle voulait refermer sur ce point.

Désertée chaque année par des milliers de fidèles1, l’Église d’Allemagne cherche son salut dans la fuite en avant.

Rédaction SRP

Sources : Catholic News AgencyChristianunity


1 – En 2019, plus de 272 000 catholiques allemands ont cessé de payer l’impôt ecclésiastique et ont choisi de sortir de l’Église. Les protestants ont connu une désaffection équivalente, avec 270 000 fidèles de moins. Cela représente une augmentation de 24 % par rapport à 2018. L’impôt religieux, obligatoire outre-Rhin pour tous les baptisés, représente 8 à 9 % de l’impôt sur le revenu.

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