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RDC : corruption au sommet de l’Etat, toujours le même cirque

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Lu sur le site web « Afrikarabia » :

C’est une vidéo qui fait grand bruit. On y voit Vidiye Tshimanga, l’un des conseillers les plus influents de la présidence congolaise déballer le mode d’emploi du mal qui ronge depuis des décennies la République démocratique du Congo : la corruption. Par le menu, le conseiller stratégique de Félix Tshisekedi explique à de faux investisseurs comment obtenir de très juteuses licences d’exploitations minières en évitant toutes sortes de « tracasseries ». Dans la vidéo, Vidiye Tshimanga tente de convaincre ses interlocuteurs qu’il est l’homme de la situation. « Si je demande au président quelque chose, il donne. Moi, c’est le président… Le président ne fait pas d’affaires directement ». Pour montrer son influence auprès du chef de l’ Etat, le conseiller rapporte qu’il a financé la campagne électorale de Félix Tshisekedi. Des propos qui ont choqué à Kinshasa.

Monsieur 20%

Dans cette vidéo révélée par le journal suisse Le Temps, et un consortium de journalistes (OCCRP) spécialisé dans la lutte contre la corruption, Vidiye Tshimanga détaille le fonctionnement du système de corruption, grâce à sa société Cobamin : « Avec Ivanhoe, ils ont 80%, j’en ai 20. Mes 20% sont divisés en deux. Donc vous avez 10%, c’est Cobamin. Les autres 10%, c’est parce que dans la loi minière, vous avez l’obligation d’avoir une personne congolaise (dans la société)… Cette personne est quelqu’un que nous avons choisi ». Les deux journalistes du Temps, affirment pour l’instant, « ne pas avoir trouvé dans les registres congolais des sociétés détenues conjointement par Cobamin et Ivanhoe ou ses filiales ». Par contre, l’enquête révèle que la Cobamin a pu obtenir un permis minier à proximité de ceux d’Ivanhoe… un mois seulement après l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi. Simple coïncidence ?

« Un montage grossier »

Vidiye Tshimanga détaille également le circuit qui permet le tour de passe-passe financier pour toucher ses rétrocommissions : « La société ne sera pas à mon nom, car je suis une personnalité politiquement exposée. Nous avons des trusts qui sont sur l’île Maurice, nous avons différentes façons de le faire, mais généralement, nous mettons les noms des personnes que nous contrôlons dans le pays. Mais c’est nous qui dirigeons (…) Je suis toujours derrière. » Face au scandale qui a rapidement enflammé les réseaux sociaux, Vidiye Tshimanga a décidé de démissionner ce vendredi. Dans sa lettre rendue publique, il dénonce un « grossier montage » et affirme détenir un enregistrement audio qui contredirait les propos tenus, « sortis de leur contexte ». Le conseiller assure enfin au chef de l’ Etat, qu’il n’a cessé de défendre la lutte contre la corruption « ainsi que les anti-valeurs qui ont trop longtemps gangréné notre Nation ».

Une lutte anti-corruption sélective

Le scandale Vidiye Tshimanga tombe au plus mal pour le président Tshisekedi, un peu plus d’un an avant l’élection présidentielle, théoriquement prévue en décembre 2023. Le chef de l’Etat doit d’abord affronter l’échec de l’état de siège à l’Est du pays, où les groupes armés tiennent toujours tête à l’armée congolaise. Il doit maintenant reconnaître que la lutte contre la corruption, la principale priorité de son programme politique, est encore loin d’être gagné, 4 ans après son arrivée dans le fauteuil présidentiel. De ces deux promesses, pour l’instant non tenues, la lutte contre la corruption avait fait l’objet de nombreux effets d’annonce à grands renforts de communication censée « changer le narratif » du Congo : création d’une Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC), remise en selle de la Cour des comptes et contrôles tout azimut de l’Inspection Générale des Finances (IGF). Malheureusement, l’affaire Tshimanga démontre que la lutte contre la mauvaise gouvernance semble bien sélective… jusqu’à ignorer les propres dysfonctionnements au sein de la présidence de la République.

Une remise en question pour Tshisekedi

Des ressources naturelles siphonnées par une petite élite prédatrice, Jean-Jacques Lumumba connait bien la musique. Le lanceur d’alerte et militant anti-corruption n’est « pas surpris » par l’affaire Tshimanga. « Nous menons beaucoup d’investigations sur la corruption au Congo et nous étions au courant » confie-t-il à Afrikarabia. « Après 4 ans au pouvoir, il n’y a qu’une seule personne qui doit se remettre en question, c’est le chef de l’Etat. On ne peut plus continuer à l’épargner en pensant qu’il n’était pas au courant alors que se multiplie autour de lui des soupçons de malversation ». Le militant anti-corruption s’étonne également de voir apparaître l’entreprise minière canadienne Ivanhoe, citée par Vidiye Tshimanga, alors qu’elle apparaissait déjà dans ses propres dénonciations de corruption autour de la société appartenant à Zoé Kabila, le frère de l’ancien président Joseph Kabila.

De nouvelles affaires à suivre?

Pour Jean-Jacques Lumumba, « Il est urgent que le président se remette en cause et fasse le ménage autour de lui. La lutte contre la corruption n’est pas qu’un slogan, c’est une réalité qui doit commencer par le sommet de l’Etat ». Il affirme à Afrikarabia avoir connaissance « de faits très graves pour l’image du pays et l’avenir de la Nation. L’affaire Vidiye Tshimanga n’est que la partie immergée de l’iceberg. Si les informations que nous avons reçues cette semaine sont avérées et mises sur la place publique, les Congolais verront des éléments beaucoup plus choquants que la vidéo du conseiller à la présidence. Et c’est avec une grande tristesse que nous constatons que ce système de corruption perdure et que les mêmes maux se perpétuent ». Le mouvement citoyen Lucha est plus abrupt dans son commentaire sur l’affaire Tshimanga : « Pour avoir autant de mafieux dans son entourage, le chef est soit, incompétent, dans ce cas, il doit démissionner, soit il est lui-même le chef de la mafia et il doit être devant la justice. »

Christophe Rigaud – Afrikarabia

En attendant l’autre cirque, celui des élections prévues (jusqu'ici) pour 2023, JPSC.

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