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La disparition des rituels traditionnels nous fait-elle passer à côté de quelque chose ? (Annelies Verlinden, Ministre de l'Intérieur)

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D'Annelies Verlinden sur le site de Knack :

La disparition des rituels traditionnels nous fait-elle passer à côté de quelque chose ?

22 mars 2023

Les rituels relient les gens, et le fait de vivre des rituels ensemble peut rendre une société plus proche et reconnaissable. Ils constituent ainsi une main tendue dans un monde en pleine mutation", a écrit la ministre de l'intérieur Annelies Verlinden (CD&V) en réponse au jeûne du Ramadan.

Dans notre société moderne et sécularisée, de nombreux rituels et traditions anciens ont été relégués dans la sphère privée. Pas du jour au lendemain, mais progressivement. Ils ont été remplacés par des alternatives commerciales, souvent partagées avec enthousiasme sur les médias sociaux. Manquons-nous quelque chose lorsque les rituels traditionnels disparaissent, ou les alternatives sont-elles suffisantes ?

Aujourd'hui, la communauté musulmane entame le Ramadan : un mois de jeûne et de réflexion. La même semaine, les chrétiens sont à mi-chemin du carême qui les mènera à Pâques. Deux périodes qui revêtent encore aujourd'hui une signification particulière pour de nombreuses personnes. Les deux communautés de foi partagent alors la prière, la charité et le jeûne, et font le lien entre le repentir et le pardon des péchés.

Je ne sais pas combien de personnes participent au carême en silence ou non. J'en fais certainement partie, mais je ne sais pas toujours ce que font les gens autour de moi. Si vous annoncez que vous ne mangerez pas de viande pendant quarante jours ou que vous ne boirez pas d'alcool pendant tout le mois de février, vous êtes applaudi. Si vous dites aux gens que vous participez à un jeûne chrétien, un silence gênant s'ensuit souvent. Pourtant, toutes ces traditions peuvent être ramenées à une seule et même intention : se remettre en question et remettre en cause ses habitudes, sortir de sa zone de confort, faire un espace de réflexion et de purification, et partager cette expérience avec d'autres.

Elle renvoie à une nécessité inhérente à l'être humain. Une nécessité qui, d'ailleurs, est accueillie avec empressement par les acteurs commerciaux. Ils proposent des solutions toutes faites au chercheur spirituel d'aujourd'hui. Le lieu de pèlerinage est peut-être déjà en train de changer : au lieu de Jérusalem, de la Cité du Vatican ou de Lourdes, c'est le mont Everest qui figure désormais sur la liste des choses à faire. Et ce, peut-être pour l'ultime selfie. Quarante jours de jeûne font place à OMAD et NOMAD tout au long de l'année : un repas par jour ou pas de repas du tout. Amazon compte plus de 10 000 livres sur le "jeûne intermittent" sur son étagère virtuelle.

Alors que le jeûne n'apprend qu'à résister à la tentation de tout "dévorer" et de toujours opter pour la solution la plus facile ou la plus rapide. Prendre le temps de donner, de prier, de réduire ses dépenses. Car la "gratification instantanée" s'est entre-temps imposée partout. Et à en juger par le contenu des publicités, il semble qu'il s'agisse surtout de choses matérielles. La société de livraison de turbo Gorillas, par exemple, se vante que toutes vos courses seront à votre porte dans les 10 minutes suivant votre commande. Le manque réel demeure, mais le désir à court terme est satisfait.

Que les choses évoluent n'est évidemment pas un problème. Qu'elles soient habilement jouées et exploitées par des acteurs commerciaux est probablement inévitable dans notre société. Pourtant, je regrette parfois que des rituels et des traditions anciennes, comme le jeûne par exemple, soient traités comme des marâtres. En effet, outre la purification, la pénitence et le repentir, ils ont quelque chose qui nous transcende en tant que personnes et générations actuelles : ils nous relient au passé, au présent et au futur, nous sortant ainsi de notre individualisme et de notre focalisation sur le présent. Ils créent un lien entre les personnes, non seulement avec celles d'aujourd'hui, mais aussi avec nos parents et grands-parents et ceux qui les ont précédés, ainsi qu'avec nos enfants, nos petits-enfants et les nombreuses générations à venir. Les rituels relient les gens et le fait de les vivre ensemble peut renforcer la cohésion et la reconnaissance d'une société. Ils constituent donc un point d'appui dans un monde en pleine mutation.

Le pape François a déclaré : "Dans un monde qui continue à faire rage mais qui manque d'une feuille de route commune, nous sentons de plus en plus que le fossé entre l'obsession de notre bien-être personnel et le bonheur que nous partageons avec toute la famille humaine ne fait que menacer de s'élargir".

Le pape préconise également d'oser nager à contre-courant. La stabilité qu'incarnent les traditions peut faire contrepoids au changement constant et à l'incertitude de la vie moderne. Cela demande des efforts, et c'est permis.

Ou, comme l'a dit Abraham Lincoln, "la discipline consiste à choisir entre ce que l'on veut maintenant et ce que l'on veut par-dessus tout". Pour répondre à cette question, il faut faire preuve d'une grande lucidité. Il n'y a pas de meilleur moment que le Carême pour y parvenir.

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