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La révolution du pape François "jette le trouble dans l'Eglise"

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De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

Ordination d’hommes mariés, diaconat féminin... La révolution voulue par le pape François jette le trouble dans l’Église

13 août 2023

Le pape entend modifier en profondeur la gouvernance de l’institution catholique. Une voie contestée par de nombreux laïcs et prêtres.-- En cette fête de l’Assomption de Marie, le 15 août, le monde catholique célèbre l’un de ses plus grands rendez-vous de l’année. Encore bercé par le succès rassurant des JMJ au Portugal, l’Église vit toutefois dans la confusion face aux orientations que le pape entend imposer dès la rentrée à l’institution. La douce consolation estivale de Lisbonne pourrait se transformer en un véritable choc automnal.

Juste avant les Journées mondiales de la jeunesse, le pape a en effet confirmé, par des actes forts, sa volonté de réformer l’Église, à tout prix et en trois directions. En premier lieu sa gouvernance, que François veut plus démocratique et décentralisée. La vision théologique catholique ensuite qui ne doit plus être conservatrice mais progressiste, au diapason des évolutions de la société moderne. Et enfin sa succession, qu’il prépare en réduisant à une minorité congrue les cardinaux opposés à sa vision de l’Église parmi ceux qui éliront son successeur.

Ainsi, le 20 juin, faisait-il publier un audacieux «document de travail» (instrumentum laboris), qui guidera le prochain synode réformateur sur la gouvernance de l’Église. Cette assemblée réunira au Vatican trois cents évêques et expert laïcs en deux sessions, programmées en octobre prochain et un an plus tard. Le 7 juillet, le Vatican dévoilait la liste décisive des participants à ce synode, choisis, en majorité, pour leur opinion en faveur de la réforme.

Parmi eux, François a voulu par exemple nommer James Martin, un jésuite américain, leader de la défense de la cause LGBTQ+. Ce religieux est un symbole. Il est aussi extrêmement efficace et ne sera pas inerte lors de l’assemblée pour faire avancer le dossier de la bénédiction des couples homosexuels, l’une des réformes publiquement demandées par ce synode.

Les décisions «irréversibles» du pape

Parmi les autres réformes débattues, la gouvernance de l’Église, elle, ne serait plus aux seules mains des prêtres et évêques. Des laïcs de base seraient impliqués selon une méthode plus démocratique, moins hiérarchique. Rome ne serait plus d’ailleurs la centrale de pouvoir, lequel devrait se décliner au niveau local ou continental, selon les dossiers. Quant aux femmes, elles pourraient bénéficier de nouvelles responsabilités et, un jour, d’un statut diaconal, la requête est déposée. Le célibat sacerdotal, enfin, sera lui aussi discuté pour ouvrir, pourquoi pas, la prêtrise à des hommes mariés.

Le 1er juillet, François a pris une autre décision capitale. Il a nommé son ami et fils spirituel, Mgr Victor Manuel Fernandez, 61 ans, au poste clé de préfet du dicastère de la Doctrine de la foi. À partir de la mi-septembre, cet Argentin, mentor théologique du pontificat de François, va donner le ton à l’échelle mondiale de l’Église catholique. Comme le fit, au même poste, un certain cardinal Ratzinger sous le pontificat de Jean-Paul II. Sauf que Fernandez apparaît comme l’anti-Ratzinger sur le plan théologique.

Dernière décision estivale du pape, il a créé, le 10 juillet, une promotion de 21 nouveaux cardinaux pour s’assurer cette fois une majorité dans sa ligne en cas de conclave: désormais, 72 % des cardinaux électeurs - ils doivent avoir moins de 80 ans - ont été choisis par François. La majorité nécessaire pour élire un pape est fixée à 66 %. Si Jean-Paul II créa neuf promotions de cardinaux en vingt-cinq ans de pontificat en visant l’équilibre des sensibilités, François en aura lancé autant en seulement dix ans de pontificat, tous dans sa ligne, à de très rares exceptions près.

Tous les observateurs s’accordent sur un constat identique «d’accélération» de cette phase du pontificat. Il s’agit de rendre «irréversibles» les décisions du pape. L’adjectif «irréversible» reviendrait même souvent dans sa bouche selon plusieurs de ses proches. Mais si les trois pouvoirs - gouvernance, ligne théologique, élection du pape - changent de mains, six mois après la mort de Benoît XVI, cette évolution induit l’asphyxie assumée de l’influence conservatrice, classique, au profit du bloc progressiste.

À propos de cette offensive, le père jésuite américain Thomas Reese, fin observateur du pontificat, confirme au Figaro ce qu’il a récemment écrit dans le National Catholic Reporter: «Une organisation peut avoir des politiques merveilleuses mais, si les personnes responsables de leur mise en œuvre ne sont pas placées aux postes de pouvoirs ces politiques échoueront.» Depuis le début de son pontificat en 2013, François démontre ainsi un grand savoir-faire politique pour un homme d’Église. Ses collaborateurs rapportent d’ailleurs qu’il ne laisse rien au hasard: vision stratégique, choix des hommes, éloignement des opposants, contrôle interne étroit des subordonnés en vue d’atteindre réellement l’objectif.

Mais cette marche au pas de charge a une conséquence interne: l’Église n’avait pas été à ce point divisée depuis longtemps. Sans surprise, le document de travail du prochain synode a semé la joie chez les réformistes et la consternation chez les catholiques classiques conservateurs. La nouveauté est qu’il a provoqué un trouble inédit chez des prêtres modérés et chez bon nombre d’évêques. Jusque-là peu critiques, beaucoup s’inquiètent de cet assaut autoritariste et volontariste de François vers une réforme qu’ils jugent hasardeuse et confuse.

Besoin d’altérité

Cette défiance nouvelle des modérés est mondiale. Témoin objectif de ces turbulences, l’Église catholique des États-Unis où les divergences, y compris avec ce pontificat et les profondes inquiétudes vis-à-vis du Synode, ne sont pas cachées sous le boisseau comme en France. Ce qui a imposé, le 15 juin, à Mgr Christophe Pierre, un Français, nonce apostolique à Washington - nommé cardinal par le pape le 10 juillet - de se transformer en avocat du «synode sur la synodalité».

Il a dû prononcer un véritable plaidoyer prosynode devant des évêques américains plutôt froids sur le sujet lors de leur assemblée à Orlando en Floride. «Afin de dépasser la polarisation, a lancé le représentant du pape, nous devons apprendre à nous écouter les uns les autres, à travailler ensemble, à marcher ensemble cum Petro et sub Petro. La synodalité? Nous devrions lui faire confiance dès maintenant! Elle n’est pas un nouveau programme, ni un leurre pour masquer un plan de changement de la doctrine de l’Église.»

Avant une rentrée qui s’annonce agitée, le scepticisme règne dans les travées de l’Église de France, chez les laïcs comme chez les prêtres. Beaucoup de ses acteurs, quand ils sont critiques, exigent l’anonymat pour s’exprimer, surtout chez les clercs. Comme si la peur des représailles régnait, loin de l’esprit synodal qui devrait en principe respecter les avis contraires et s’honorer d’un débat contradictoire.

Paule Zellitch, théologienne, présidente de la Conférence catholique des baptisé·e·s francophones (CCBF), revendique «10.000 adhérents et sympathisants». Cette association poil à gratter de l’épiscopat apprécie le projet synodal même si elle juge le texte romain trop «médian». Pour la représentante, «la question est simple: il faut que l’Église s’adapte et avance avec le monde. Sans quoi le monde avancera sans l’Église! Où était Jésus sinon avec le monde?» Elle prévient: «Les évêques ont besoin d’altérité même s’ils n’en veulent pas. Il n’y a plus, nulle part, un chef qui décide de tout, c’est fini!»

Membre de l’équipe nationale du synode, Guillaume Houdan, diacre permanent dans le diocèse de Rouen, se sent lui aussi très à l’aise avec le synode. Ce père de famille âgé de 51 ans reconnaît cependant que les jeunes ont peu participé à l’enquête mondiale préalable qui a abouti au document de travail controversé. Il voit des catholiques «déstabilisés» ainsi qu’une «partie du clergé». Même si, selon lui, un point «serait à régler pour beaucoup: la place des femmes dans l’Église» et la nécessité «de leur trouver ministères plus adaptés», une question effectivement soulevée dans le document préparatoire.

Ce sujet de la place de la femme dans l’Église sera probablement «le» grand sujet synodal. Mais le débat s’annonce tendu. En voici un avant-goût: si pour Paule Zellitch, «rien dans l’Écriture ne s’oppose aux femmes diacres», le cardinal Robert Sarah, interrogé le 6 juillet aux États-Unis à ce sujet - François ne l’a pas invité au synode malgré sa popularité - rappelait: «aucun synode ne peut inventer un sacerdoce féminin.»

Désarticulation de la colonne vertébrale de l’Église

Les renversements annoncés ne passeront peut-être pas comme une lettre à la poste. Un prêtre d’expérience, modéré, s’inquiète: «Ce synode génère énormément d’angoisse chez les gens qui s’intéressent à l’Église et une profonde indifférence chez les autres.» Il ajoute: «Si la participation des laïcs ne doit pas faire débat - ils doivent avoir leur place - l’ecclésiologie catholique s’articule sur les ministères dont celui du prêtre qui est un point central. Or ce qui s’annonce est une désarticulation de cette colonne vertébrale de l’Église.»

Ici transpire la grande angoisse de beaucoup de prêtres et de nombreux laïcs, à savoir le respect du caractère «sacré» de l’Église. Un autre prêtre, jeune, exerçant dans un grand centre urbain, confirme: «Beaucoup sont accablés à la lecture du document de travail du synode. Ils n’y voient pas le raffermissement de la foi mais la catastrophe de la déconstruction de l’Église. Quant aux forces vives du catholicisme, de sensibilité classique, traditionnelle ou d’origines africaines ou des départements d’outre-mer, elles ne se sentent pas concernés par ce synode dont ils ne suivront pas les orientations.»

Plus sévères encore seraient les laïcs. Un jeune juriste qui connaît très bien l’Église déplore: «L’amour de l’Église, dont le trésor vivant est l’Eucharistie, se perd dans une dynamique d’ouverture qui s’apparente à une dissolution.» Pour lui, «le document de travail fait l’effet d’un grand exercice de communication.»

Luc*, un autre laïc nettement plus âgé et professeur universitaire témoigne: «La grande majorité des chrétiens est non seulement inquiète mais elle rumine un sentiment d’impuissance devant un processus qu’elle juge manipulé et artificiel par rapport à la réalité spirituelle de l’Église. Certes, les JMJ ont rassuré mais les réformes annoncées par le synode resteront… Et elles nourrissent encore la décrédibilisation de l’institution. Personne n’est contre le fait de donner plus de responsabilités aux femmes et aux laïcs mais il y a une immense confusion entre des idées judicieuses et des mesures mortifères.»

Philippe*, un autre laïc engagé dans sa paroisse et travaillant auprès des jeunes, témoigne: «Les jeunes éprouvent une vraie tendresse pour ce pape âgé et fatigué mais ils regrettent ses interventions très convenues et calibrées en mode slogan dont “todos, todos”, “tous, tous, une Église ouverte à tous”, couplet écologiste et inclusif que François a lancé à Lisbonne qui reprend des poncifs médiatiques.» Il assure: «Sur le fond, la jeune génération ne comprend plus ce pape souvent jugé démagogue. En voulant plaire au monde, il refuse de parler à son propre peuple. Il est libéral pour les autres, moralisateur pour les siens. Quant aux jeunes plus engagés, ils pensent que le pape parle trop. Il n’est plus pris au sérieux, sa novlangue cléricale ne passe plus.»

Cet homme d’expérience conclut: «Si les jeunes se sentent loin du pape et des évêques et proches de prêtres, ils aspirent à quelque chose de plus généreux, plus spirituel autour du Christ, des saints, de grands idéaux, à contre-courant de la société. Ils ont besoin de beauté, d’intérioriser, de spiritualité, de générosité alors que l’institution promeut pour eux un modèle plus “mainstream”, en mode “zadiste”. L’euphorie des JMJ a certes procuré un souffle chaud d’Esperance et de la joie, cela a fait du bien à tous. Mais cette allégresse des cœurs, vécue à Lisbonne, n’a rien à voir avec les réformes que préparent ces cénacles administratifs et synodaux. Il ne faudrait pas confondre ces deux réalités de l’Église.»

Mais où serait le hiatus? «Les gens, argumente Philippe*, trouvent que la consultation qui a conduit au document préparatoire a été biaisée, comme une manœuvre en vue de parvenir à des conclusions écrites à l’avance. Dans les paroisses, on connaît ceux qui ont répondu aux questions du synode. Ils ont plus de 70 ans, leurs enfants ne pratiquent pas, leurs petits-enfants ne sont pas baptisés. Ces boomers ont donc sorti les vieilles recettes! Ce synode a quelque chose de ringard par rapport à l’attente profonde des jeunes générations.»

*Les prénoms ont été modifiés.

Commentaires

  • En ma qualité de docteur en théologie catholique et d'organiste (donc facilement au contact des paroissiens), je ne m'autorise à dire qu'une chose : les gens (de moins en moins nombreux) qui font l'effort de rester fidèles à une pratique dominicale supportent déjà avec difficulté les messes liturgiquement fadasses qu'on les oblige à suivre et ne supporteront plus du tout l'Église crypto-protestante ou néo-luthérienne que le pape Bergoglio entend édifier en imaginant naïvement qu'elle attirera davantage les fidèles.

  • Deux réflexions ou remarques, qui ne sont pas en contradiction avec les vôtres.

    D'une part, il est possible de voir, au contact du pontificat de François en général et du processus synodal en particulier, le parachèvement de tout un deuxième mouvement, post-montinien, de post-modernisation de l'Eglise catholique.

    Ce deuxième mouvement va plus loin que le premier mouvement, de réconciliation avec la modernité, incarné par le Concile Vatican II, puisque ce deuxième mouvement est un mouvement de subordination à la postmodernité, donc un mouvement de subordination, certes incomplet et indirect, à l'hégémonie culturelle et sociétale du relativisme et du subjectivisme, non seulement en matière interreligieuse, à partir de Jean-Paul II, mais aussi en matière morale, à partir de François.

    D'autre part, encore plus depuis l'automne 2022 que depuis le printemps 2013, si François voulait faire diversion en permanence, ou s'il voulait, en permanence, faire en sorte que les évêques, les prêtres et les laïcs réfléchissent le moins possible au détournement de finalité de Vatican II, dès sa premiere session, et à l'échec du Concile puis à la faillite de l'après-Concile, il se comporterait exactement comme il se comporte, c'est-à-dire d'une manière particulièrement manipulatoire.

    Il est ahurissant ou vertigineux que presque personne ne relève ou ne souligne cette caractéristique fondamentale du pontificat de Francois, pontificat manipulatoire s'il en est, François étant l'archétype de l'homme d'Eglise qui veut que les fidèles "suivent le mouvement".

    Or, pour que les fidèles "suivent le mouvement", il est indispensable qu'ils soient conditionnés ou manipulés, pour pouvoir continuer à être à la fois acritiques et amnésiques sur le détournement de finalité de Vatican II, sur l'échec du Concile et sur la faillite de l'après-Concile, notamment en étant fréquemment en présence de clercs qui fonctionnent presque toujours sur le mode "projet" et presque jamais sur le mode "bilan".

  • Cher Benoît YZERN,

    Vous semblez viser un échec de Vatican II qui aurait provoqué une sécularisation de l'Eglise.

    Allez voir l'effet de Vatican II en Pologne, en Chine ou en Afrique noire. Vous verrez que la sécularisation vient plutôt des enfants gâtés que nous sommes, nous en Occident, gavés de richesses et très vaniteux de notre passé de support de l'Eglise.

    'Vatican II n'est pas en cause' vous dirait n'importe quel prêtre du Rwanda ou du Burkina. Chez nous, on ne fait pas des bénédictions du mariage homosexuel en prétendant que c'est Vatican II et sa super-ouverture. Chez nous, en nous appuyant sur Vatican II, on met Jésus, Marie et la fidélité à la foi de l'Eglise au centre de notre vie chrétienne".

  • Tout à fait d'accord !!

  • Attention : cet article s'appuie sur le "document de travail" du synode sur la synodalité.

    Il faut regardez "les décisions finales". Rappelons-nous le synode sur l'Amazonie. Il s'est passé la même agitation. On se fait souvent peur pour rien.

    Si le pape méditait de décider une chose au plan DOCTRINAL que ne veut pas l'Esprit Saint, vous le verriez suivre le destin de Jean XXII au XIV° s et s'envoler pour l'autre monde. C'est Jésus qui dirige son Eglise.

    Au plan PASTORAL, c'est différent : pas d'infaillibilité sur ce point...

  • Voici une réflexion ou remarque qui sera peut-être complétée.

    Doit-on conclure de ce que vous écrivez que, au moins depuis les années 1930, l'Esprit-Saint PRESCRIT que les catholiques s'en remettent ou se soumettent à l'anthropologie personnaliste, à l'ecclésiologie oecuméniste, à la conception inclusiviste des religions non chrétiennes et à la conception intégraliste de l'homme et du monde contemporains qui, depuis le début des années 1960, sont particulièrement peu propices à la vigilance et à la résistance de l'Eglise et des fidèles, en présence, respectivement, du subjectivisme, du confusionnisme interconfessionnel, du relativisme interreligieux et de l'immanentisme ?

    Il est certain que, depuis les annees 1930, l'Esprit-Saint PERMET que des catholiques (notamment, depuis le début des années 1960, la très grande majorité des clercs) s'en remettent ou se soumettent à ces quatre courants de pensée, particulièrement peu appropriés ou peu compatibles avec une exigence évangélique, dans l'acception notamment johannique ou paulinienne de ce terme, de lucidité et de ténacité des catholiques, face à l'esprit du monde.

    Mais il est ou serait tout à fait imprudent de croire et de dire que l'Esprit-Saint PRESCRIT cet alignement des catholiques sur ces courants de pensée, qui ont tous une part de responsabilité non négligeable dans l'amolissement et l'attiédissement de nombreux catholiques, face au subjectivisme, au confusionnisme interconfessionnel, au relativisme interreligieux et face à l'immanentisme.

  • Voici une autre réflexion ou remarque suscitée par votre commentaire.

    Doit-on conclure de ce que vous écrivez que le magistère pontifical est presque toujours globalement infaillible, mais que la pastorale pontificale, elle, peut être, parfois, localement et ponctuellement faillible ?

    Si tel est bien le cas, comment fait-on, en matière de discernement, bien entendu dans l'acception non bergoglienne de ce terme, si jamais une succession de prises de parole ou de position pastorales, officielles mais faillibles, d'un pape, dans un domaine spécifique de sa pastorale, est intégrée, par la suite, au magistère de ce pape, donc à sa contribution au déploiement de la doctrine de l'Eglise catholique ?

    Par exemple, infiniment plus depuis fin 1978 que depuis fin 1958, nous sommes en présence de papes qui multiplient les dissimulations, les évitements, les minimisations et les occultations, tous plus ou moins consensuels, au bénéfice de leur conception oecuméniste des confessions chrétiennes non catholiques et de leur conception inclusiviste des religions non chrétiennes.

    Cette stratégie pastorale consensualiste, officielle mais faillible, se concrétise dans le cadre de toute une pastorale, mais cette pastorale se manifeste dans des audiences, des discours, des lettres, des exhortations apostoliques et même dans des lettres encycliques qui finissent par faire partie du magistère, donc de la doctrine de l'Eglise.

    Aussi, en quoi donc votre distinction entre une doctrine presque toujours infaillible et une pastorale parfois faillible est-elle opérante, en cas d'intégration, au sein de la doctrine, de documents pastoraux qui comportent presque tous les mêmes omissions biaisées et blâmables, sur les confessions chrétiennes non catholiques et sur les religions non chrétiennes, alors que ces omissions découlent de tout un parti pris pastoral consensualiste, encore plus wojtylien que montinien, qui est certes officiel, mais qui est aussi faillible, d'après votre distinction ?

  • Benoît YZERN

    Ce trouble vient d'un manque de formation et de rigueur. Il faut dire que la FSSPX et les Sédévacantistes n'aident pas à discerner tant ils ont tendance à déformer la position de l'Eglise et à insister sur des petites phrases des papes coupées de leur contexte ou dites entre deux portes.

    Voici NEUF repères très clairs DE LA FOI qui ont été proposés à la Fraternité saint Pie X pour le retour à la plénitude de la communion catholique.
    Notez que :
    1° IL EXISTE UNE DOGMATIQUE à laquelle ils doivent adhérer par un acte de foi théologal et

    2° Une PASTORALE PRATIQUE qu'ils ne sont pas obligés d'accepter.

    I) la liste des neuf principales vérités doctrinales (neuf repères de la foi infaillibles) développées dans Vatican II, qui doivent être lus dans la continuité des dogmes du passé. Saint Paul VI conclut d’ailleurs ainsi les deux constitutions dogmatiques du Concile : « Tout l’ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans cette constitution dogmatique ont plu aux Pères. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu »

    1° L'homme est par nature un être libre et la liberté religieuse est une condition de sa nature. C'est un nouveau "préambule de la foi". Ancien dogme complémentaire : « Sa liberté est pour le moment diminuée par de l’ignorance et de la faiblesse, en vue d’un apprentissage de l’humilité ».
    2° L'Ordre des évêques est un ordre indépendant, radicalement non réductible à l'Ordre des prêtres, quoiqu'en disait saint Thomas d'Aquin (Supplementum). S’il ne donne rien de plus que le sacerdoce quant à l’eucharistie, il porte la plénitude de la grâce sacramentelle pour perfectionner le peuple de Dieu.
    3° Le mariage (qui est fondé sur le consentement mutuel des époux) est ordonné de manière indissociable à la croissance de leur amour réciproque et au don de la vie (et non à la procréation et à l'assouvissement du désir, comme l'enseignait saint Thomas d'Aquin, Supplementum) (Gaudium et Spes 50,3).
    4° Les religions autres que le christianisme ne donnent pas le salut (il est donné par l’union vivante de charité avec Dieu fondée sur la foi et source d’œuvres (Concile de Trente, session VI). Mais elles possèdent en elles des "semences mises par l'Esprit Saint" qui disposent les âmes des non-chrétiens au salut (Lumen Gentium 16).
    5° Nul n’entrera dans la Vision béatifique sans la plénitude du message du Christ contenu dans la foi catholique (Symbole du Quicumque). Mais les christianismes séparés, bien qu’ils souffrent de déficiences sur tel ou tel point, peuvent certainement produire la vie de la grâce et on doit reconnaître qu'ils donnent accès à la communion du salut (Unitatis Redintegratio, 3).
    6° « En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal », ce qui ne veut pas dire que tous seront sauvés en fin de compte (c’est le seul dogme à forme solennelle du Concile Vatican II, voir Gaudium et Spes 22, 5, repris de Pie XII Mystici Corporis 186).
    7° Le sacrement de l'eucharistie a pour but l'union par la charité de Dieu et de l'homme (et non seulement la glorification de Dieu).
    8° L’infaillibilité pontificale s’exerce de manière extraordinaire, solennelle ou ordinaire (Lumen Gentium, 25 et reprise des définitions du Concile Vatican I, Dei Filius 3, 1870)
    9° L'Écriture sainte n'est pas dictée par Dieu mais inspirée par Dieu à de vrais auteurs humains qui ont écrit avec leurs mots et leur faillibilité. L'Écriture est infaillible sur la doctrine du salut et sa révélation progressive, pas sur le reste. (Constitution dogmatique Dei Verbum).

    II) La liste des principales orientations pastorales prudentielles (faillibles) développées dans Vatican II :
    Le pape Benoît XVI nous invite à les regarder avec ouverture d'esprit et critiques raisonnables :
    1° MODE DE GOUVERNEMENT DE L'EGLISE : la démocratisation dans l'Église (conférences épiscopales, sinodalité). Relativisation de la parole des évêques, surtout lorsqu’ils réaffirment la foi.
    2° Mise en avant du sacerdoce universel des fidèles au détriment du sacerdoce ministériel, qui est une conséquence de la notion ambiguë de collégialité (Lumen Gentium 22)
    3° On remplace une pastorale réprimant l’erreur par une pastorale de la liberté de conscience, de réunion, y compris pour ceux qui prônent l’erreur (Applications : suppression de l’Index des livres prohibés, absence de canons anathémisant l’erreur à l’issue de Vatican II) (dignitatis humanae).
    4° On remplace une pastorale dénonçant l’erreur et l’incapacité à sauver des religions non chrétiennes par une pastorale cherchant en premier à connaître et admirer les "semences mises par l'Esprit Saint" qui disposent les âmes des non-chrétiens au salut (Nostra Aetate).
    5° On remplace une pastorale dénonçant les déficiences des confessions chrétiennes séparées par une pastorale qui regarde et admire en premier lieu la vie de la grâce produite par elles (Unitatis Redintegratio).
    6° On remplace l’évangélisation des païens portée par l’inquiétude pour leur salut par une pastorale de l’annonce joyeuse de la bonne nouvelle du salut, puisque nous savons que Dieu proposera à tous, sans exception, la possibilité d'être sauvé (Gaudium et Spes 22, 5, Nostra Aetate).
    7° On remplace l’autel du sacrifice par une table sacrificielle puisque le but du sacrement de l'eucharistie est l'union par la charité de Dieu et de l'homme (et non seulement la glorification de Dieu).

  • Arnaud Dumouch, heureusement que vous êtes là. Quant à Benoît Yzern vous êtes sûrement tout aussi indispensble. Mais quand Arnaud Dumouch tarde à intervenir , nous risquons de déprimer. Dieu merci , nous avons l' Evangile, les paraboles de l'insouciance,les béatitudes etc...

  • Quel sera le déroulement de ce synode ? Le pape ne prendra quasiment pas la parole. En général, il n'aime pas se compromettre quand il s'agit de proposer. Il préfère faire avancer son programme par les autres (ex. James Martin, les évêques allemands et flamands, Roche, "Tucho", les laïcs). Les avis émis par les participants seront inconciliables. Les évêques africains s'opposeront vigoureusement à certaines propositions. Au bout de deux ans, la montagne accouchera d'une souris. Tout au plus, l'ordination d'hommes mariés sera possible dans des conditions tellement encadrées que ceci n'aura aucune influence sur l'Eglise universelle. On peut subodorer que ce synode n'aura pas le rôle historique qu'on lui prête.

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