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Belgique : l'Eglise dans le collimateur des acteurs politiques du Nord et du Sud du pays

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De sur cathobel :

Accusations d’inaction, remise en question de son financement, commission d’enquête… l’Eglise dans le viseur des politiques

Les acteurs politiques, du Nord comme du Sud du pays, se sont emparés du dossier des abus sexuels dans l’Eglise, suite au choc provoqué par la diffusion du documentaire Godvergeten – ‘Les oubliés de Dieu’ – en Flandre. Si l’idée d’instaurer une commission d’enquête parlementaire fait consensus, même auprès du clergé flamand, certains politiciens taclent -aujourd’hui encore- l’Eglise pour son manque d’actions concrètes ; quand d’autres vont jusqu’à réclamer une refonte en profondeur du financement des cultes.

Invité de la radio La 1ère (RTBF) ce matin, Thomas Dermine, secrétaire d’Etat à la relance et aux investissements, est revenu sur l’onde de choc provoquée en Flandre par la diffusion de Godvergeten, cette série-documentaire sur les abus sexuels dans l’Eglise. L’élu socialiste s’est d’abord dit « extrêmement touché » et « ému », lui qui a effectué ses premières années secondaires dans une des écoles mentionnées dans le reportage – l’école abbatiale de Termonde, là où se sont produits plusieurs cas avérés de pédophilie. « Ces événements se sont produits juste après mon passage dans cette école, et j’ai eu la chance de ne pas en être victime » a confié Thomas Dermine.

Assurant son plein soutien aux victimes, il dénonce un « système qui était absolument scandaleux de la part de l’Eglise » :

Il y a encore des zones d’ombre. Il faut continuer à travailler et il y a des responsabilités qui doivent être établies.

Thomas Dermine, la 1ère, 29 septembre 2023

L’intervieweur de Matin Première, Thomas Gadisseux, avance que des « anciens prédateurs sont encore dans l’Eglise et reçoivent encore une pension de Rome » et demande à son invité « comment cela se fait-il qu’on en est encore là ? ». Thomas Dermine rétorque que des mesures ont été prises, comme dans le cas de son école secondaire qui a été fermée au lendemain des condamnations, et que des actions ont été intentées en justice. Néanmoins, il avance que « dans l’Eglise », bien qu’il y ait « un discours qui est plein de bon sens et de bonnes valeurs » – il cite en exemple le discours du pape à Marseille en faveur des migrants – « parfois il faut joindre les actes ! »

Ainsi sur les enjeux de migration, le secrétaire d’état estime que les communautés religieuses « doivent se racheter vis-à-vis de l’ensemble de la population » notamment en mettant « les infrastructures qui existent au sein de l’Eglise » à disposition des demandeurs d’asile.

Enfin, l’adjoint au ministre de l’Economie et du Travail s’est également dit ouvert à la mise sur pied d’une commission d’enquête par le Parlement belge, ainsi qu’à une discussion sur le financement des cultes : « Le financement public des cultes doit, le cas échéant, pouvoir être revu en fonction de dérives, comme ici ».

Un large consensus en faveur d’une commission d’enquête parlementaire

Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) et le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) ont reçu jeudi après-midi, rue de la Loi, le prêtre Rik Devillé et l’évêque d’Anvers Johan Bonny. Lors de la conversation, Mgr Bonny a promis de coopérer pleinement avec la justice et la police, a déclaré M. De Croo.

La veille, l’évêque référendaire pour les questions relatives aux abus sexuels s’était dit partisan de la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire sur les violences sexuelles commises dans l’Église. « Nous sommes un État de droit et ce problème s’est posé au sein de l’Église. Nous avons tout à gagner de la transparence et de la participation démocratique » a déclaré l’évêque.

Les partis flamands Vooruit, Groen, Open VlLD, CD&V, N-VA et Vlaams Belang de même que les partis francophones PS, Ecolo, les Engagés et DéFI soutiennent la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Les socialistes flamands déposeront une proposition qui va dans ce sens, annonçait ce mercredi leur président Conner Rousseau.

Lire aussi : Godvergeten : les partis flamands réclament une commission d’enquête parlementaire sur les abus sexuels

S’exprimant sur cette question, ce jeudi, devant le Parlement fédéral, La députée Valerie Van Peel (N-VA) a demandé avec émotion pourquoi les politiciens avaient besoin d’un documentaire comme ‘Godvergeten’ pour intervenir. Celle qui avait confié avoir été abusée dans son enfance a demandé aux parlementaires : « Où étiez-vous les dix dernières années ? Où étiez-vous quand les caméras n’étaient pas là ? »

Pour Karine Lalieux (PS), qui a présidé la Commission spéciale sur les abus sexuels dans l’Eglise en 2010, un suivi de l’attitude de l’Église par rapport à de potentielles nouvelles victimes s’impose. Interviewée par le quotidien Le Soir suite à la diffusion en Flandre de Godvergeten, la ministre socialiste tient, dans un premier temps, à rappeler « le travail énorme » qui « a été fait par la commission spéciale à l’époque, puis par le centre d’arbitrage mis en place (entre 2012 et 2015, NDLR) à la suite d’un accord passé entre la commission parlementaire et l’Eglise pour entendre et indemniser les victimes de faits prescrits. »

 

Néanmoins, d’après elle, il y aurait aujourd’hui des « questionnements sur l’affaire Calice qui était au début de sa procédure il y a douze ans, et sur les engagements de l’Eglise pris à l’époque : créer des points d’appui, dénoncer immédiatement les auteurs à la justice, prendre ses responsabilités par rapport au screening de curés, etc. » « Toutes ces questions n’ont plus été évaluées », estime-t-elle. D’où la nécessité pour celle qui présidait la Commission parlementaire spéciale d’effectuer un nouveau suivi de l’attitude de l’Eglise quant à ce dossier :

Est-ce qu’aujourd’hui tout va mieux dans l’Eglise ? Est-ce qu’ils dénoncent systématiquement les faits à la justice ? Il faut justement l’évaluer.

Karine Lalieux, Le Soir, 28 septembre 2023.

Toutefois, comme le note la VRT, si la volonté politique de créer une commission d’enquête est très largement partagée, sa mise en œuvre soulève en revanche des questions en coulisses. Une commission d’enquête parlementaire est un instrument lourd, qui dispose de pouvoirs d’un juge d’instruction et dont le travail prend du temps, non seulement pour mener des auditions mais aussi trouver un consensus politique sur des recommandations. Or, la Chambre entame sa dernière ligne droite avant les élections du 9 juin et n’a plus que quelques mois devant elle avant d’être dissoute.

L’intention d’instaurer une commission d’enquête parlementaire a néanmoins été confirmée ce jeudi par le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne. Sa mise en place formelle sera discutée en commission de la Justice la semaine prochaine.

Vincent Van Quickenborne et Alexander De Croo répondant aux questions des parlementaires sur les abus dans l’Eglise. © Capture d’écran – La Chambre

Alexander De Croo ouvert à une discussion sur le financement des cultes

La commission d’enquête, telle que voulue par Vooruit, se pencherait également sur les subsides que reçoit aujourd’hui l’Église. « Pourquoi des Belges devraient encore payer le salaire de clercs qui ont toléré des comportements criminels dans leur organisation et les ont même couvert », s’interrogeait ce mercredi le socialiste Conner Rousseau. « Allons-nous continuer à faire des cadeaux à une institution qui refuse de s’attaquer aux abus structurels ? » a lancé Hannelore Goeman, du même parti, devant le Parlement flamand.

Au Nord comme au Sud du pays (cf l’interview de Thomas Dermine), l’indignation collective provoquée par l’émission pousse de nombreux contribuables à s’interroger sur le bien-fondé du financement public des cultes. Les figures politiques flamandes s’emparent elles aussi de cette question. Et pas seulement à la gauche de l’échiquier politique… Ainsi, l’élu Open-VLD Jean-Jacques De Gucht, fils de l’ancien ministre, signe ce vendredi une carte blanche dans le quotidien flamand De Standaard dans laquelle il demande, outre la révision de fond en comble des subventions accordées à l’Église catholique, l’abolition pure et simple du financement des cultes.

Nous ne devons pas nous accrocher frénétiquement à cette tradition contestable [de financement de l’Eglise], qui fait obstacle au principe de séparation de l’Église et de l’État. Mon plaidoyer en faveur de son abolition n’a donc pas pour but d’offenser les croyants. L’apogée de la religion d’État est révolue depuis longtemps et il n’y a aucune raison de protéger encore ce principe dans notre constitution

Jean-Jacques De Gucht, De Standaard, 29 septembre 2023

Plus concrètement, le Ministre flamand de l’Administration intérieure et de la Gouvernance publique de la même formation, Bart Somers, a fait part ce vendredi matin de sa volonté de supprimer l’obligation pour les communes de combler les déficits des fabriques d’église.

Lire aussi : Godvergeten : les évêques flamands veulent aller de l’avant, ensemble avec les victimes et leurs proches

Le Premier ministre Alexander De Croo s’est dit ouvert à une discussion sur le financement des cultes, si un débat en ce sens s’ouvrait au Parlement, a-t-il indiqué jeudi en séance plénière de la Chambre.

Devant toutes ces annonces, un commentateur du Standaard, Bart Brinckman, appelle néanmoins à la prudence dans son édito, ce vendredi matin. « Il est juste d’examiner de près le financement des églises. Mais cela doit être fait de manière objective et intelligente, et non par esprit de vengeance« , écrit-il. Pour lui, « la manière dont certains politiciens s’emparent de la question laisse présager le pire ». Il fait alors une proposition : la religion est une affaire privée, laissons à chacun le droit de donner ou non de l’argent à la religion de son choix.

Commentaires

  • Le financement des cultes. Je ne vois pas trop le rapport avec la question de la pédophilie… Certes des « arguments » sont avancés, par exemple : "payer le salaire de clercs qui ont toléré des comportements criminels dans leur organisation et les ont même couvert" ou "...continuer à faire des cadeaux à une institution qui refuse de s’attaquer aux abus structurels ". On voit tout de suite que sont des jugements à l'emporte-pièce. La majorité des clercs n'a rien toléré et surtout couvert ! Quant au financement des cultes il ne s'agit en rien d'un cadeau.


    Soit ce débat se calme, soit les politiques s'y accrochent et en font peut-être même un cheval de bataille pour les élections.
    De toute façon, tôt tard on n'y coupera pas.
    Et c'est un gros débat qui s'ouvre.

    Je jette quelques idées qui me viennent plic-ploc à la lecture de ce qui est rapporté dans cet article.


    Le "financement de l’Eglise (ferait) obstacle au principe de séparation de l’Église et de l’État. C'est plutôt l'absence de financement de l'Eglise par l'État et qui ferait obstacle à ce principe !
    Pensez au culte musulman financé par l'Arabie Saoudite.
    Financer, c'est garder un contrôle.


    Bart Somers va loin: "...supprimer l’obligation pour les communes de combler les déficits des fabriques d’église." Là c'est pas possible ! Il faudra considérer les églises, les couvents, toutes les constructions remarquables liées à l'Eglise comme patrimoine commun et continuer à les financer comme on finance les musées (les grottes de Han, la citadelle de Dinant, etc). Tout le monde en profite, tout le monde doit payer.


    Je veux bien donner 80 € par mois à un curé de paroisse. (En gros ce que je donne à la collecte). Si vingt personnes font de même, on a un petit salaire pour un ministère du culte… Mais je ne veux pas financer Johan Bonny ! On voit le genre de déchirements qui seront créés par l'introduction d'un autofinancement…
    De toutes les façons, si l'Eglise est amenée à se financer par elle-même, il faudra, -dans un souci de synodalité- impliquer les laïcs (ne voyez pas d'ironie dans cette remarque).

  • Et pourquoi serions-nous obligés, par nos impôts, de payer le salaire exorbitant des dirigeants de notre pays parmi lesquels, nous le savons depuis longtemps grâce aux témoignages de victimes, il y a une concentration de pédophiles plus grande que dans l’Église? Désolée, la langue de bois n'est pas pour moi.

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