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Retour sur la réponse du pape aux doutes des cinq cardinaux conservateurs

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De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

Bénédiction des couples homosexuels, ordination des femmes... La réponse du pape aux doutes des cinq cardinaux conservateurs

Des cardinaux ont partagé leurs « doutes » sur les évolutions voulues par le synode sur l'avenir de l'Église, qui débute ce mercredi. Le pape leur a répondu. -- Le synode sur l'avenir de l'Église, qui débute ce mercredi pour un mois à Rome, devait mettre au premier plan le silence et la prière. Une polémique théologique vient de rompre cette sérénité avec fracas. Cinq cardinaux se sont opposés frontalement aux évolutions souhaitées par ce synode et l'ont fait savoir publiquement. Ils récusent notamment la perspective d'une bénédiction de couples homosexuels et l'ordination de femmes à la prêtrise. Ils rappellent aussi qu'un synode n'a qu'un pouvoir consultatif, pas celui de changer la doctrine.

Ce synode - le terme signifie « marcher ensemble » - voulu par François est un rassemblement de 365 délégués chargés de faire des propositions au pape pour une gouvernance plus démocratique et plus décentralisée de l'Église. D'abord baptisé « synode sur la synodalité », puis « synode sur l'avenir de l'Église », il se réunit au Vatican en deux sessions, aux mois d'octobre 2023 et 2024. Beaucoup voient en cette initiative le couronnement du pontificat réformateur de François, 86 ans, élu il y a dix ans sur le siège de Pierre.

Tout avait pourtant bien commencé. Samedi soir, à la lumière du soleil couchant sur la place Saint-Pierre, le pape introduisait ce rassemblement par une prière œcuménique, organisée par la communauté de Taizé, en présence d'une douzaine de hauts responsables chrétiens non catholiques. Le pape avait expliqué : « À travers cette prière commune, nous demandons d'apprendre à nouveau à faire silence pour écouter la voix du Père. Nous demandons que le synode soit une manifestation, un moment décisif de fraternité, un lieu où l'Esprit saint purifie l'Église de commérages, des idéologies, des polarisations. »

« La prudence pastorale »

C'est l'exact contraire qui s'est produit lundi. Le site diakonos.be, du journaliste italien Sandro Magister, rendait public la requête que ces cinq cardinaux avaient envoyée au pape au cours de l'été, sous la forme de « dubia » (« doutes », en latin). Cette formule juridique existe dans le droit de l'Église pour permettre à des prélats de faire part de leurs « doutes » au pape sur des matières graves.

Les cardinaux posent ainsi cinq questions, dont deux très concrètes - sur la bénédiction des couples homosexuels et l'ordination des femmes - et des interrogations touchant à la source de l'autorité doctrinale dans l'Église. Voici leur « doute » sur la bénédiction de couples homosexuels, effectivement prévue dans la réflexion du synode : « Est-il possible qu'un pasteur puisse bénir des unions entre personnes homosexuelles, laissant ainsi entendre que le comportement homosexuel en tant que tel ne serait pas contraire à la loi de Dieu (…) ? L'enseignement constant du Magistère ordinaire universel, selon lequel tout acte sexuel en dehors du mariage, et en particulier les actes homosexuels, constitue un péché objectivement grave contre la loi de Dieu (…) est-il toujours valable ? »

Dans sa réponse aux cardinaux, le pape François ne ferme pas la porte à ces bénédictions. Il rétorque que « seule » une « union exclusive, stable et indissoluble, entre un homme et une femme, naturellement ouverte à la procréation d'enfants » peut s'appeler un « mariage ». « Cependant, ajoute-t-il, nous ne pouvons pas être des juges qui ne font que nier, rejeter, exclure. » Ainsi, « la prudence pastorale doit discerner correctement s'il existe des formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage. » Par conséquent, même si « des situations ne sont pas moralement acceptables d'un point de vue objectif, la même charité pastorale nous demande de ne pas traiter simplement comme “pécheurs” d'autres personnes dont la culpabilité ou la responsabilité peuvent être atténuées. »

Certes, la décision de bénir des couples homosexuels - que François ne nomme pas comme tels - « peut faire partie de la prudence pastorale dans certaines circonstances, mais ne doit pas nécessairement devenir une norme ». Le pape refuse qu'une conférence épiscopale ou un diocèse, par exemple, s'arroge cette décision, comme le souhaiterait l'Église allemande.

Sur la question de l'ordination sacerdotale pour les femmes, envisagée dans le synode, les cardinaux écrivent : « La faculté de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes contredit le fait que la réservation exclusive de ce sacrement à des hommes baptisés appartient à la substance même du sacrement de l'ordre, ce que l'Église ne peut pas changer ? »

François rappelle tout d'abord que si Jean-Paul II avait décidé « de façon définitive » que jamais les femmes ne pourraient recevoir d'ordination sacerdotale, ce n'était pas pour les « dénigrer » et encore moins pour exprimer une « supériorité » ou une « domination », mais en considérant les femmes comme « totalement ordonnées à la sainteté des membres du Christ ».

François prévient : « Si l'on ne comprend pas cela, il sera difficile d'accepter que le sacerdoce soit réservé aux seuls hommes et l'on ne pourra pas reconnaître les droits des femmes ni la nécessité pour elles de participer, de diverses manières, à la conduite de l'Église. » Mais il ajoute, pour ne fermer aucune porte : « Nous reconnaissons, pour être rigoureux, qu'une doctrine claire et faisant autorité sur la nature exacte d'une “déclaration définitive” n'a pas encore été élaborée de manière exhaustive. Il ne s'agit pas d'une définition dogmatique ; cependant, elle doit être acceptée par tous. Personne ne peut la contredire publiquement, et pourtant elle peut faire l'objet d'études, comme dans le cas de la validité des ordinations dans la communion anglicane », qui ordonne effectivement des femmes prêtres depuis 1992.

« Différentes manières d'exposer la même doctrine »

Quant aux autres questions, l'une porte sur l'orthodoxie catholique des enseignements du pape François : « Est-il possible que l'Église enseigne aujourd'hui des doctrines contraires à celles qu'elle enseignait auparavant en matière de foi et de morale (…) ? », lancent les cardinaux. Réponse de François : les évolutions de la société peuvent conduire l'Église à trouver « différentes manières d'exposer la même doctrine ». « Pour ceux qui rêvent d'une doctrine monolithique défendue par tous sans nuance, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais, en réalité, cette variété aide à mieux manifester et à développer les différents aspects de l'inépuisable richesse de l'Évangile. » Le pape conclut : « Tout courant théologique comporte des risques, mais aussi des opportunités. »

Quant à la question sur l'autorité même d'un synode, les cardinaux observent : « Le synode des évêques, qui se tiendra à Rome et qui ne comprendra qu'une sélection choisie de pasteurs et de fidèles, exercera-t-il, au sujet des questions doctrinales ou pastorales sur lesquelles il sera appelé à s'exprimer, l'autorité suprême de l'Église, qui appartient exclusivement au pontife romain et au collège des évêques ? » Réponse du pape : il ne faut pas « sacraliser ou imposer » la « méthodologie synodale » pour en faire « une norme et un chemin obligatoire pour tous », ce qui conduirait à « geler le chemin synodal » et à ignorer « la richesse bigarrée de l'Église universelle ».

Qui sont ces cinq francs-tireurs ? Il s'agit des cardinaux Walter Brandmüller, 94 ans, allemand, historien de l'Église, ancien président du Comité pontifical des sciences historiques ; Raymond Burke, 75 ans, américain, spécialiste du droit canon réputé, ancien préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, une sorte de haute cour de justice de l'Église ; Juan Sandoval Iñiguez, 90 ans, archevêque mexicain ; Robert Sarah, 78 ans, guinéen, ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements ; Joseph Zen, 91 ans, ancien archevêque de Hongkong, courageux et grand résistant au pouvoir de Pékin.

Fébrilité du pape

Certes âgés, ils bénéficient pour la plupart d'une forte autorité morale et sont bien connus dans l'Église, ce qui explique que leur intervention a fait l'effet d'une bombe. Contre toute attente, le Vatican a publié dans la soirée de lundi une réponse officielle à leurs questions, ce qui n'avait pas été le cas quand certains d'entre eux avaient envoyé des « dubia » au pape lors du synode sur la famille et l'ouverture à la communion pour les divorcés-remariés en 2014 et 2015. Jamais le pape ne leur avait alors répondu.

Le retour papal quasi immédiat d'hier démontre que la fébrilité du pape, qui serait « inquiet », comme on l'entendait dire à Rome la semaine dernière, face à la tournure de ce synode décisif, n'était pas qu'une rumeur. François n'avait-il pas rappelé, samedi matin, aux 21 nouveaux cardinaux, que c'était lui « le chef d'orchestre » et qu'il n'était pas question pour « une partie de l'orchestre » de se comporter « comme si elle était le tout » ?

Pour justifier leur démarche, les cinq cardinaux ont affirmé dans une lettre ouverte : « Nous estimons qu'il est de notre devoir de vous informer, vous les fidèles, afin que vous ne soyez pas sujets à la confusion, à l'erreur et au découragement. »

Commentaires

  • Est-il si difficile de comprendre ces deux approches complémentaires que sont la doctrine liée à la vérité ("il n'y aura pas de mariage homosexuel ") et la pastorale lié à la charité (l'accueil des personnes) ?

    Cette polémique rappelle celle que vécut Jésus et qui le conduisit à la mort.

    Luc 7, 33 "Jean le Baptiste est venu en effet, ne mangeant pas de pain ni ne buvant de vin, et vous dites : Il est possédé ! Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites : Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! Et la Sagesse a été justifiée par tous ses enfants."

  • Oui, les ouvriers de la dernière heure, les publcains et les prostituées sont encore toujours snobés ( et même pire ) par de "bons" catholiques.

  • Faux, faux Arnaud. " Amour et Vérité se rencontrent".Ps 84
    Ce qu'il convient de distinguer ce sont les actes ( dont certains sont qualifiés par l'Eglise comme étant objectivement - voire intrinsequement- mauvais') et les personnes ( qu'on ne peut jamais juger).

  • Mais tout à fait. Voilà pourquoi le pape François ne bénira jamais l'acte.

    Il bénit les personnes.

    Il l'a redit eh Afrique : "L'homosexualité est un péché, pas un crime".

  • Ce dont il est question, c'est de bénir les unions homosexuelles (ce qui avait encore été expressément exclu il y a deux ans). Ce n'est pas la peine de sauter tout seul sur sa chaise en prétendant que ce n'est pas le cas.

  • De même que " aimer ses ennemis. ... ".les bénir " ne veut pas dire cautionner leurs actes.

  • Effectivement, il n'y a aucun problème à bénir les personnes homosexuelles car la bénédiction affirme la présence de Dieu, déjà à l’œuvre, dans la vie d’une personne; nous sommes tous pécheurs et nous pouvons tous être bénis. Les objets aussi peuvent être bénis ;
    la bénédiction d'un objet rappelle que l’existence de l’homme dans tous ses états (étudiant = bénédiction des cartables, dans son lieu de vie = bénédiction d'une maison ou de loisir = bénir une raquette de badminton…) peut et doit recevoir de Dieu la plénitude de son amour..
    le problème est de bénir une situation (et non quelqu'un) qui implique automatiquement un péché selon la doctrine de l'Eglise (cfr catéchisme sur l'acte homosexuel). Pour faire simple, peut-on bénir un péché?
    Ce qui inquiète, c'est la réponse amphigourique du Pape, a tel point que les 5 cardinaux ont reformulé leurs questions le 21 août au Pape lui demandant de bien vouloir répondre par oui ou par non.
    "Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu'on y ajoute vient du malin." (Matthieu 5:37)
    A la différence de l'union homosexuelle ou du couple homosexuel, l'amitié homosexuelle, l'union spirituelle homosexuelle devrait probablement pouvoir être bénie comme c'était semble-t-il le cas par le passé:
    https://www.youtube.com/watch?v=urVvdZQAEEU

  • On ne parle pas ici de ne pas bénir les personnes homosexuelles individuellement, mais leur union, ce à quoi s'oppose la doctrine de l'Eglise.
    Cette opposition n'est en rien un manque de charité, mais une cohérence qui est explicitée dans les textes officiels tels que celui-ci (du site du bureau de presse du Saint-Siège.)
    https://press.vatican.va/content/salastampa/en/bollettino/pubblico/2021/03/15/210315b.htmldont

    voici un extrait:

    "...étant donné que les bénédictions sur les personnes sont en relation avec les sacrements, la bénédiction des unions homosexuelles ne peut être considérée comme licite. En effet, ils constitueraient une certaine imitation ou analogue de la bénédiction nuptiale [7) invoquée contre l'homme et la femme unis dans le sacrement du mariage, alors qu'en fait « il n'y a absolument aucune raison de considérer les unions homosexuelles comme de quelque manière que ce soit de la même manière, ou même de l'écart, à l'écart de Dieu, au plan de mariage et de famille »

    Etrange, Muriel Lehembre, votre jugement péremptoire qui transparait dans plusieurs de vos commentaires envers les personnes qui se questionnent sur les incohérences entre les déclarations du pape François et ce que dit la doctrine . Vous les taxez de manque de charité alors que vous ne connaissez rien de leur vie, juste à partir de leurs commentaires que vous semblez survoler.

  • La doctrine de la foi sur ce sujet:

    https://press.vatican.va/content/salastampa/en/bollettino/pubblico/2021/03/15/210315b.html

    extrait: "La déclaration de l'illégalité des bénédictions d'unions entre personnes de même sexe n'est donc pas, et n'est pas censée être, une forme de discrimination injuste, mais plutôt un rappel de la vérité du rite liturgique et de la nature même des sacramentels, comme l'Église les comprend."

    Espérons que cette réponse (à un dubium) de la Congrégation pour la doctrine de la foi (2021), ne soit pas aussi changeante que le cours de la bourse..., ce à quoi ressemblent hélas, les déclarations du pape François.

  • Jésus parle à son Père : ....
    "Que tous soient un ...pour que le monde croie que tu m'as envoyé " Jean 17 -21
    " Je ne prie pas pour que tu les retires du monde mais pour que tu les gardes du Mauvais " Jean 17-13

  • Je pense que Anne Christine R. me confond avec quelqu'un d'autre.. Où " ai je taxé quelqu'un de manquer de charité " ???

  • Le mieux, lorsque l'on commente, c'est de se concentrer sur du fond, en particulier sur la matière de l'article publié par le propriétaire du blog - et sur ce qui en découle. C'est dommage de gaspiller son énergie et son temps à envoyer du venin sur d'autres participants au débat.
    Par exemple, un commentaire du 4 octobre à 11h47 accuse les "bons" catholiques de "snober (et même pire)" les pécheurs. Non seulement c'est un cliché, ce n'est pas étayé, mais, en outre, c'est méprisant. Les guillemets de "bons" sont significatifs : cela semble viser ceux qui sont attachés à la foi reçue et qui, en fait, ne mériteraient pas beaucoup de considération. Il y a un risque de tomber dans le modèle contemporain du pharisaïsme en croyant dénoncer sa version ancienne.

  • A Philippe G. Avec l' Evangile de dimanche je visais chacun d'entre nous .Bien sûr j'allais aussi dans le sens d' Arnaud Dumouch qui est quasi le seul sur ce site à venir de temps en temps défendre un Pape qui a le droit, comme tous les absents, d'être défendu ( " la parole est à la défense).

  • De ce débat, une chose ressort qui est indiscutable : La doctrine de l'Eglise est claire : "On bénit les personnes. On peut bénir les efforts d'une personne qui marche vers le bien. On ne bénit pas l'homosexualité"

    Mais le pape François est brouillon dans son expression.

  • Le pape n'est pas brouillon, il est jésuite.
    Si il était brouillon, on aurait une embiguité sur un des dubium, mais ici c'est pour les cinq. Sur tout ces sujets (mais aussi dans amore laetitia), il fait une affirmation, puis dans les phrases suivantes, il énonce la proposition contraire.

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