En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Image: illuminated page of the first psalm ("Beatus Vir") in the Howard Psalter (c. 1310-1320).
Introitus
Introït
Ps. 104, 3-4
LÆTÉTUR cor quæréntium Dóminum: quǽrite Dóminum, et confirmámini: quǽrite fáciem eius semper. Ps. ibid., 1 Confitémini Dómino, et invocáte nomen eius: annuntiáte inter gentes ópera eius. ℣. Glória Patri.
Que le cœur de ceux qui cherchent le Seigneur se réjouisse. Cherchez le Seigneur, et soyez remplis de force, cherchez sans cesse Son visage. Ps. Célébrez le Seigneur et invoquez Son Nom; annoncez Ses œuvres parmi les nations. ℣. Gloire au Père.
L’autorité ressemble à ces agents secrets chers à Graham Greene qui dissimulent leur identité pour ne pas la perdre davantage lors d’une mauvaise rencontre. Elle a encore quelques adorateurs qui l’affectionnent et déploient des trésors d’ingéniosité pour la définir, la redéfinir, pour qu’elle soit comprise de son époque. Pour cela, ils la rapprochent de la tradition, de l’honneur, de la hiérarchie, de la loi naturelle… ils n’ont de cesse de lui donner une canne, des béquilles, un trépied, pour qu’elle puisse encore sortir de sa cachette et prendre l’air. Les mots auxquels ils rattachent l’autorité ressemblent à des pansements, des cautères, qui, au bout du compte, la dissimulent un peu plus. Le désamour est prononcé depuis un long temps et s’accentue. Rien ne peut sauver l’autorité, tout ce qu’elle inspire rappelle des vieilleries dont on sait se passer. Elle ne sert à rien. Elle ne sert de rien.
L’autorité, dans son sens latin, vient d’auctor qui signifie celui « qui accroît », et de auctoritas, qui a « pouvoir d’imposer l’obéissance ». L’autorité s’assimile au pouvoir, ce que l’on oublie en séparant le pouvoir et l’autorité. En revanche, c’est un pouvoir sans pouvoir, elle ne contraint pas. Son champ d’action naît de l’éthique, du savoir, de la croyance… Car elle requiert l’obéissance. C’est là que l’on commence à buter sur son sens, car l’époque n’aime pas bien l’obéissance. Et, comme l’époque n’apprécie guère plus la croyance, elle dénigre l’autorité. Elle la dévalue, elle l’identifie à un pouvoir lâche et aveugle. Elle lui administre un surnom qui est devenu un sous-entendu : autoritarisme. Comme pour révéler ce qu’elle cache sous son masque de mansuétude : un caractère brutal, violent et instable. Il faut la démasquer. Il faut la calomnier. Il ne faut surtout ne plus rien comprendre, et qu’est-ce que ne rien comprendre sinon une nouvelle forme de croyance ? L’autorité impose des limites dont plus personne ne veut plus, qui obligent et empêchent d’être ce que l’on désire. L’époque pense que c’est en étant ce que l’on désire que l’on sera ce que l’on mérite. L’individualisme règne en maître, et sans partage. Personne ne sait mieux que soi ce qui est bon pour soi. Qu’on se le tienne pour dit ! Comme il fallait faire fi des limites et de la hiérarchie, l’époque balança l’autorité au rebut après l’avoir mise au piquet. L’autorité catalysait la modernité. Il fallait la matter.
Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. »
Chers frères et sœurs, qu’est ce que d’enseigner en homme qui a autorité ?
Qu’est-ce qu’une parole qui a autorité ?
Si vous le voulez bien, faisons un petit détour par l’histoire de l’Église. Vous rappelez-vous de ce que l’on appelait les lapsi et les stantes ? C’est le nom que l’on utilisait au moment des persécutions dans l’empire romain. Les stantes étaient ceux qui avaient tenu bon, et les lapsi, ceux qui avaient chuté, qui étaient tombés. ou non livré la parole. Et le critère selon lequel on pouvait déterminer s’ils avaient tenu bon ou étaient tombés c’était s’ils avaient livré ou non les saintes écritures. Voilà ce que l’on recherchait : la Parole, les bibles. L’empire romain voulait mettre la main sur les saintes écritures.
Et, très douloureusement, dans notre temps, en Corée du Nord, par exemple, c’est la même chasse effrénée à l’écriture sainte. Dans plusieurs cas, des prisonniers trouvés avec une Bible ou des brochures religieuses ont été exécutés sommairement, tandis que d’autres ont été enfermés dans des cages électrifiées. D’autres ont été exécutés pour avoir introduit en contrebande des pages bibliques depuis la Chine pour que les Nord-Coréens fabriquent des livres de prières. Les régimes totalitaires ne s’y trompent pas : ils savent que cette parole a une autorité. Ces pages de la bible contiennent une parole qui a autorité : elle va déterminer ce que je vais être, elle va me transformer et faire de moi un homme nouveau selon l’Évangile, un homme nouveau dont ces régimes ne veulent en aucun cas…
Je le disais de manière plus positive lorsque j’étais en mission dans ce petit village des Andes, il y avait cette femme évangélique qui vivaient au milieu d’un village particulièrement abandonné, marqué par d’alcoolisme et de misère physique et morale, qui disait : « J’apprends une parole de la Bible par cœur, et c’est la lumière pour ma vie, c’est le sens de ma vie. Je me tiens droite. »
Voici ce qu’est une parole qui a autorité.
Une parole qui engage, qui façonne…
Le grand drame de notre société contemporaine, c’est la dévaluation de la parole. Au temps du Moyen-Age, on pouvait être prisonnier simplement sur parole. Il suffisait d’en faire le serment. La centrale de Liancourt pourrait-elle fonctionner ainsi ? il est permis d’en douter !
De manière beaucoup plus large, on peut dire que trop de paroles dites n’engagent pas assez. Pour vous jeunes mariés qui partagez notre assemblée aujourd’hui, on peut citer cette dévaluation que l’on constate parfois dans le « oui » du mariage, qui n’est plus vraiment un absolu. C’est aussi le cas du « oui » de la profession pour nous, religieux. J’ai fait mes vœux, oui, mais j’ai changé…
Homélie du Père Joseph-Marie Verlinde fsJ - homelies.fr (Archive 2009)
L’homme est l’être de la parole : c’est là sa spécificité au milieu du monde animal auquel il appartient par sa dimension somatique. Mais il n’est pas la source du verbe : l’enfant n’accède à la parole que dans la mesure où un adulte - son père - l’invite à prendre sa place dans le dialogue qu’il instaure avec lui. Autrement dit, la prise de parole est toujours réponse, qui fait suite à l’écoute d’une parole venant d’un autre. Ultimement, au bout de la chaîne - qu’elle soit horizontale ou verticale - c’est la Parole du Tout-Autre qui fonde notre discours humain.
Hélas depuis que la ruse du Serpent a perverti notre intelligence, la parole du « Père du mensonge » (Jn 8, 44) interfère avec celle de Dieu. Désormais notre cœur est double : nous avons le souci non seulement « des affaires du Seigneur », mais aussi - et souvent en priorité - « des affaires de cette vie » (2nd Lect.). Pour retrouver l’unité et la paix intérieures et extérieures, il n’est pas d’autre chemin que de nous recentrer sur la Parole de Dieu, afin « de lui être attachés sans partage » (Ibid.). C’est pourquoi le Seigneur nous a envoyé ses serviteurs, porteurs de sa Parole ; il a promis à Moïse de faire lever au milieu de ses frères un prophète comme lui, qui transmettrait tout ce que le Très-Haut lui prescrirait (cf. 1ère lect.).
Nous le croyons : c’est en Jésus, le Verbe incarné, que Dieu accomplit cette promesse. L’Evangile de ce jour décrit l’action toute-puissante et irrésistible de sa Parole : « Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent ». Non seulement Jésus est la Parole de Dieu qui nous offre la possibilité d’entrer à nouveau en dialogue avec le Père, mais par sa simple présence, il dévoile le Menteur et lui impose le silence.