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Le réalisme de Thomas d'Aquin, antidote aux maux d'aujourd'hui

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De Tommaso Scandroglio sur la Nuova Bussola Quotidiana :

Le réalisme de Thomas d'Aquin, antidote aux maux d'aujourd'hui

La philosophie et la théologie de saint Thomas sont aujourd'hui mal comprises, à la fois parce qu'elles ont une logique de fer, aujourd'hui perdue, et parce qu'elles reposent sur un postulat inattaquable : quelque chose est là. Contrairement aux idéologies, c'est le fait de la réalité qui est à la base de ses arguments.

27 janvier 2024

Ce dimanche, l'Église célèbre la mémoire liturgique de saint Thomas d'Aquin (1224/1226 - 7 mars 1274), dont le 750e anniversaire de la mort sera également célébré en mars. Bien sûr, une seule année ne suffira pas à célébrer sa grandeur, et encore moins à se souvenir de lui dans un petit article comme celui-ci.

Parmi les innombrables aspects d'une importance radicale que nous trouvons dans son enseignement, nous aimerions cependant en souligner un ici. Les théories philosophiques sont en définitive valables ou erronées pour deux raisons. Pour leurs prémisses et/ou pour le processus argumentatif qui va des prémisses aux conclusions. Parfois, les prémisses, c'est-à-dire le point de départ du raisonnement, sont valables. (...) Il peut arriver que les conclusions ne soient pas conséquentes aux prémisses. Le processus logique du raisonnement est alors fallacieux.

D'autres fois, les prémisses elles-mêmes sont erronées : par exemple, "Dieu n'existe pas". Il va de soi que, compte tenu de cette prémisse erronée, tous les arguments ultérieurs, bien que et précisément parce qu'ils sont absolument cohérents avec la prémisse, seront erronés. Si Dieu n'existe pas, tout naît et se règle par hasard.

Thomas est également d'actualité pour ces deux raisons. D'une part pour sa maîtrise inégalée dans l'articulation d'un raisonnement serré, marqué par une logique de fer, où chaque passage argumentatif est toujours prouvé et jamais apodictique. C'est d'actualité parce que cette capacité est largement perdue aujourd'hui, même chez les savants et les gens ordinaires, où l'émotivité, c'est-à-dire la raison asservie aux passions, aux sentiments, est maîtresse. La tête, aujourd'hui, a fini dans le ventre.

D'autre part - et c'est sur cet aspect que nous voudrions nous attarder un peu plus ici - la philosophie et la théologie de Thomas provoquent ses contemporains parce que la prémisse sur laquelle repose toute, mais vraiment toute, sa réflexion est inattaquable, une prémisse qui est au contraire fortement attaquée par la culture contemporaine. La seule prémisse existante pour tout raisonnement est la suivante : il y a quelque chose. L'être est la première donnée de la raison et constitue une évidence incontournable. Notez le réalisme absolu : Thomas ne part pas de la foi, de la Révélation, de Dieu (parce qu'il n'est pas évident, dit-il), des théories d'autres maîtres, de la pensée, des sens, mais de la réalité parce qu'elle est une donnée objective et non subjective. La réalité se présente à l'homme pour ce qu'elle est. Il est vrai que nous la connaissons subjectivement, mais elle ne perd pas son objectivité pour autant. Au cours des siècles, les objections formulées pour réfuter cette évidence ont été gaspillées. Par exemple : la réalité que nous percevons n'est qu'un rêve, elle n'existe pas. C'est en effet un grand objectif personnel, car en disant cela, on affirme implicitement deux réalités : que le rêve et le rêveur existent.

Pourquoi le réalisme de Thomas est-il si gênant pour l'homme post-moderne et si peu apprécié même dans les foyers catholiques ? Parce que nos amis, collègues, parents, connaissances vivent souvent avec des idées détachées de la réalité, parce que pour réaliser leurs désirs égoïstes, ils doivent passer outre la réalité. Pensons au fantasme de se croire femme alors qu'on est un homme. Pensons à la légitimité de l'avortement parce qu'il n'y a de toute façon qu'un amas de cellules dans le ventre d'une femme. Pensons à la légitimité de l'euthanasie parce que le patient, par la maladie et la douleur, de personne devient légume. La réalité est autre, mais comme elle entre en conflit avec nos projets, ici nous l'ignorons et lui superposons le moule de nos rêves, des rêves de fausse liberté.

Le réalisme de Thomas n'est pas seulement présent dans la prémisse générale sur laquelle repose tout l'édifice majestueux de sa réflexion, mais aussi dans de nombreux arguments. Par exemple, lorsque le Docteur Angélique aborde le sujet de la loi humaine (cf. Summa Theologiae, I-II, qq. 95-97), il affirme ce qui pour lui est une évidence : dans la société humaine, il y a les vertueux et les méchants. Il utilise littéralement ces deux termes. Voilà une affirmation qui, pour Thomas et ses contemporains, était inoffensive, tant elle était lapidaire dans son réalisme objectif, mais qui, pour nous, ne l'est pas du tout, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, vertu et méchanceté sont des mots désuets, risibles, tant ils paraissent bigots. Ensuite, pour le monde d'aujourd'hui, la vertu et la méchanceté n'existent pas, ce ne sont que des concepts abstraits. Il n'y a que des choix personnels qui, tant qu'ils n'offensent pas les autres, sont légaux. Par conséquent, il n'y a pas de mauvaises personnes et si elles existent, elles le sont devenues à cause de la société. Seule notre grille de valeurs très personnelle les considère comme tels. Il y a tout au plus des personnes fragiles, en recherche, blessées.

Ici, cette vision de l'homme bon toujours et en tout cas corrompu par les superstructures sociales, a été écartée par Thomas non seulement à cause du péché originel, mais aussi parce qu'il était évident, pour lui comme pour ses contemporains, que nous faisons tous le mal et qu'il y a des gens voués au mal. Un réalisme inacceptable aujourd'hui pour le bonisme ambiant issu d'une approche relativiste où tout choix est indiscutable. Un bonisme qui n'est cependant qu'apparent car, en privé, chacun d'entre nous qualifie souvent les autres de méprisables, de médiocres, d'envieux, etc.

Ainsi, en fêtant Saint Thomas en cette année 2024, nous voulons célébrer non seulement cet ingénieur de la philosophie, ce scientifique de la théologie, mais aussi l'homme tel qu'il est, tel qu'il devrait être et non tel que nous voudrions qu'il soit au gré de nos fantaisies.

Commentaires

  • Si l'on comprend bien, le néo-catholicisme est amplement plus proche du bonisme que du thomisme, avant tout en matière religieuse, mais aussi, au moins depuis Francois, en matière morale.

    Cela permettrait de comprendre pourquoi il est de moins en moins question de la loi naturelle, de la vérité objective, et des vertus chrétiennes en tant que surnaturelles et théologales.

  • Il convient de rappeler ce dont il est question, au moyen d'une référence, parmi d'autres possibles :

    https://www.paroleetsilence.com/Dictionnaire-de-philosophie-et-de-theologie-thomistes_oeuvre_12887.html

    En effet, la maîtrise du thomisme nécessite celle du vocabulaire utilisé par Saint Thomas d'Aquin, ce qui n'est ni facile, ni impossible, le vocabulaire de Saint Thomas d'Aquin étant, par ailleurs, souvent situé aux antipodes de celui utilisé par François.

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