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"En 2000 ans, nous n'avons jamais vu autant de personnes s'opposer à une déclaration romaine" (Mgr Mutsaerts)

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De Javier Arias sur InfoVaticana :

L'évêque Mutsaerts à InfoVaticana : "En 2000 ans, nous n'avons jamais vu autant de personnes s'opposer à une déclaration romaine".

27 février 2024

Beaucoup d'entre vous connaissent déjà Rob Mutsaerts, évêque auxiliaire de Bois-le-duc (Pays-Bas). Nous avons parlé de lui à plusieurs reprises dans ces pages.

Mgr Mutsaerts défend sans peur et avec courage la doctrine catholique de l'Europe du Nord par le biais de son blog personnel. Ces derniers mois, cet évêque néerlandais a pris position contre Fiducia supplicans, a pris la défense de Mgr Strickland, démis de ses fonctions il y a quelques mois par le pape François, et a critiqué le développement du Synode de la synodalité.

Sur ces questions et d'autres, Mgr Mutsaerts s'est exprimé à nouveau dans une interview avec InfoVaticana :

Nous vivons des temps difficiles au sein de l'Église. Comment définiriez-vous les temps que l'Église vit actuellement ?

Les temps sont extrêmement confus. L'une des principales tâches du pape est de créer de la clarté là où il y a de la confusion. Le pape François est sélectif dans ses réponses aux questions (certains "dubia" ne reçoivent jamais de réponse, d'autres en reçoivent rapidement) et, en outre, ses réponses sont souvent sujettes à de multiples interprétations, ce qui ne fait qu'accroître la confusion et la division. Prenons Amoris Laetitia : est-il permis à une personne qui n'est pas en état de grâce de recevoir la Sainte Communion ? La réponse sans équivoque de l'Église a toujours été un "non" retentissant. Amoris Laetitia contient de nombreuses déclarations dont l'imprécision ou l'ambiguïté permet des interprétations contraires à la foi ou à la morale, ou qui suggèrent une déclaration contraire à la foi et à la morale sans l'énoncer explicitement.

Je n'exclus pas que le pape François adopte d'autres mesures dans la direction qu'il a prise.

Dans votre blog, vous vous êtes exprimé très clairement contre la Fiducia supplians. Voyez-vous la possibilité qu'à l'avenir l'Eglise fasse un pas de plus dans cette direction ?

Un prêtre peut-il bénir les pécheurs ? De toute évidence, oui. Peut-il bénir le péché ? De toute évidence, non. C'est sur ce point que FS passe à côté de l'essentiel. FS affirme que les unions homosexuelles peuvent être bénies. Il s'agit d'une doctrine contraire aux enseignements de l'Église catholique. FS a suscité une grande controverse. Le fait que le cardinal Fernandez fasse une distinction artificielle entre "couple" et "union" en réponse aux critiques n'a pas aidé. Un prêtre peut bénir le "couple" mais pas l'"union", ce qui n'a aucun sens. Après tout, il s'agit d'un couple parce qu'il y a union. Ce qui n'aide pas non plus, c'est l'affirmation du pape François selon laquelle les prêtres dans les prisons peuvent aussi bénir les plus grands criminels. Oui, ils le peuvent, mais nous ne bénissons pas leurs activités. Je peux bénir les voleurs, mais pas leurs activités. Je peux bénir les homosexuels, mais pas leur union. Je n'exclus pas que le pape François fasse d'autres pas dans la direction qu'il a prise. Mais nous savons aussi que là où il n'y a pas de continuité, il y a une rupture avec la tradition. Nous n'avons jamais vu cela en 2 000 ans. Le fait qu'il y ait une rupture avec la tradition peut être évident au vu de la résistance. En 2 000 ans, nous n'avons jamais vu autant de personnes - pas même un continent entier - s'opposer à une déclaration romaine.

Vous avez également parlé de la révocation de l'évêque Strickland, pourquoi pensez-vous que le Vatican est si dur avec des évêques comme Strickland et que rien n'arrive aux Allemands qui s'expriment contre la doctrine et la moralité catholiques ?

"Tout le monde, tout le monde, tout le monde", dit le pape François : tout le monde est le bienvenu. Tout le monde ? Il semble qu'une exception soit faite pour les traditionalistes. Le ton de Traditiones Custodes est dur, et combien de fois sont-ils qualifiés de rigides et de termes plus extravagants ? Demandez la messe traditionnelle et vous serez annulé. Un homme à la voix douce comme Mgr Strickland en est un exemple parmi tant d'autres. Les évêques allemands et belges qui plaident sans cesse en faveur de changements dans la doctrine et la morale de l'Église sont traités avec gentillesse. C'est la marque du pontificat actuel.

Le Synode sur la synodalité s'achèvera en octobre prochain. Pensez-vous qu'il puisse en sortir quelque chose de bon ?

Le Synode sur la synodalité se poursuit. La session précédente, qui a duré un mois entier, n'a rien produit de concret. Le document de plus de 40 pages présente une succession de généralités, un langage confus et des descriptions confuses sur l'accompagnement et les personnes qui luttent avec leur orientation sexuelle. Il ne pouvait en être autrement lorsqu'il n'y a pas d'ordre du jour, que tout est négociable et que nous ne sommes autorisés qu'à écouter. J'espère que la prochaine session aura un résultat similaire.

La déchristianisation et le sécularisme progressent dans toute l'Europe. Quelle est, selon vous, la solution pour que l'Europe redevienne un continent catholique ?

Dans L'homme éternel, Chesterton décrit les "cinq morts de la foi", les cinq moments de l'histoire où le christianisme était voué à disparaître. Chesterton mentionne : (1) l'Empire romain, (2) l'époque où les armées islamiques ont conquis le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, (3) le Moyen-Âge avec la disparition du féodalisme et l'émergence de la Renaissance, (4) l'époque où les anciens régimes d'Europe ont disparu et l'époque convulsive des révolutions, et enfin (5) le XIXe siècle, le siècle de Marx, de Darwin, de Nietzsche et de Freud.

Chaque crise a été suivie d'un temps de renouveau, d'un temps de renaissance. À chaque fois, la foi a semblé aller vers les requins, mais à chaque fois, ce sont les requins qui n'ont pas survécu. À chaque fois, le renouveau était totalement inattendu. Aujourd'hui encore, l'Église semble toucher à sa fin, mais il pourrait en être autrement. L'orthodoxie a généralement été la réponse qui a annoncé la reprise. Bien sûr, il y a toujours des voix qui appellent à l'adaptation à l'époque. L'Église devrait certainement le faire, à condition que cela n'implique pas une adaptation de la foi. En tout cas, la solution n'est pas d'abaisser la barre, de simplifier la foi.

Plaire au monde séculier aboutit toujours à l'évaporation de la foi. L'Église a toujours survécu là où son identité demeurait, par la réforme, la purification et la revitalisation. Peut-être que l'implosion financière aide à revenir à l'essentiel. L'Église n'est peut-être pas en si mauvais état. L'Église n'occupe plus une position centrale dans le spectre du pouvoir social. L'Église n'a plus de pouvoir. Ainsi, alors qu'il fut un temps où un curé pouvait faire de beaux discours pour obtenir d'un paroissien une place dans une maison de repos, ce temps est révolu depuis longtemps.

Le pouvoir n'est pas non plus quelque chose que nous devrions vouloir avoir. Jésus lui-même a été très clair : "Vous savez que les dirigeants du monde font étalage de leur pouvoir, mais il ne doit pas en être ainsi parmi vous". L'Église a été reléguée aux marges de la société. Je pense que c'est une bonne chose. En son temps, saint François, qui a vécu pleinement la pauvreté évangélique, a fait fleurir l'Église plus que n'importe quel prélat influent. De même, à notre époque, le travail extrêmement servile et désintéressé de Mère Teresa et de ses sœurs a suscité plus d'attention et de bonne volonté pour le Christ et son Église que toute l'influence sociale exercée par l'Église pendant les années de richesse du catholicisme romain.

L'Église ne doit plus servir les intérêts du gouvernement ou de la majorité. Elle n'a donc plus à parler au nom de qui que ce soit. Elle peut plaider, à sa manière contraire, pour les impuissants, les marginaux, les handicapés, les enfants à naître, tous ceux qui n'ont pas de voix. L'Église peut s'ouvrir à nouveau à la parole de Jésus : "Vous ne devez pas gouverner, mais servir". L'Église ne doit pas jouer le rôle de roi, mais plutôt celui de bouffon. Nous pardonnons l'impardonnable, nous tendons la joue aux assoiffés de pouvoir, nous restons sur nos positions parce que nous y croyons, quel qu'en soit le prix. L'Église pourra à nouveau dire clairement ce qu'elle est en fin de compte : le salut des âmes. Rien d'autre. Elle se rapprochera de l'Évangile. Et c'est une victoire. Il y a alors des possibilités de croissance.

Certains évêques et cardinaux accusent d'autres personnes de créer des divisions au sein de l'Eglise ou d'attaquer le Pape pour avoir défendu les vérités élémentaires de la foi ou pour avoir exprimé des opinions différentes de celles du Pape. Informer le Pape qu'il pourrait être amené à se tromper est-il une atteinte à l'unité ?

Ce ne sont pas tous ceux qui défendent la vérité de la foi ou qui expriment des opinions différentes de celles du Pape qui créent la division. On ne contribue pas à l'unité de l'Église en se taisant. L'ambiguïté exprimée dans les messages du Vatican crée la confusion. Elle met en danger la crédibilité de l'Église, fait perdre la foi et pousse certains à quitter l'Église dans le découragement. Ce sont ces personnes que nous devons encourager et inciter à ne jamais quitter l'Église.

Commentaires

  • Merci Mgr Mutsaerts! Ne pourriez vous pas amener l'épiscopat belge à rejoindre votre lecture des faits? Courage à vous

  • Au fait, le mois de janvier 2024 a été marqué par le trente-cinquième anniversaire de la publication, en janvier 1989, de la Déclaration de Cologne, dans laquelle quelques centaines de théologiens d'Europe occidentale ont fait comprendre, en substance, à Jean-Paul II et au futur Benoît XVI, qu'ils ne relaieraient pas ou ne soutiendraient pas le recentrage conciliaire conservateur de ce pape et de ce futur pape.

    Or, à la suite de la publication de cette Déclaration, qu'est-il arrivé à ces théologiens ? Ont-ils été convoqués par Rome, et ont-ils été sommés de rentrer dans le rang et de commencer à se déprendre de leurs stéréotypes anti-conservateurs et philo-modernistes ?

    Pas du tout ! Aussi, pourquoi devrait-on s'étonner, et comment pourrait-on s'étonner que la conception dominante de la réception du Concile et de l'après-Concile ait continué à prospérer, dans les années 1990-2000, puisque les propagateurs de cette conception, dont les théologiens qui ont pris position en 1989, ont eu la possibilité de continuer à développer ou à légitimer la poursuite de la prise en compte et de la mise en oeuvre de cette conception dominante de la réception de Vatican II et de l'après-Vatican II ?

    Qui aura le courage et la franchise de rappeler la grande part de responsabilité de Jean-Paul II et du cardinal Joseph Ratzinger, qui n'ont jamais voulu "faire le ménage", avec énergie et fermeté, notamment chez les Jésuites, alors qu'ils savaient très bien que les Jésuites sont encore plus "en roue libre" que le reste de l'Eglise du Concile, ce qui n'est pas peu dire, depuis le début des années 1960 ?

  • Quitter l'Eglise à cause d'un pape est la dernière chose qu'il faut faire.

  • L'autre dernière chose à faire consiste à se polariser sur le pape et le pontificat actuels, et à refuser de remarquer que cela fait déjà plus de soixante ans que cela ne va plus du tout, à l'intérieur et au sommet de la hiérarchie cléricale qui est responsable de l'institution ecclésiale, la réflexion qui précède ne visant personne en particulier.

    Il a fallu un siècle pour que l'on passe du Syllabus de Pie IX au Concile Vatican II, lequel est un genre ou une sorte d'anti-Syllabus, dans au moins quatre de ses documents officiels.

    Il a fallu vingt ans pour que l'esprit du Concile, dans son acception montinienne, soit à la fois aggravé et complété par l'esprit d'Assise, dans son acception wojtylienne.

    Et il a fallu vingt ans pour que l'état d'esprit qui figure dans l'encyclique Veritatis splendor (1993), de Jean-Paul II, commence à donner lieu à un dépassement, pseudo-évangélique, de ses exigences, dès la première année du pontificat de François (2013).

    Les trois rappels qui précèdent visent à rappeler, justement, que la dynamique d'auto-dépassement du catholicisme ne date pas du pape et du pontificat actuels, et doit donner lieu à une interrogation sur son "bien-fondé", au contact du déploiement de cette dynamique tout au long d'une période qui commence à ressembler à du temps long, car après tout le 75ème anniversaire de l'annonce du Concile par Jean XXIII aura lieu en janvier 2034, c'est-à-dire dans dix ans...

    Les clercs inclusifs et synodaux n'ont qu'à dire, une fois pour toutes, pourquoi ils ne veulent pas que les catholiques essaient de l'être et de le rester, tout en ne se conformant pas au monde présent.

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