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Savoir « offrir la vérité » avec calme et sérénité d’âme

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Du site de l'Homme Nouveau :

LA VÉRITÉ, À TEMPS ET À CONTRETEMPS

20 mars 2024

Il est important de savoir « offrir la vérité » avec calme et sérénité d’âme.

Dans sa fameuse lettre Que dire à un jeune de vingt ans, Hélie de Saint Marc suggère à son jeune lecteur de « ne pas s’installer dans sa vérité et de vouloir l’asséner comme une certitude »mais lui conseille plutôt de « savoir l’offrir en tremblant comme un mystère ».

Remarquez que l’ancien officier devenu écrivain n’affirme pas qu’on aurait tort d’avoir des certitudes ou que la vérité n’existerait pas. Ce qui préoccupe l’auteur des Champs de braise tient dans la présentation que l’on en fait. Un bijou se trouve toujours sublimé par l’écrin qui le contient, un présent par le paquet cadeau qui l’emmaillote. En matière de témoignage à la vérité, tout est affaire d’élégance apostolique, d’intelligence de cœur et de délicatesse pédagogique. Il restera toujours ensuite à la liberté humaine d’accepter ou non le trésor offert.

Trois attitudes d’âme sont en effet possibles quant à l’accueil d’une vérité mystérieuse, allant du « Fiat » de Marie au « Non serviam » de Satan en passant par le « Qu’est-ce que la vérité ? » de Pilate. La confiance et l’abandon de la Vierge, qui surmonte son appréhension devant la réalisation inouïe de l’Incarnation par sa médiation. L’orgueil obstiné du plus beau des anges, qui refuse l’apparent paradoxe du Verbe appelé à se faire chair. Le doute et l’indécision du gouverneur de Judée, qui préfère se laver les mains plutôt que de choisir (oubliant que renoncer à prendre parti est déjà un choix en soi aux conséquences immédiates, cela nous sera remémoré lors de la Semaine sainte à venir).

Entendons-nous bien, « savoir offrir la vérité » à son prochain – spécialement dans sa dimension transcendante ou surnaturelle – dépasse nécessairement tout un chacun. Les vérités attachées au mystère de la mort ou de la vie participent de ce vertige. Permettez-moi, à l’occasion de cet éditorial, de me plier à une rapide étude de la citation d’Hélie de Saint Marc en tentant de l’appliquer au drame de la constitutionnalisation de l’avortement qui fait la couverture de ce numéro.

« Ne pas s’installer dans sa vérité ». Oui, la réalité des choses se reçoit. Elle s’impose même souvent à nous et demande d’être acceptée, digérée. À cet égard, notre opposition à l’avortement ne saurait relever d’un sentiment ou d’une opinion, d’une « manière de voir les choses », de « notre vérité».

Dans le cadre de la vie naissante, un truisme se déploie sous les yeux de l’observateur attentif : dans le sein de sa mère, à l’âge d’un mois, l’être humain mesure quatre millimètres et demi. Mieux encore, son cœur minuscule bat déjà depuis une semaine, tandis que ses bras, ses jambes, sa tête, son cerveau sont déjà ébauchés. Comme l’écrivait le professeur Lejeune : « L’incroyable Tom Pouce, l’homme moins grand que mon pouce, existe réellement. » Nous l’avons tous été. Ceci n’est pas un point de vue de « catholique conservateur » – quelle pernicieuse expression ! – mais la photographie objective du commencement de la vie.

« Vouloir asséner la vérité comme une certitude ». Là réside certainement la grande difficulté. Démontrer l’évidence, voilà l’actuel et herculéen défi que Chesterton avait prophétisé : « On tirera l’épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. » 

« Savoir offrir la vérité ». Chez nombre d’entre nous, depuis trop longtemps, le degré de tolérance aux ténèbres a été dépassé. Trop, c’est trop. Aussi, l’on voudrait crier la vérité sur les toits de toutes nos tripes. Si ces dernières ont leurs vertus propres (à ne jamais négliger), l’intelligence, l’humilité, la patience et la persévérance ont également les leurs. Calme invincible et sérénité d’âme constituent des alliés indispensables pour affirmer avec force les vérités qui entourent la conception humaine et le sujet de l’enfant à naître.

« Offrir la vérité en tremblant comme un mystère ». En tremblant, non que la vérité nous trouble ou nous fasse douter, mais parce que le Christ nous fait l’honneur d’en devenir les serviteurs. « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jn 18, 37). Laïcs, prêtres ou évêques : nous ne sommes pas là d’abord pour interroger notre monde, l’inviter à se questionner ou lui faire part de notre tristesse ! Quelle platitude argumentaire dans une séquence si grave ! Nous sommes là au premier chef pour rendre témoignage du Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).

Au-delà de nos pauvres mains, de notre faiblesse et de nos péchés, nous avons un trésor à offrir. Envers et contre tout. Une vérité éblouissante à transmettre. À temps et à contretemps. Et son premier éclat tient en quelques mots : « Au commencement, il y a un message, ce message est dans la vie, ce message est la vie. »*

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*Professeur Jérôme Lejeune

Commentaires

  • « On tirera l’épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. »
    Essai d'explication (sûrement très partielle) : pourquoi est-ce si difficile de faire admettre la vérité, pourquoi celle-ci est-elle combattue avec autant de détermination ? Parce que la vérité met l'être humain face à l'imperfection de ses actes. Le réel est un miroir devant lequel le pécheur n'est pas fier de passer. Nous sommes enclins à théoriser nos comportements, au lieu de reconnaître les manquements de nos pratiques. Nous adoptons les thèses qui arrangent le mieux notre conscience.
    Si l'on ajoute que la vérité nous est souvent transmise par d'autres personnes (quand nous ne puisons pas nous-mêmes à la source), alors les inévitables rivalités humaines, le désir d'en imposer ou de ne pas s'en laisser imposer, renforcent la réticence à s'incliner devant l'évidence.
    On peut encore remarquer que les obstacles que nous dressons pour empêcher la vérité de nous pénétrer laissent de l'espace de cerveau disponible pour le mensonge. En refusant l'influence de ceux qui nous veulent du bien, nous nous rendons vulnérables au matraquage de la propagande mal intentionnée. Le paradoxe est donc que nous croyons notre compréhension des choses supérieure à celle d'autrui au moment où nous faisons preuve de la plus grande naïveté. C'est à l'instant où nous nous imaginons lucides que nous sommes gagnés par l'aveuglement. Etre inconsciemment un perroquet du faux est le sort qui guette celui qui s'enorgueillit de sa personnalité. En conclusion, rejeter la vérité, c'est se borner à suivre les modes, c'est exposer sa pensée à la seule orientation du vent dominant.
    Malgré nos dénis, une puissance de diffusion est inhérente à la vérité. Cette force est telle que c'est par le recours à des moyens coercitifs qu'on tente de l'étouffer. Faute d'argumentation basée sur la raison, on fait taire le messager, en le censurant, en le discréditant ou en le brutalisant. C'est pourquoi le lien est si étroit entre l'acceptation de la vérité et la liberté. Prétendre s'opposer à l'une implique de s'attaquer à l'autre.

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