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La campagne de Gleeden et la position du Jury d'Ethique Publicitaire

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La campagne du site Gleeden incitant les gens à l'infidélité a déclenché de nombreuses réactions. Certains se sont tournés vers le Jury d'Ethique Publicitaire en se demandant si cette campagne en faveur de l'adultère n'était pas en contradiction avec la loi belge et si le slogan affirmant que "l'amant coûte moins cher à la société qu'un anti-dépresseur" ne constituait pas une publicité mensongère.

Dans sa réponse, le J.E.P. fait observer que l'adultère est dépénalisé en Belgique et que faire de la publicité en sa faveur ne constitue donc pas un délit; quant à la référence à l'adultère, elle présenterait un caractère de second degré manifeste qui pousse le JEP à estimer que "personne ne verra ça comme une alternative à l'anti-dépresseur".

Il est bien clair que cette position offusque notre sens de la moralité publique et du respect de liens aussi sacrés que ceux qui lient les époux l'un à l'autre. Mais il faut bien constater que nos convictions sont en porte à faux par rapport à celles de la société libérale dans laquelle nous vivons. Celle-ci fonde sa législation sur le vote majoritaire dans les assemblées parlementaires et ne se réfère aucunement à une loi naturelle dont l'existence est d'ailleurs récusée par les théoriciens de la démocratie moderne, de Jean-Jacques Rousseau à... Laurette Onkelinx. Pour ceux-ci, la majorité exprime la volonté générale des citoyens et contester ses décisions revient à commettre un délit de lèse démocratie...

On peut certes déplorer cet état de fait en invoquant les principes du droit naturel et les règles qui président à un ordre harmonieux des sociétés humaines, mais il ne sert malheureusement à rien de recourir au Jury d'Ethique Publicitaire en se référant à autre chose qu'à ce qui est écrit dans le "droit positif", c'est-à-dire les lois dûment votées dans nos enceintes parlementaires. Pas plus que nous n'obtiendrons gain de cause en nous plaignant des sorties pseudo-humoristiques d'un hystrion ertébéen à l'occasion de la chandeleur. Aujourd'hui, dans la mentalité séculariste, la morale publique est quelque chose de totalement relatif.

On peut, bien sûr, se poser la question de savoir s'il doit y avoir un « pacte moral », une profession de « foi » civile en quelque vérité inaltérable, des acquis moraux irréversibles qui, en amont du droit positif, fondent le lien social sans lequel l’homme ne peut pas vivre, comment et sur quelle base fonder la reconnaissance de cette éthique fondamentale pour la vie en société. Sur ce point, contesté dans l'Occident post-chrétien, voici une anecdote significative: une controverse (au sens de la disputatio médiévale) avait été organisée, au théâtre Quirino à Rome le 21 septembre 2000, entre le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, et un professeur à l’Université romaine de la Sapienza, le philosophe Paolo Flores d’Arcais, pour explorer des voies de convergence possibles entre eux. Au moment décisif du dialogue, le modérateur – Gad Lerner (d'origine juive) journaliste à la  Repubblica – s’est demandé si des principes aussi fondamentaux que ceux du Décalogue ne pourraient pas être retenus comme base éthique commune, même par des athées (qui y souscriraient seulement « velut si [comme si] Deus daretur »). Mais cette proposition fut aussitôt rejetée par le philosophe laïc. Ce dernier nia que certaines règles morales ou de droit naturel  puissent constituer des postulats, ou des acquis irréversibles, pour l’humanité : le contrat social est toujours relatif, contingent, renégociable. Ainsi, certains revendiquent-ils maintenant à l’ONU l’insertion de nouveaux « droits » (à l’avortement, à l’euthanasie, au choix du « genre » etc.) dans une Déclaration universelle des droits de l’homme vieille de 50 ans à peine (1948) ! Alors, tout s’écoule (Héraclite...) ou s'écroule.

Bien sûr, il serait intéressant de s'interroger sur les motivations qui ont conduit le législateur à dépénaliser l'adultère, à ne plus considérer cela comme un délit alors que, si l'on trompe un associé ou un client, ou si l'on ne respecte pas ses engagements vis-à-vis d'eux, on peut être puni. Tandis que si je trompe mon conjoint, si je ne respecte mon engagement de fidélité, je ne serai jamais puni. Pourquoi mon conjoint est-il apparemment moins bien protégé par la Justice de la société, que ne le sont mon associé ou mon client ? C'est évidemment une bonne question mais nos politiciens s'embarrassent-ils de ce genre de considérations?

Il y aurait sans doute beaucoup à redire également à propos de la "publicité mensongère", non prise en compte par le JEP. Dire que l'adultère ne coûterait rien à la sécurité sociale est évidemment mensonger. Chacun connait les terribles drames humains, familiaux et sociaux induits par l'adultère. Il semblerait donc que le JEP n'a simplement pas voulu contester cette loi qui a dépénalisé l'adultère.

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