Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Anselme de Cantorbery et son argument ontologique

IMPRIMER

Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109)

Abbé, bénédictin, archevêque et Docteur de l'Eglise

Né à Aoste en Piémont, il devint bénédictin au Bec en Normandie, sous le bienheureux Herluin. Il fut d'abord abbé du Bec et, en 1093, il succéda à Lanfranc au siège de Cantorbéry. A cause de sa résistance contre l'empiétement des droits ecclésiaux par le roi Guillaume le Roux, il fut exilé sur le Continent. En 1098, il participa au Concile de Bari et, à la demande du pape, effaça les doutes théologiques des évêques italo-grecs. A la mort de Guillaume le Roux, il regagna Cantorbéry sur l'invitation du nouveau roi, Henri 1er, qui devint cependant son opposant en matière des investitures. Un second exil pour cette raison se termina par un retour triomphal en 1106. Malgré sa carrière quelque peu tumultueuse, Anselme fut un des saints les plus appréciés de son temps. L'histoire de l'Eglise considère en outre que sa pensée théologique établit le lien entre saint Augustin et saint Thomas d'Aquin. Il a été déclaré Docteur de l'Eglise en 1720. Plusieurs de ses ouvrages théologiques et philosophiques ont toujours leur importance. Nous devons sa biographie à son secrétaire, le jeune moine Eadmer de Christ Church à Cantorbéry.

On doit à ce docteur de l'Eglise d'avoir formulé le fameux argument ontologique ainsi présenté par Jonathan Kitt sur raisonsdecroire.org :

L’argument ontologique1 consiste à établir l’existence de Dieu par la seule analyse de sa définition ou de son essence. On parle ainsi d’argument a priori – à la différence des autres arguments théistes, a posteriori, qui reposent sur l’observation du monde.

Voici l’argument ontologique, tel qu’il est formulé par Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109) :

La foi nous dit que vous êtes l’être par excellence, l’être au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir.
« L’insensé a dit dans son cœur : II n’y a point de Dieu » ; a-t-il dit vrai ? [...] L’insensé lui-même, en entendant parler d’un être supérieur à tous les autres et au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir, comprend nécessairement ce qu’il entend ; or, ce qu’il comprend existe dans son esprit, bien qu’il en ignore l’existence extérieure. Car autre chose est l’existence d’un objet dans l’intelligence, autre chose la notion de l’existence de cet objet. [...] Or, cet être suprême au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir ne saurait exister dans l’intelligence seule ; car, en supposant que cela soit, rien n’empêche de le concevoir comme existant aussi dans la réalité, ce qui est un mode d’existence supérieur au premier. Si donc l’être suprême existait dans l’in-telligence seule, il y aurait quelque chose que la pensée pourrait concevoir au-dessus de lui ; il ne serait plus l’être par excellence, ce qui implique contradiction. Il existe donc sans aucun doute, et dans l’intelligence et dans la réalité, un être au-dessus duquel la pensée ne peut rien concevoir. 2

L’argument ontologique a depuis été repris sous diverses formes par des philosophes tels que Descartes, Spinoza, Leibniz et, plus récemment, Norman Malcolm et Alvin Plantinga.

Une critique de l’argument fut formulée par Gaunilon, un moine de l’abbaye de Marmoutier, contemporain de saint Anselme. Gaunilon réfute l’argument ontologique en prenant l’exemple de l’île « perdue » : si quelqu’un affirme qu’il existe, quelque part dans l’océan, une île jouissant de « toutes les richesses et délices en abondance inestimable », et que je comprends intellectuellement ce qu’est cette île, celle-ci devrait exister dans la réalité. Saint Anselme répond à Gaunilon en expliquant qu’une île est une chose limitée – on peut toujours imaginer des îles plus merveilleuses – alors qu’un être « tel que rien ne peut se penser de plus grand » est unique.

Emmanuel Kant a proposé une critique détaillée de l’argument dans sa Critique de la raison pure, en postulant que l’existence n’est pas un prédicat – quand on décrit le sujet en énumérant toutes ses qualités (les prédicats), on n’ajoute rien au sujet en disant qu’il existe. L’existence n’est pas une qualité supplémentaire, c’est juste une manière de dire que la chose « est » avec toutes les qualités qu’on a énumérées.

Malgré les critiques, l’argument ontologique continue à fasciner les philosophes. Comme l’a remarqué Bertrand Russell, « Il est plus facile d’être convaincu que l’argument doit être fallacieux que de trouver précisément où repose l’erreur. »3


1- Du grec ontos, être.
2- Proslogion, Chapitre II.
3- Bertrand Russell, History of Western philosophy.

Les commentaires sont fermés.