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Retour sur l'introduction d'un cours de religion islamique à l'école catholique

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La Libre l’annonçait dans son édition du 22 octobre dernier : le pouvoir organisateur de l’enseignement catholique réfléchit sur les contours idéaux d’une « société multiculturelle », dans un souci de favoriser un "vrai dialogue inter-convictionnel" en son sein.

Etienne Michel, Directeur général du SEGEC, se demande « comment construire un vrai dialogue inter-convictionnel dans les écoles, sachant que la relégation du religieux dans la sphère privée n’offre aucune solution à l’égard des risques de dérive fondamentaliste ». Et pour assurer ce dialogue, Etienne Michel poursuit : « mieux vaut un vrai cours de religion donné par quelqu’un de formé à l’école plutôt que des discours simplistes tenus dans des arrière-salles de café ».

On peut quand même se demander en quoi l’organisation de cours de religion islamique empêcherait un enseignement parallèle en phase avec des sensibilités particulières, en dehors des écoles. On peut aussi se demander si la mise en place éventuelle de cet enseignement s’accompagnerait de réciprocités à l’égard de l’enseignement de l’Evangile, dans les pays musulmans.

Dans le Triomphe de la raison, Rodney Starck écrivait ceci :

C’est le christianisme qui a créé la civilisation occidentale. Si ceux qui suivaient Jésus étaient demeurés une obscure secte juive, la plupart d’entre vous n’auriez pas appris à lire et les autres liraient des rouleaux copiés à la main. Sans une théologie engagée en faveur de la raison, du progrès et de l’égalité morale, le monde entier en serait aujourd’hui là ou en étaient les sociétés non occidentales aux environs de 1800 ce serait un monde plein d’astrologues et d’alchimistes mais sans scientifiques. Un monde de despotes manquant d’universités, de banques, d’usines, de paires de lunettes, de cheminées et de pianos. Un monde ou la plupart des bébés n’atteindraient pas l’âge de 5 ans et où de nombreuses femmes mourraient en couches, un monde vivant véritablement à "un âge des ténèbres".

Le monde moderne a pris son essor seulement dans les sociétés chrétiennes. Pas en terre d’Islam. Pas en Asie. Pas dans une société « sécularisée », il n’y en avait pas. Et toute la modernisation qui a depuis gagné l’extérieur de la chrétienté a été importée d’Occident, souvent amenée par les colonisateurs et les missionnaires. Malgré tout, de nombreux apôtres de la modernisation présument qu’étant donné l’exemple que donne l’Occident, des progrès similaires peuvent aujourd’hui être obtenus non seulement sans christianisme mais même sans liberté ni capitalisme, que la mondialisation va pleinement répandre les connaissances scientifiques, techniques et commerciales sans qu’il y ait le moindre besoin de recréer les conditions sociales ou culturelles qui leur ont donné le jour.

Dans les pages de La Libre d’aujourd’hui, nous pouvons lire avec plaisir une opinion nuancée et prudente, qui a l’avantage de mettre le débat en perspective.

De François Ska, directeur du Collège Roi Baudoin à Schaerbeek, dans un courrier adressé à Etienne Michel.

Monsieur le Directeur général,

Votre déclaration finale au récent Congrès de l’enseignement catholique et l’interview que vous avez accordée à la presse concernant la possibilité d’introduire le cours de religion islamique dans les écoles catholiques fréquentées par une majorité d’élèves musulmans suscite au sein de notre communauté éducative étonnement et inquiétude. Ceci repose sur les réalités vécues au quotidien sur le terrain, soit une école multiculturelle scolarisant des élèves relevant de nombreux courants spirituels et philosophiques.

1. Lors des entretiens d’inscriptions, nous précisons la spécificité de notre projet pédagogique, basé sur les valeurs évangéliques, et l’obligation du cours de religion catholique. Très souvent, les parents de religion musulmane disent que c’est précisément ce qu’ils recherchent : une école où la dimension spirituelle est présente. Certains précisent même qu’ils ont eux-mêmes été scolarisés avec bonheur dans des écoles catholiques, dont ils avaient apprécié la spécificité, dans l’ouverture, et grâce auxquelles ils avaient pu découvrir les richesses communes, notamment dans les personnes de Jésus et de Marie.

2. Les cours de religion catholique ne sont pas des séances d’endoctrinement ; ils sont assurés par des femmes et des hommes qui vivent et témoignent de leur foi dans un esprit d’ouverture et de respect, qu’ils reçoivent parce qu’ils en font d’abord preuve. Les objectifs de leurs cours relèvent notamment de quatre dimensions : - expliquer le contenu et la spécificité de la foi des chrétiens, et des valeurs évangéliques qui y sont liées ; - développer l’importance de la dimension spirituelle ; - montrer que cette dimension spirituelle est bien présente dans d’autres religions et courants de pensée, en étudiant comparativement ces différents courants spirituels, de façon à mettre en évidence les spécificités, les richesses communes et les différences ; - inscrire les valeurs évangéliques dans le contexte de la civilisation occidentale, et montrer comment, historiquement, ces valeurs ont été une des sources d’inspiration dans la constitution du socle des valeurs communes de cette civilisation, et restent donc aujourd’hui à la fois des valeurs présentes et une clé de compréhension du monde dans lequel nos jeunes vivent et sont appelés à prendre des responsabilités.

3. Dans le prolongement des cours de religion catholique, des initiatives regroupent régulièrement l’ensemble des élèves, quelles que soient leurs sensibilités religieuses et spirituelles, dans des lieux de recueillement relevant le plus souvent du culte catholique : concert de Noël, célébrations dans l’église paroissiale ou la chapelle maintenue au cœur du Collège, retraites spirituelles pour les aînés de nos élèves dans des abbayes, Ces moments sont vécus par les élèves comme des expériences privilégiées tant au niveau de leur recherche personnelle de sens qu’au niveau de la richesse du partage et de vécus communs : ces temps forts mettent en évidence dans le concret qu’en dépassant la peur de la différence, les élèves peuvent accéder à la découverte de l’autre plus en profondeur, et à la découverte que la différence est source d’enrichissement plus que de peur si la volonté est de construire des ponts plutôt que des murs. C’est dans ce cadre par exemple qu’un élève d’origine turque et de religion musulmane nous a dit récemment "Mon meilleur ami et camarade de classe est arménien." Loin d’être ressentis comme relevant de quelque violence que ce soit, ces cours de religion catholique dispensés à tous nos élèves contribuent à la compréhension mutuelle et à l’apaisement.

4. Comment par ailleurs expliquer à nos parents et élèves relevant d’autres courants spirituels que leur sensibilité ne pourrait pas être prise en compte également, par l’organisation de cours de religion orthodoxe, protestante, juive, bouddhiste , courants représentés dans notre école ?

5. Votre position étant présentée comme venant du "Pouvoir organisateur", nous sommes mis en difficulté face à la communauté éducative, qui nous interroge au niveau des différents partenaires que sont les élèves, les enseignants, les parents : quelle est la position à privilégier : la vôtre, ou celle de notre Pouvoir organisateur, différente ?

6. Par ailleurs, l’évocation aux replis identitaires nous inquiète, non que nous pensions qu’il faille les masquer, mais plutôt que nous sommes persuadés que la plus grande prudence s’impose en cette matière : il nous semble important d’éviter de prendre le risque de raviver ces tensions, de donner l’impression que nous ciblons ces replis dans une communauté précise, et de vouloir donner des leçons d’orthodoxie.

J’ai l’espoir que cette réaction retiendra votre attention.

Un intervenant sur le forum consacré à cette publication ne s’est pas trompé de cible :

« C'est la négation même de la justification des réseaux officiels, libre confessionnel, etc.
Que l'on fasse de l'enseignement officiel pour tous avec, éventuellement, en option, des cours de religion catholique, musulmane, protestante, juive, boudhiste, morale laïque ou autre ».

Nous ne pourrions mieux dire.

Commentaires

  • Pourquoi encore utiliser l'argument de la réciprocité en matière religieuse? Pourquoi demander aux pays musulmans la réciprocité des facilités que nous accordons à leur coreligionnaires ? Admettons une fois pour toutes que ces pays sont sous-développés intellectuellement autant qu'économiquement et traitons les comme tels.

  • Je vis, dans l'enseignement officiel, une situation analogue au directeur du collège de Schaerbeek: dans mon école de nombreux parents musulmans demandent expressément le cours de morale (au grand désespoir de leur enfant , d'ailleurs)

  • Ayant commencé ma carrière dans l'enseignement confessionnel (dit libre), un peu avant l'instauration du "rénové", de l'intérieur, année après année, j'ai pu voir évoluer ce réseau.

    Durant les années 70. Antoine Humblet est venu dans mon (?) établissement pour y vendre sa camelote. Ce type m'a fait pleurer. Sans blague. Et je ne renie pas cette réaction-là : ce soir-là, j'ai compris que nous étions vendus.

    De nos jours, à propos de l'introduction d'un cours de religion musulmane, c'est un avatar commercial de la même démarche.
    La population musulmane devient une clientèle potentielle qu'on veut pouvoir convaincre, avec les mêmes arguments de vente que ceux des réseaux publics.

    Le nombre d'élèves et l'argent qu'il représente, voilà "le" critère, "la" valeur.

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