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Massimo Introvigne démonte les accusations bidons portées contre le pape

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Sur la Nuova Bussola Quotidiana, Massimo Introvigne s'applique à démonter les accusations émises contre le pape et selon lesquelles il aurait non seulement fait preuve d'indulgence à l'égard de la dictature mai aussi dénoncé deux jésuites aux autorités. Nous remercions l'amie qui a bien voulu traduire et condenser ce très long article mais cela en valait la peine alors que cette fange est encore largement répandue sur différents sites malgré les démentis les plus fermes :

Massimo Introvigne souligne qu’il n’aura fallu que quelques heures pour que la « machine à merde », expression italienne correspondant à notre « traîner dans la boue », s’attaque au Pape François. Une machine à traîner dans la boue avec deux sons de cloches. Tandis que la maladroite tentative du célèbre journaliste italien Travaglio (« Il Fatto ») de le classer parmi les progressistes était encore en cours - juste avant que l’on ne découvre son apologie du célibat sacerdotal et sa dénonciation des lois sur le mariage homosexuel  - un démenti était lancé : il ne s’agissait pas d’un progressiste, mais d’un fasciste qui n’avait pas condamné la dictature militaire argentine. Bien pire : on l’accusait déjà d’avoir collaboré avec celle-ci, et même d’avoir personnellement livré des Jésuites à la torture, et potentiellement tant d’autres choses encore. Et la « Repubblica » de menacer le pape, si par malheur il se révélait « gênant », de devoir un jour faire la lumière sur ses rapports avec la dictature militaire argentine et sur des faits jamais clarifiés et où il pourrait être scandaleusement compromis !

En somme, des menaces, un chantage absurde… et surtout de la calomnie. Car, comme le soutient Introvigne : « et pourtant, il n’y a rien à clarifier : tout a déjà été fouillé, mis au jour par des ouvrages et contre-ouvrages en Argentine, et il n’existe pas un document, le plus insignifiant soit-il, qui n’ait été publié. L’affaire est classée. »

Pour affirmer cela, Introvigne se réfère à l’un de ses articles de 2010, où il avait traité cette question en se focalisant sur le penseur catholique français Jean Ousset, mis en cause en même temps que le Pape François dans « L’île du Silence » du journaliste de gauche Horacio Verbitsky (dont les nombreux écrits ont été relayés par la journaliste française Marie-Monique Robin, également de gauche, et romancés par Alessandro Perissinotto dans « Per vendetta » en 2009), ouvrage où nos chers journalistes puisent aujourd’hui leurs racontars nauséabonds.

« Dans ces ouvrages, les auteurs précités racontent que, face à un révolte aux accents de guérilla et de terrorisme, la dictature militaire avait fait appel à des militaires français ayant expérimenté la « guerre sale », incluant des moyens comme la torture, en Algérie. Que, pour organiser le débarquement de ces officiers français, la dictature se tourna vers l’Eglise Catholique - représentée par ses évêques, mais aussi par l’Opus Dei et par les puissants Jésuites, dont le provincial était Bergoglio -, lequel aurait collaboré avec l’association de Jean Ousset, La Cité Catholique, qui possédait une branche argentine, et dont certains de ces militaires français faisaient partie. Et que c’est ainsi que les tristes techniques anti-rébellion expérimentées en Algérie auraient été transférées en Argentine. Ils accusent également les évêques, les responsables de l’Opus Dei et des Jésuites d’avoir fait pire encore en dénonçant aux militaires les prêtres et laïcs proches de la « théologie de la libération » de tonalité marxiste, qui s’opposaient au régime. Et que certains d’entre eux furent emprisonnés et que tous n’en sortirent pas vivants.

Mais, objecte Introvigne, cette reconstruction de l’histoire est amplement fantaisiste. Verbitsky a eu libre accès aux documents des ministères et de la police, et cela peut-être aussi à la faveur des dures confrontations qui ont opposé l’Eglise, menée par le Cardinal Bergoglio, aux derniers gouvernements argentins sur des questions comme le mariage homosexuel (introduit en Argentine en 2010) ou sur la politique économique. Très informé quant aux détails, le trio Verbistky-Robin-Perissinotto est cependant très faible et très peu crédible sur le cadre général. Il décrit le monde catholique des années 1979 comme un monolithe, alors qu’il était parcouru par de très fortes tensions. Il en arrive à soutenir que, grâce à l’œuvre de médiation de Pio Laghi, nonce en Argentine et devenu cardinal par la suite, décrit comme un authentique malfaiteur, les disciples argentins de Marcel Lefebvre et les évêques (parmi lesquels se trouvaient pourtant de nombreux progressistes) coopéraient tous à un même dessein : soutenir la dictature en feignant de la critiquer. »

Laissons de côté les considérations absurdes de Perissinotto concernant les lefebvristes ou l’Opus Dei. Il est risible, toutefois, de constater, avec Introvigne, que l’auteur ne trouve pas mieux que de renvoyer au « Da Vinci Code » comme référence en ce qui concerne ce dernier! Critique sur les détails, Introvigne dément aussi la thèse fondatrice de l’ouvrage : « La dictature militaire argentine dépeinte, pour toute la durée de son gouvernement  - de 1976 à 1983 –, comme un empire du mal, un ramassis de sadiques et de bourreaux qui n’agissaient pratiquement que par pure malveillance. »

Introvigne rappelle que, comme toujours dans l’histoire, rien n’est tout noir et rien n’est tout blanc : la réalité est bien plus complexe. Le précédent gouvernement péroniste avait amené le pays au chaos économique et social. Il y avait bel et bien des terroristes, le risque d’une dérive communiste à la mode cubaine n’était pas hypothétique, les catholiques eux-mêmes payaient un lourd tribut. Introvigne cite l’exemple de l’avocat et philosophe catholique néo-thomiste Carlos Alberto Sacheri, assassiné par l’Ejército Revolucionario del Pueblo (Armée Révolutionnaire du Peuple) sous les yeux de sa famille au retour de la messe.

Introvigne poursuit : « Durant les premiers mois de la dictature, l’idée que les militaires mettent de l’ordre et fassent respirer une économie moribonde fut salué favorablement, y compris par la gauche. C’est par la suite que les choses changèrent : le régime ne tint pas ses promesses d’un projet cohérent pour l’identité et la réconciliation nationale, il se lança dans la désastreuse aventure de la guerre des Îles Falkland contre la Grande-Bretagne et – face à une opposition croissante– recourut à des stratégies répressives qui comportaient de très graves violations des droits humains et de véritables crimes.

Il faut donc distinguer les jugements formulés par les responsables catholiques durant les premiers mois du régime et ceux qui portent sur les années qui suivirent. Comme l’écrivait le Cardinal Bergoglio, l’Eglise « vint à connaître peu à peu ce qui était en train d’arriver [les violations des droits humains]. Au début, elle n’en savait que peu ou même rien. » Il ne faut donc pas, comme l’ont fait Verbitsy et ses disciples, mettre dans le même panier les déclarations des représentants de la hiérarchie ecclésiastique de 1976 ou 1977, qui exprimaient un appui prudent – jamais sans réserves - au nouveau  gouvernement militaire et les apologies du régime des années 1980, imputables à des représentants catholiques – parmi lesquels quelques évêques – définitivement minoritaires par rapport à la Conférence Épiscopale dont les déclarations prenaient toujours un ton plus critique et de dénonciation. »

Introvigne en vient alors aux accusations pesant sur le pape : «  Le Père Bergoglio a été Provincial de la Compagnie de Jésus en Argentine de 1973 à 1979. A cette époque, il a dû affronter la « théologie de la libération », d’inspiration marxiste, dont il a perçu à temps les dérives que le Saint-Siège condamnerait en 1984. Certains Jésuites, favorables à la « théologie de la libération » et hostiles au provincial, commencèrent à évoluer d’une façon toujours plus indépendante par rapport à la Compagnie de Jésus, renvoyant à l’expéditeur les rappels de leur supérieur. Parmi ceux-ci, les Pères Orlando Yorio (mort en 2000) et Francisco Jalics, animateurs d’une communauté dans le quartier de Bajo Flores à Buenos Aires. 

En février 1976, après de vains rappels, le provincial – c’est-à-dire notre Pape actuel – dissolut leur communauté. Dans son autobiographie, le cardinal Bergoglio a expliqué que, au moment du coup d’Etat, Yorio et Jalics avaient déjà présenté aux évêques le projet de constitution d’une nouvelle congrégation, et qu’il conserve toute la documentation de cette histoire. Avant même le coup d’état du 24 mars 1976, Yorio et Jalics étaient déjà sortis de fait de la Compagnie de Jésus, et en mai 1976, Yorio fut suspendu a divinis à l’initiative non pas de Bergoglio, mais du Cardinal archevêque de Buenos Aires, Juan Carlos Aramburu (1921-2004).

En mai 1976, la communauté de  Bajo Flores est l’objet d’un raid de la police et  Yorio et Jalics sont arrêtés, allant grossir le nombre des «desaparecidos». Ils «réapparurent» par ailleurs après six mois, suite à une négociation entre le conseil militaire et la Conférence Espicopale, qui obtint leur libération.  Les évêques qui menèrent les négociations ont toujours rapporté que le Père Bergoglio les soutint du début à la fin, insistant pour que les deux ex-Jésuites soient libérés. Tant Yorio que Jalics accusèrent le provincial Bergoglio de les avoir dénoncés à la police comme complices des terroristes.  Verbitsky s’est fait l’écho de ces lourdes accusations, et a passé des années à chercher des documents pour les prouver.

Qu’a-t-il trouvé ? Rien de substantiel, et la minutie avec laquelle il a fouillé les archives constitue la meilleure preuve de l’inexistence de tels documents. Au final, Verbitsky peut seulement exhiber un morceau de papier,  le rapport d’un fonctionnaire du gouvernement, préposé au Bureau des Cultes, Anselmo Orcoyen – par ailleurs rédigé après la libération des deux prêtres, à l’occasion du renouvellement du passeport de Jalics -, qui rapportait d’avoir su par Bergoglio que les deux ex-Jésuites avaient de mauvais rapports avec leurs hiérarchies, contre lesquelles ils incitaient aussi quelques sœurs à la révolte, qu’ils étaient sortis de la Compagnie de Jésus et qu’ils ne trouvaient aucun évêque qui veuille les incardiner.

Verbistky a écrit de nombreuses pages sur le fait que les notes de Orcoyen contenaient ces trois mots: «suspecte contact guérilleros», affirmant que, également après leur libération, Bergoglio, rapportant à un fonctionnaire public de la dictature les possibles contacts de Yorio et Jalics avec la guérilla, les exposait consciemment à des risques extrêmes. Mais, en lisant ces notes, dont Verbitsky publie une photocopie, insistant sur la phrase finale selon laquelle «ces informations ont été communiquées à Monsieur Orcoyen par le Père Bergoglio lui-même», on découvre que la phrase incriminée - «suspecte contact guérilleros» - fait partie d’un paragraphe où l’on fait référence aux six mois passés par Jalics en prison, circonstance que les autorités n’avaient pas besoin d’apprendre de Bergoglio puisqu’ils en étaient pleinement informés.

Et ce «suspecte contact guérilleros» n’est autre que l’explication de la raison pour laquelle les deux prêtres avaient été incarcérés. De son côté, le cardinal Bergoglio a écrit par la suite qu’il se rappelait la conversation et qu’il avait été question des soupçons de contacts avec la Guérilla – ce qui est tout de même différent que de parler de contacts avérés -  à charge des deux ex-religieux, mais qu’il avait déclaré à Orcoyen que, personnellement, il n’y croyait pas.

La note Orcoyen – qui, répète Introvigne, est l’unique document qui pourrait accuser le père  Bergoglio – est un rapport de police on ne peut plus classique. Et il démontre que le provincial, dans un moment politiquement très difficile, était tout de même très prudent : il aurait pu faire de bien pires déclarations, dans la mesure où de nombreuses rumeurs pesaient lourdement non seulement sur l’activité politique de ses deux ex-Jésuites, mais également sur leur moralité.

Bergoglio a écrit avoir recommandé la prudence à ses ex-confrères, et que, à quiconque lui demandait des informations sur leurs rapports avec le terrorisme, il avait toujours répondu qu’il n’était pas convaincu par ces dires. La hiérarchie ne les a pas abandonnés après l’arrestation, si bien qu’ils furent libérés. Mais il est vrai qu’ils eurent des difficultés à se faire incardiner comme prêtre diocésains d’abord à Buenos Aires, puis à Moron, et enfin à Santa Fe, et qu’ils durent partir pour l’étranger. Yorio prit finalement un vol pour Rome, qui par ailleurs fut payé par Bergoglio. Verbitsky soutient qu’aucun évêque ne voulait les incardiner parce que des informations leur parvenaient de Bergoglio et du nonce Laghi.

Toujours dans son autobiographie, Bergoglio affirme qu’il fit de son mieux pour résoudre la situation de Yorio e Jalics en leur trouvant un évêque. Mais est-ce vraiment étonnant, qu’avec des précédents aussi tourmentés, les évêques argentins aient été réticents à incardiner les deux ex-religieux ? Pour résumer : dans la crise de la « théologie de la libération »  des années 1970, le provincial des Jésuites se trouva face à une communauté de base particulièrement radicale, et prit des dispositions parfaitement justifiées. Il les prit d’ailleurs en février 1976, avant le coup d’état. Après celui-ci, il n’y a pas l’ombre d’une preuve qu’il ait dénoncé les deux responsables de la communauté à la police. Quand ils furent arrêtés, il œuvra à leur libération, qui fut obtenue.

Par la suite, à ceux qui l’interrogèrent sur ces deux prêtres, il dit la vérité sur les faits du passé, sans animosité particulière. On ne trouve pas non plus de déclarations favorables à la dictature militaire de la bouche du père Bergoglio. Plus tard, en tant qu’archevêque de Buenos Aires et président des évêques argentins, il promut une politique de réconciliation nationale et de purification de la mémoire, dans laquelle l’Eglise demandait pardon pour le soutien de certains évêques et religieux – parmi lesquels Bergoglio ne figurait cependant pas – aux politiques répressives de la dictature.

« La machine à m... » ment donc, comme toujours. Et il n’y rien à clarifier, car le moindre document a été retrouvé et publié. Enfin, il convient de souligner avec force que – en prenant des sanctions contre la théologie de la libération et ceux qui la soutenaient – le provincial Bergoglio n'a fait que son devoir. »

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