Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mgr Minnerath à propos d’ « Amoris laetitia » : « Tout laisser à l’appréciation des pasteurs va créer des traitements très différents »

IMPRIMER

Docteur en théologie, l’archevêque de Dijon, Mgr Roland Minnerath, estime que Amoris lætitia appelle au respect des normes existantes tout en invitant à les interpréter et à les appliquer avec discernement et miséricorde au cas par cas. Il est interrogé par Samuel Pruvot pour l’hebdomadaire « Famille chrétienne » :

« En quoi l’enseignement de l’Église sur l’amour et la famille peut-il toucher notre monde occidental sans repères ? 

Les longs chapitres de l’exhortation sur la beauté du mariage selon le plan de Dieu sont clairement en décalage par rapport à la culture contemporaine. Et c’est tant mieux, sinon y manquerait le sel de l’Évangile, capable de redonner espérance à ceux qui doutent, qui se découragent ou qui sont désabusés. Le texte s’adresse cependant aux seuls membres de l’Église. La société, si on en croit les médias, veut savoir si l’Église se rapproche d’elle. Alors que la mission de l’Église est d’attirer les personnes au Christ qui est la perfection de l’amour.

Certains s’interrogent sur le degré d’autorité de ce document. Quel est-il ? 

Bonne question. Quelle que soit la nature des documents pontificaux – constitution apostolique, encyclique, lettre ou exhortation apostolique –, ils revêtent l’autorité normative du Magistère. Il y a toujours unité entre l’autorité de l’Écriture qui est la source de tout l’enseignement ecclésial, la Tradition qui commente la parole de Dieu au cours des siècles et le Magistère qui interprète authentiquement l’un et l’autre en fonction des défis du temps présent. D’où la nécessaire continuité dans l’enseignement de l’Église. Car si le Magistère prenait le contre-pied de ce qui a toujours été enseigné, il perdrait du coup l’autorité qui le fonde.

La nouveauté du document présent est qu’il ne veut pas « trancher par une nouvelle intervention magistérielle » des questions ouvertes concernant le mariage (3). Il ne veut pas édicter de nouvelles normes valables pour tous les cas. Il appelle donc au respect des normes existantes tout en invitant à les interpréter et à les appliquer avec discernement et miséricorde au cas par cas. Il est évident que les repères sont moins clairs qu’auparavant.

Il y a toujours unité entre l’autorité de l’Écriture qui est la source de tout l’enseignement ecclésial, la Tradition qui commente la parole de Dieu au cours des siècles et le Magistère qui interprète authentiquement l’un et l’autre en fonction des défis du temps présent.

 

L’exhortation se veut le texte d’un pasteur, mais peut-il faire l’économie des débats doctrinaux qui ont agité les synodes précédents à Rome ?

Le pape cite constamment les propositions votées au cours des deux derniers synodes. Il s’appuie sur elles, en tenant compte des clivages qui se sont manifestés. Comme dans des documents précédents, le pape se situe sur le plan des réalités vécues par les familles contemporaines. Il ne part pas de l’exposé de la doctrine, mais cherche à élever les personnes, chacune avec son histoire propre, à la hauteur du projet que Dieu nous offre dans le mariage humain. Les points les plus attendus, comme l’admission des divorcés remariés au sacrement de la réconciliation et à l’eucharistie, sont esquivés, avec des renvois en note où on ne sait pas si c’est oui ou si c’est non. On attendait des clarifications plus précises sur ces points. Le fait de laisser tout à l’appréciation des pasteurs va créer des traitements très différents d’un pasteur à l’autre.

Le pape répugne à donner des lois générales qui régenteraient tout depuis Rome. Pourquoi ?

L’option prise par le pape dans cette exhortation est de dire que le droit ou la norme valable pour tous n’existe pas. « Dans les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux… ont toujours subsisté différentes interprétations… et des solutions plus inculturées… » (3). La situation des personnes vivant dans des situations matrimoniales irrégulières ne peut pas être appréciée à partir des catégories rigides « d’une morale bureaucratique froide » (312). Du coup, nous passons d’une approche objectivante des situations à une approche plus subjective, où le ressenti des personnes, leur degré de dépendance par rapport à leurs conditionnements et à leur environnement, sont davantage pris en compte.

L’Église a toujours considéré que les sacrements opérés par le Christ créent une réalité spirituelle objective en nous. L’efficacité d’un sacrement ne dépend des dispositions subjectives de qui le reçoit. Dire qu’une personne divorcée remariée conserve la grâce sanctifiante (301), parce qu’elle a des circonstances atténuantes et qu’elle ne pouvait pas faire autrement, n’était pas le discours tenu jusqu’ici. Maintenant, on veut faire prévaloir le ressenti psychologique sur la réalité objective créée par le sacrement. Il faudra sans doute beaucoup travailler ce point. 

Quels sont les outils à la disposition des évêques et des prêtres pour effectuer ce discernement pastoral auquel fait allusion le pape (ch. 8) ?

Le chapitre 8 était le plus attendu. Il aborde les points sur lesquels un approfondissement et une clarification étaient nécessaires. Or, il n’apporte pas de réponses directes. En effet, il tourne autour de deux notions : discerner et intégrer. Personne, quelle que soit l’irrégularité de sa situation matrimoniale, n’est exclu de l’Église. Le risque est de dévaloriser ce qui n’est plus qu’un idéal difficile à atteindre : le mariage chrétien sacramentel. Pour discerner – pratique qui est au cœur de la spiritualité ignatienne –, il faut descendre avec la personne dans les profondeurs de son vécu, de ses doutes et de ses angoisses, pour déceler comment elle évalue moralement sa propre situation.

Mais Jésus ne nous a-t-il pas libérés de nos enfermements en nous appelant à vivre selon les Béatitudes, en radicalisant les lois de Moïse pour en découvrir l’esprit ? Jésus a appelé adultère une nouvelle union après un divorce. Le discernement, en fait, doit aider à se rapprocher du Christ.

Comment peut-on discerner entre la réalité objective du péché et la conscience du péché ? Que faut-il entendre par imputabilité ? Est-ce que le mal diminue en fonction de la conscience du mal  

L’imputabilité concerne le degré d’engagement personnel de la volonté et de la liberté dans un acte. Sous diverses contraintes, on peut poser un acte dont on n’est pas vraiment responsable. On peut avoir une conscience subjective réduite du mal objectif qu’on a commis. Tout ceci est admis depuis toujours. Mais face aux sacrements, on était dans une perspective objective : quelle nouvelle réalité spirituelle le sacrement a-t-il opéré en nous ?

Il n’est pas dit clairement si le discernement doit conduire à une meilleure intégration des divorcés remariés dans la vie paroissiale ou s’il peut conduire aux sacrements. C’est certainement en ce deuxième sens que l’exhortation sera interprétée. Selon Familiaris consortio (1982), la condition était que les nouveaux époux vivent comme frère et sœur. Cette condition est considérée comme irréaliste. Mais elle avait un caractère d’objectivité. Maintenant, l’accès aux sacrements va être laissé à l’appréciation subjective des intéressés et des pasteurs. 

Plusieurs cardinaux ont fait part au pape de leur réticence à voir changer les règles de la théologie morale. Pourquoi ? 

Il faut distinguer la théologie et la doctrine. Ce qui est clairement défini en doctrine ne peut être modifié, mais seulement approfondi et développé. La théologie, c’est-à-dire la réflexion systématique sur le donné révélé, dans la continuité de la Tradition, permet d’explorer de nouveaux domaines, puisqu’elle relève les défis de chaque culture pour lui apporter l’éclairage de la foi. La doctrine est « doctrine de la foi », tandis que la théologie travaille en amont pour confronter la foi aux nouvelles données de la vie : nouvelles connaissances scientifiques, changements des comportements et aussi meilleur accueil de toutes les exigences de la parole de Dieu. Nous lisons au n° 311 que la théologie morale doit intégrer la miséricorde comme concept clé de la vie morale et se référer constamment aux « valeurs plus hautes et centrales de l’Évangile ». 

Le texte du pape conforte-t-il ces catholiques qui – malgré une séparation – ont voulu rester fidèles à leur union sacramentelle ?

Certainement, les époux chrétiens qui vivent dans la fidélité l’amour qu’ils se sont promis devant Dieu trouveront-ils, surtout dans les chapitres 4 et 5 sur « L’amour dans le mariage » et « L’amour qui devient fécond », un réconfort et une aide pour approfondir joyeusement et généreusement la grâce sacramentelle qu’ils ont reçue. On peut y ajouter le chapitre 7 sur l’éducation des enfants. Ces développements devraient être considérés comme le cœur de l’exhortation. Les fidèles qui ont subi une séparation et qui ne se sont pas remariés trouveront dans les n° 242 et 245-246 des références pour persévérer avec l’aide la communauté chrétienne. Un test du renouveau de notre pastorale du mariage sera l’accompagnement des personnes séparées restées fidèles à leur engagement matrimonial.

Samuel Pruvot"

Ref. Mgr Minnerath : « Tout laisser à l’appréciation des pasteurs va créer des traitements très différents »

JPSC

Commentaires

  • A méditer :

    Déclaration de Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, au sujet d’ “Amoris laetitia” : “Cette exhortation s’appelle “La joie de l’amour”, mais elle nous fait plutôt pleurer. Elle la synthèse de deux synodes. Elle est très longue et contient de très belles choses. Mais après avoir construit un magnifique navire, le Souverain Pontife a fait un trou, juste sous la ligne de flottaison. On sait bien ce qui va arriver : les uns vont dire que le trou a été fait avec un maximum de précautions, les autres diront que le trou est vraiment très petit... Mais quoi qu’il en soit, le navire finira par sombrer”

  • L'Esprit qui poursuit son oeuvre dans le monde repose sur Pierre

  • Pour Lysanias, Matthieu 16, 18
    " ...... et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et la Puissance de la mort n'aura pas de force contre elle . Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux ." .....

    C'est la Puissance de la mort qui finira par sombrer.

  • Le Christ nous a fait la plus belle des promesses : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Matthieu 28, 20)
    Heureusement que nous avons la Sainte Bible, parole du Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout-Puissant.

  • A Lysanias,
    Oui, nous avons la Sainte Bible . Quel trésor ! . Mais , comme catholiques, nous ne lisons qu'une partie de l Ancien Testament (chaque jour sur une période de trois ans, j'en conviens . ) alors que du Nouveau Testament nous lisons pratiquement tout et surtout nous le lisons DEBOUT . La Miséricorde trouve son accomplissement dans le Nouveau Testament , la Parole du Seigneur , le glaive à deux tranchants qui nous purifie .
    Cette année , je désire vraiment me plonger dans les paraboles de miséricorde du NT . " Je n'aimerai jamais assez ".
    " L' Esprit qui poursuit Son Oeuvre dans le monde repose sur Pierre. ( Merci, Domininique Lafforest )."
    Et , ne nous voilons pas la face : il y a actuellement , dans l' Eglise, un mouvement qui veut nous faire croire, " en filtrant les moucherons ", que le Pape François serait un faux prophète . Ce filtrage de moucherons commence à ressembler à de la médisance et de la calomnie .( je parle à partir de mon expérience personnelle ). Mais , comme vous dites, attendons les fruits.

Les commentaires sont fermés.