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Burkini : un débat surréaliste dans l'ère du vide

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Lu sur FigaroVox (lefigaro.fr) (Alexis Feertchak, Vincent Tremolet de Villers) :

Chantal Delsol : le burkini, un débat surréaliste dans l'ère du vide

Alors que le Conseil d'Etat a suspendu une circulaire anti-burkini, la philosophe Chantal Delsol s'étonne que les médias et les politiques aient été obsédés tout l'été par un «maillot de bain».


Membre de l'Institut, fondatrice de l'Institut Hannah Arendt, Chantal Delsol est philosophe et historienne des idées. Elle a dernièrement publié Le Populisme et les Demeurés de l'Histoire (éd. Le Rocher, 2015) et La haine du monde. Totalitarismes et postmodernité (éd. Cerf, 2016).


FIGAROVOX. - Suspendu par le Conseil d'Etat, l'arrêté «anti-burkini», qui n'évoquait pas directement le burkini, mais «une tenue correct», mentionnait le principe de laïcité. Le burkini présente-t-il un danger pour la laïcité?

Chantal DELSOL. - Il faut dire d'abord que ce débat est complètement surréaliste! Au moment où nous avons tant de problèmes réels et cruciaux, les médias ne parlent que d'une question de maillot de bain! Pourtant ce débat est significatif d'une réalité française trop passée sous silence: la fameuse laïcité française n'est rien d'autre que l'obligation de taire sa religion, de ne pas en faire état, de faire comme si elle n'existait pas - manière de récuser les croyances, parce que celui qui est interdit de dire ouvertement ce qu'il pense, finit par cesser de penser. Et significatif aussi d'une autre réalité: la fameuse tolérance française des Droits de l'homme, ne s'applique finalement qu'à ceux qui nous ressemblent en tous points… étrange tolérance! Personnellement je trouve insensé qu'on interdise à ces femmes de se baigner dans leur tenue traditionnelle. Les arrêtés municipaux incriminés parlent de trouble à l'ordre public: sommes-nous incapables de tolérer une chose aussi bénigne? Arrêtons alors de nous faire les chantres de la liberté… Si la laïcité est mise en danger par le burkini, c'est qu'elle est dictatoriale: tout la dérange, absolument tout.

Il y a encore un autre aspect des obsessions françaises qui surgit dans cette affaire et anime une partie de la gauche: la défiance vis à vis des municipalités qui ont le pouvoir de déposer des arrêtés sur des sujets sensibles. Certains déplorent que ce ne soit pas l'Etat qui s'en charge…

Le député européen Florian Philippot, vice-président du Front National, a jugé dans la matinale de BFM TV, qu'il fallait «étendre la loi de 2004» car, précise-t-il, «on s'est rendu compte qu'elle était excellente. Nous allons la faire appliquer dans la rue. Le voile, la grande croix, la kippa. Pour que ce soit constitutionnel, il faut que ça concerne les signes religieux ostensibles». Une laïcité de combat peut-elle être efficace contre l'islamisme conquérant?

Il est intéressant de voir comment une certaine droite profite de la face noire de la laïcité française pour s'opposer à la communauté musulmane. Je n'appartiens pas à cette droite-là. C'est une instrumentalisation de la laïcité, et même si personnellement je ne défends pas la laïcité à la française (je préfère la sécularisation occidentale en général, qui défend la diversité des religions au lieu de les évincer), je ne suis pas d'accord avec cette exploitation de la laïcité à des fins plus que douteuses.

L'islam conquérant est une réaction contre un vide de sens, un matérialisme extrême, une indifférence affichée vis à vis de tout ce qui fait le tragique de la vie. Si on croit lutter contre lui en déployant un vide encore plus grand, quel aveuglement! Les cellules de déradicalisation, mises en place par les instances administratives, me font mourir de rire. On ne luttera contre l'islam conquérant que par deux moyens: en aidant les musulmans à moderniser leur religion, à se «protestantiser» (ce qui est fait pour une partie d'entre eux), et/ou, si l'on est intelligent et bienveillant, en les convertissant à des religions proches mais non-violentes. Les cellules de déradicalisation, qui expliquent que le seul idéal consiste en un humanitaro-capitalisme gluant et matérialiste, ne convaincront personne. Les jeunes radicalisés ne cherchent pas de grands discours: ils veulent donner un sens à leur vie.

 

Est-il pertinent d'envisager comme des religions équivalentes le judaïsme, le christianisme et l'islam?

Qu'entendez-vous par équivalent? Si vous entendez par là égaux devant la loi, bien sûr. Que l'islam nous dérange, peut-être, mais mon opinion là-dessus est très ferme: à partir du moment où nos ancêtres ont colonisé (ont fait l'erreur de coloniser, d'après moi), nous avons à en porter la responsabilité et les conséquences. Voilà des sociétés entières, de confession musulmane et bien souvent de langue française, qui sont amenées à venir chez nous parce que nous les y avons attirées. Ce serait incroyable maintenant de ne pas vouloir vivre avec elles. Je trouve d'ailleurs extraordinaire que les citoyens du sud de la France, ceux mêmes qui avaient défendu l'Algérie française avec ferveur, soient justement ceux qui supportent le moins l'islam.

Les religions doivent être traitées sur notre sol de façon équivalente - ce qui signifie aussi, soit dit en passant, que nous n'avons pas à justifier des traitements de faveur pour les musulmans (parce qu'ils sont d'anciennes victimes, certains gouvernants leur donne raison par principe).

Nicolas Sarkozy prône l'assimilation. Qu'est-ce qui constitue aujourd'hui le «nous commun» auquel l'immigré doit s'assimiler?

L'exigence de la tolérance et de la liberté (au moins si on veut continuer à défendre les droits de l'homme), ne signifie pas que tout doit être permis. Et vous avez raison de parler d'un «nous commun», qui constitue un socle de convictions essentielles au nom desquelles toutes les différences ne sont pas acceptables. On ne va pas admettre en France la lapidation des femmes, ni la légitimité de la pédophilie (le mariage des filles à douze ans)! Je souhaiterais que la loi française ne traite pas la polygamie avec tant de désinvolture: combien de familles polygames qui touchent les allocations alors qu'elles sont hors la loi? La monogamie fait partie du «nous commun», non pas en raison d'une loi religieuse ancienne et oubliée, mais parce que la polygamie c'est à la fois l'immaturité des femmes, et des enfants sans père. En ce qui concerne l'affaire qui nous occupe aujourd'hui, je dirai que ce qui doit être interdit, ce n'est ni le burkini ni le foulard, mais la burka: si l'on veut bien croire que la conviction de la dignité personnelle est au fondement de nos certitudes, un visage caché n'existe plus en tant que personne, il perd l'expression de sa dignité (laquelle ne peut pas se perdre, puisqu'elle est substantielle). Avoir une dignité, en ce qui concerne le vêtement dans le domaine publique, se traduit par: cacher ses fesses et montrer son visage. Voilà ici, le «nous commun».

L'islam est-il compatible avec ce «nous commun»?

Bien sûr, si l'on entend par là l'islam de France partagé par beaucoup de musulmans d'ici, certainement désespérés de voir ce à quoi on les identifie. N'oublions pas qu'il n'y a pas de pape de l'islam, ni d'orthodoxie affichée. Si l'on entend par islam celui de la tradition et de nombre de pays fondamentalistes, bien sûr la femme n'est pas une personne au même titre que l'homme. Mais la plupart des musulmans de France sont occidentalisés - prenons garde qu'ils ne soient tentés de se désoccidentaliser, si nous les traitons tous, injustement, comme des terroristes!

Commentaires

  • Peut-être faudrait-il élargir les sources. J'aurais été d'accord entièrement avec ce texte mais la lecture de l'éditorial bref et concis dans le figaro magazine de ce week-end m'a fait changer d'avis ...

  • Certains points sont à relever dans cet article.
    1. Madame Delsol évoque et critique la colonisation. Que la colonisation ait présenté des côtés obscurs n'est pas niable, mais quelle est l'entreprise humaine qui peut présenter un bilan entièrement positif ? En outre, ceux qui la critique oublient toujours de s'interroger sur ce qu'il aurait fallu faire. Or renoncer à la colonisation ne laissait place qu'à une seule alternative : laisser les régions concernées évoluer à leur rythme sans interaction avec le monde développé, donc refuser aux populations concernées les bienfaits de l'éducation, de l'hygiène, ... bref un radical "développement séparé". Il est bon aussi de se souvenir que les premiers explorateurs de l'Afrique décrivirent les ravages causés dans la population locale (du Maniema notamment) par le sultanat esclavagiste de Zanzibar, D'autres que les Européens s'intéressaient donc déjà à l'Afrique et l'exploitaient sans que cela leur ait jamais posé le moindre problème moral Il est vrai que le Coran ne condamne pas l'esclavage.
    2. Je ne vois pas le lien nécessaire entre le fait d'avoir été une puissance coloniale et l'obligation qu'il y aurait à accepter sur le territoire national une population issue des anciennes possessions. A partir du moment où les anciennes colonies accèdent à l'indépendance, les rapports avec l'ex-métropole changent totalement et deviennent comparables aux autres relations internationales. L'auteur de l'article précise cependant qu'on a attiré ces populations, ce qui est vrai et est la source de tous les problèmes qui assaillent aujourd'hui les anciennes puissances coloniales, surtout celles qui avaient des possessions musulmanes. Tant qu'on ne reconnaitra pas qu'il y a une spécificité de l'Islam qui le rend particulièrement difficile à intégrer dans nos sociétés, par ailleurs souvent critiquables parce que décadentes, on sera dans l'incapacité de poser le diagnostique adéquat, condition préalable à toute solution intelligente du problème. .

  • Le burkini n'est pas une manifestation de pudeur : sortir de l'eau avec des vêtements mouillés le démontre.

    En réalité, certaines personnes veulent faire savoir qu'elles se distinguent de celles qui sont peu vêtues pour aller nager. Ce n'est finalement qu'un marqueur d'islamisation, comme les mosquées ou les minarets.

    Du fait que les non-musulmans ne recevront aucune réciprocité dans la plupart des pays d'Islam, il n'y a aucune raison d'accorder chez nous une tolérance (de plus) alors que nous ne recevrons pas la pareille chez eux.

    Cette chicane préfabriquée sans aucune vergogne, malgré la proximité des attentats islamiques, démontre aussi combien (pour peu que l'Islam soit "dans le coup) une société "multiculturelle" est un leurre.

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