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Restaurer Notre-Dame sans tenir compte de son caractère religieux ?

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Du Père Laurent Stalla-Bourdillon sur le site de l'hebdomadaire Famille Chrétienne :

L’État peut-il restaurer Notre-Dame de Paris sans la laïciser ?

TRIBUNE – Le père Laurent Stalla-Bourdillon a été l’aumônier des parlementaires de 2012 à 2018. Celui qui est aujourd’hui directeur du Service pour les professionnels de l'Information craint que la dimension religieuse de Notre-Dame de Paris ne soit pas prise en compte durant la restauration de l’édifice. Il l’affirme pourtant : « une cathédrale est un lieu de culte et cela seulement. »

cathédrale est un lieu de culte et cela seulement. »

Les débats à l’Assemblée nationale sur la loi concernant la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris sont emblématiques de la difficulté que rencontre le monde politique pour intégrer sereinement la place du spirituel et de l’exprimer dans la vie commune. Un phénomène d’érosion s’est produit au fil des années sous l’effet d’une laïcité posée en surplomb du spirituel au lieu de lui être un soutien. Ce renversement a aujourd’hui les effets que l’on connaît dans le vide sidéral des connaissances religieuses, et les difficultés de la société civile à comprendre la liberté de conscience et à la liberté religieuse.

Car enfin, à l’évidence, Notre-Dame de Paris est un héritage de la foi chrétienne en France. Comme toutes les cathédrales, elle est née de la confiance qu’a inspiré à la France la bonté du Christ, et son amour plus fort que le mal et la mort. Avant toute autre affiliation culturelle, littéraire, architecturale, Notre-Dame de Paris est née de la foi, de la charité et l’espérance qu’insuffle la foi chrétienne. Il n’y aurait pas de cathédrale Notre-Dame de Paris sans la Vierge Marie, sans l’incarnation du Fils de Dieu, et sans l’offrande qu’il fit de sa vie pour tous. Il n’y aurait pas les pages de Gérard de Nerval, de Victor Hugo, de Charles Péguy sans la raison première de l’édification de la cathédrale : le Christ ressuscité ! Il est la « pierre d’angle » de la cathédrale. Chaque pierre de l’édifice à restaurer aura un lien avec cette pierre de fondation. La foi nourrit la culture et inspire l’architecture, comment ne pas le comprendre ? Respectera-t-on la foi originelle dont la cathédrale est le signe ?

 

En exprimant une profonde gratitude aux députés qui, durant plus de 10 heures, ont travaillé le texte de loi, il nous vient cependant une question : l’Etat laïc peut-il restaurer un édifice religieux sans neutraliser consciemment ou inconsciemment son expression religieuse ? Va-t-on neutraliser la religion à Notre-Dame de Paris si l’Etat propriétaire se doit à une stricte laïcité dans ses travaux de restauration ? Quelle sera la place, le sens originel du culte religieux dans ces travaux ? Aura-t-elle seulement sa place ? Les débats ont clairement mis en lumière l’impossibilité pour certains élus et la difficulté pour d’autres de nommer la dimension religieuse de l’édifice.

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Nos paysages de campagne comme notre paysage urbain sont marqués par des clochers d’églises, des chapelles, des coupoles et des temples protestants. Ils sont des signes visibles de l’espérance chrétienne en la vie éternelle. La cathédrale tient son nom de la cathèdre, le siège d’où enseigne l’évêque. Il enseigne la bonté de la création, la vocation divine de l’homme, la dignité du corps, la vie éternelle et le chemin de la sainteté qui y conduit. A l’autel, il donne ce que l’homme ne peut se donner à lui-même : la vie divine ! La liturgie qui est célébrée n’est pas un spectacle, mais la divine manifestation qui seule comble. Pourquoi avons-nous tant de mal à associer une cathédrale au culte qu’on y célèbre ? Pourquoi tant de mal à nous y intéresser ?

Les généreux donateurs ont-ils donné pour permettre l’orgueilleuse ambition de ceux qui souhaitent associer leur nom à Notre-Dame ? Pour beaucoup, rien ne justifiait les dérogations au droit commun et au code du patrimoine, rien ne justifiait de renoncer au temps déterminé par l’expertise technique. Rien sinon la possibilité de détourner l’attention du sens premier de la cathédrale et de détourner l’édifice de sa finalité propre : le culte chrétien. Une cathédrale est un lieu de culte et cela seulement. Chacun est libre de la regarder autrement, mais son origine reste infalsifiable. Comment ne pas le comprendre ? « Cette splendide construction, trésor de l’art gothique, vos aïeux l’ont consacrée à la Mère de Dieu. Ils l’ont consacrée à Celle qui, parmi tous les êtres humains, a donné la réponse la plus parfaite à cette question : Aimes-tu ? M’aimes-tu ? M’aimes-tu davantage ? Sa vie tout entière fut en effet une réponse parfaite, sans aucune erreur, à cette question » disait Jean-Paul II, au cours de l'homélie de la messe à Notre-Dame de Paris, le vendredi 30 mai 1980.

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Peut-on restaurer la cathédrale Notre Dame de Paris sans prendre en compte la volonté des donateurs de la restaurer largement à l’identique ? « Identique » à ce qui a fait son histoire et son rayonnement. Le rejet d’un veto de « l’affectataire » sera-t-il la première étape du détournement de ce bien cultuel et de sa réduction à un bien patrimonial ? Rien ne permet à ce stade de l’affirmer, tant le rappel de l’affectataire est désormais inscrit dans la loi. L’Etat français, c’est-à-dire tous les Français, est propriétaire de la cathédrale. Il ne tient qu’à nos élus d’en faire connaître son origine historique en respectant la fonction de la cathédrale et de ceux qui la font vivre quotidiennement. « La propriété d’un bien fait de son détenteur un administrateur de la Providence pour le faire fructifier et en communiquer les bienfaits à ceux qui en ont besoin » enseigne justement la foi catholique. (CEC 2404)

L’heure est propice pour nous demander pourquoi cette ingratitude de la France d’aujourd’hui à l’égard de la foi au Christ qui lui a donné toutes ces splendides cathédrales pour l’émerveillement de tous ? Quelle est cette incapacité de tant de responsables politiques d’honorer l’histoire spirituelle du pays, de s’enrichir de la signification des cultes ? Pourquoi mettre en concurrence le culte et la culture ? Pourquoi soustraire Notre-Dame de Paris à sa fonction essentielle : faire battre à Paris, en France et à travers le monde, le cœur vivant d’un amour plus fort que la mort ? Pourquoi la France aurait-elle à avoir honte du Christ, lorsque le monde entier nous implore de le célébrer à Notre-Dame, au bénéfice de tous ? Si Notre-Dame de Paris est un chef-d’œuvre d’architecture, sa beauté atteste que la vie pour laquelle nous sommes faits est la vie qui vient.

Les pompiers ont pu, pour certains au péril de leur vie, sauver Notre-Dame de Paris du brasier de la charpente. Face à une improvisation patente, les députés n’ont pu sauver Notre-Dame et les dons qui lui sont destinés des flammes de l’envie, des ambitions politiques et de la tentation de neutraliser son message spirituel. Si nul n’est obligé de croire au message de l’Eglise qu’incarne Notre-Dame, chacun doit prendre sereinement ses responsabilités de citoyen éclairé pour qu’un jour prochain – bientôt – cœur de la cathédrale, s’élèvent le calice de l’amour et la patène de l’offrande. Dans les mains de l’évêque, aujourd’hui Monseigneur Michel Aupetit, ils renouvellent le don que le Christ fit de sa vie pour communiquer au monde, l’invincible espérance et l’inaltérable vérité, que le monde ne peut se donner à lui-même, mais seulement recevoir du cœur de Notre-Dame.

Père Laurent Stalla-Bourdillon

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