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Vous avez dit : "complotiste"?

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Complotiste / complotisme / complosphère / conspirationnisme / conspirationniste : Les termes «complotisme» et «complotistes» sont très utilisés dans les médias, notamment lors de la sortie du film Hold Up. Mais également lors de la défaite difficilement reconnue par Donald Trump. Le terme «complosphère» est, quant à lui, un peu plus récent, on en trouve des usages dès 2015. Enfin, notez que les termes «conspirationniste» et «complotiste» sont souvent confondus. Le «complotiste» remet en cause la version officielle. Le «conspirationniste» utilise la vision du monde des «chiens de garde»: le Nouvel Ordre Mondial oppose l’utilisation des «faibles» par les «puissants». Plus alarmant, la confusion entre «complotiste» et «sceptique»: faire preuve de scepticisme en interrogeant la qualité des discours ambiants est pourtant un acte critique nécessaire.

(source : «Complotisme», «Black Block», «OK Boomer»... Quels mots ont marqué les débats de l’année 2020?)

D'Olivier Bonnassies sur La Sélection du Jour :

A PROPOS DE COMPLOTISME

« Faites-vous partie de ces 80% de français qui croient au moins à une théorie du complot ? » Appuyée sur un sondage IFOP, voilà la question absurde posée par la voix off dans les deux épisodes du documentaire « Complot : vérité ou mensonge » de Jean-Luc Genest, programmé récemment sur W9.

N’y aurait-il donc jamais de complots ?
Et serait-il aberrant de croire qu’il peut y en avoir ?

Dernièrement, la sortie tumultueuse du film documentaire Hold up, les aventures de Trump et les confidences de Macron ont vu la presse et les médias reprendre comme un seul homme (y-a-t-il un titre qui ne l’ait utilisé ?) ce mot de « complotisme » qui a marqué l'année et qui permet de stigmatiser à peu de frais en évitant tout débat sur le fond, comme les bonnes vieilles accusations classiques (nazisme, fascisme, racisme, antisémite) ou nouvelles (homophobie, islamophobie, populisme).

Dans ce monde nouveau où ce sont maintenant les journalistes qui coupent les hommes politiques (avant c'était l’inverse !), les bisounours aux commandes voudraient nous faire croire que les complots - qu’on peut définir comme la coordination secrète d’un petit groupe de gens puissants planifiant et entreprenant dans leur intérêt une action affectant le cours des événements - n’existent pas.

Ah bon ?

Est-ce qu’il n’y a pas eu sans cesse dans l’Histoire des formes de complot pour acquérir du pouvoir, de l’argent, des soumissions, des relations, des postes, des études scientifiques, des contrats ou des avantages ? Est-ce que tout le monde est toujours transparent, honnête et est-ce que la corruption, les pots-de-vin, les sociétés secrètes, les révolutions, les coups d’Etat et les coups tordus n’existent pas ? 

Non. Dans leur monde parallèle, Brutus a assassiné César sur un coup de tête, Kennedy s’est fait descendre par un tireur isolé, les ennuis fiscaux de Platini n’ont rien à voir avec son intention de briguer la FIFA, les charges retenues contre Carlos Ghosn n’ont rien à voir avec les problèmes de Renault-Nissan, l’élimination de François Fillon n’a rien à voir avec les intérêts de la campagne présidentielle, les ennuis judiciaires d’Alstom, Technip ou Alcatel qui ont permis de les racheter à peu de frais n’ont rien à voir avec la guerre économique et l’article « foireux » du Lancet n’a rien à voir avec la campagne des laboratoires contre l’hydroxychloroquine.

Selon cette vision qu’on voudrait nous imposer, ce n’est pas seulement impossible et de l’ordre du fantasme : c’est dangereux et il serait grave que certains osent penser autrement. Il est donc logique de censurer les terribles « complotistes » qui croient qu’il peut y avoir des méchants, des satanistes, des tordus, des idéologues, des personnes intéressées (et donc des conflits d’intérêt) …

Voilà où on en est !

Dans le passé, on faisait des enquêtes sur les comportements suspects et les événements qui changent le cours des choses. On se demandait : à qui profite le crime ? Est-ce qu’il y a un mobile ? Est-ce qu’il y a une possibilité d’action et un intérêt pour certain ? Est-ce qu’il y a des éléments factuels bizarres qui méritent d’être étudiés ? Et à partir de cela on réfléchissait.

Maintenant non : on censure et on voudrait disqualifier par principe, sans débat, alors que les complots existent à l’évidence, depuis la nuit de temps, et c'est normal parce que dans le monde réel, il y a souvent de la cupidité, de la convoitise et des intérêts divergents, à tous les niveaux !

- C’est vrai au niveau individuel : la Bible évoque par exemple les complots contre Naboth (1R 21,1-19) ou Suzanne (Dn 13,1-64) mais il y a eu, bien sûr, des multitudes de cas dans toute l’Histoire.

- C’est vrai au niveau des entreprises, des associations ou des institutions avec toutes les tentatives d'OPA, de prises de contrôles, de manœuvres de corruption ou de disqualification des adversaires qui sont aussi innombrables.

- C’est vrai au niveau des Etats de Néron (64) à l’incendie du Reichstag (1933) en passant par toutes les actions d’influence, les révolutions, les coups d’Etats qui sont aussi très courants.

En conclusion, il existe certes, beaucoup de pensées complotistes absurdes qui ne reposent sur rien (il parait qu'une forte proportion de nos contemporains croit que la terre est plate !), qui extrapolent hors de toute rationalité, ou qui simplifient à outrance. Mais assimiler toute théorie du complot à une thèse paranoïaque comme le veut l’époque est une façon commode d’étouffer la dénonciation des scandales et les lectures politiques dissidentes, en renvoyant au rang de chimères ce qui ne se conforme pas à la vulgate officielle défendue par les gouvernants ou les médias.

Ridiculiser le complotisme ne sert en fait qu'à conforter la seule version autorisée de faits et dans le monde d'aujourd'hui, dans lequel il y a des acteurs privés influents et puissants, d'énormes conflits d'intérêts, des dérives autoritaires et de nombreux prétextes pour limiter nos libertés individuelles (santé, terrorisme, islam, économie, écologie, etc.), cette manie pourrait se révéler dangereuse. 

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