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L’Église catholique : un observatoire privilégié de la domination masculine et patriarcale d'après le Rapport Sauvé

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D'Anne Lizotte sur Smart Reading Press :

POUVONS-NOUS ENCORE CROIRE EN L’ÉGLISE CATHOLIQUE ?

15 Oct 2021

Pourquoi le «Rapport de la CIASE sur les abus sexuels dans l’Église» étonne ? La révélation du nombre effarant d’enfants abusés a frappé de plein fouet les pasteurs et les fidèles ! Est-ce tout ? Pour ceux qui ne se sont arrêtés qu’à ce chiffre, cela semble suffisant. À lire attentivement ce document, on trouve d’autres causes. Aline Lizotte les analyse.

La dernière page du Rapport de l’INSERM demandé par la CIASE sur les agressions sexuelles dans l’Église se termine par ces lignes :

«L’Église catholique apparaît ainsi comme un observatoire privilégié de la domination masculine, et plus précisément du fonctionnement d’un système patriarcal, puisque celle-ci s’exerce au nom d’une certaine paternité. Ses effets y apparaissent exacerbés, d’autant plus que l’interdit de la sexualité des prêtres fait écho à une forme de diabolisation de celle des femmes.

L’institution ecclésiale revendique encore ouvertement la domination masculine et l’inscrit dans sa culture et dans ses structures. Tant qu’elle refusera de renoncer au monopole masculin du pouvoir et à sa métaphorisation paternelle qui, toute symbolique qu’elle soit, n’en a pas moins des effets réels, le risque de violence sexuelle au sein de l’Église catholique restera d’actualité1

Il faut bien comprendre ce que cela signifie2. Étudier l’Église comme un système patriarcal, c’est créer un «idéal-type» à la manière de Max Weber. Il faut donc «construire un concept théorique» comme principe d’analyse des «faits» et les interpréter, c’est-à-dire leur donner un sens à partir de cette construction pour qu’ils apparaissent plus «scientifiques». C’est ce que fait toute théorie.

Einstein3 nous avertit que «toute théorie est une pure construction de l’esprit». Elle n’est ni vraie ni fausse, elle est simplement bonne ou mauvaise. Elle est bonne si elle nous permet de donner une certaine cohérence logique aux faits observés. Ainsi en est-il de la mécanique newtonienne, qui permet de calculer la force de la gravitation en prenant comme seuls vecteurs le produit des masses et le carré de la distance. Cela permet d’avoir une juste mesure de tous les corps mobiles dans l’univers et de décrire leurs mutuelles interactions. Cela a très bien fonctionné jusqu’au temps où le scientifique, découvrant les particules de l’atome, a tenté de décrire mathématiquement selon les lois de la mécanique universelle le mouvement de l’électron. Il s’aperçut qu’il était impossible de mesurer son déplacement en rapport «absolu» entre sa masse et sa distance. Il fallait formuler une autre théorie, celle des quanta, qui repose sur «une quantification ou une probabilité d’énergie».

Très bien pour la physique des quanta, qui ne prend dans son champ d’observation que la masse et la distance, c’est-à-dire les constituants «naturels» du mouvement : le lieu et le temps. Mais appliquer cette méthode dite «scientifique» à tout être dans la nature ne va pas sans difficulté. Ramener tous les corps vivants au seul déterminisme de l’ADN promet des descriptions ambitieuses, mais n’explique pas la vie, car l’ADN ne fonctionne que dans un milieu vital. Le fonctionnement d’une cellule suppose la synthèse de ses protéines, mais qui peut justifier «biologiquement» l’ordre des acides aminés qui la composent ? C’est le dilemme auquel s’est heurté Jacques Monod4, montrant que l’on ne peut justifier chimiquement, c’est-à-dire par antériorité, cet ordre qu’il l’attribue au «hasard». C’est une démission philosophique, et encore d’une mauvaise philosophie !

S’il en est ainsi, qu’en est-il des Sciences morales ou politiques, des Sciences de l’Homme ? Peut-on rendre compte des faits sociaux en partant d’une théorie, c’est-à-dire d’une pure construction de l’esprit ? Émile Durkheim le pensa et considéra le fait social comme une manière de faire qui s’impose à l’homme5. Si l’on ne peut nier que le contexte social influence l’homme et a souvent une très grande importance dans ses choix et ses comportements, peut-on pour autant prétendre que la construction d’une théorie puisse fournir la clé d’interprétation des comportements de l’homme, lui enlevant la responsabilité personnelle de ses actes ?

La question est délicate, et cet article ne peut la régler. Je ne l’évoque ici que pour faire comprendre que cette méthode est celle que privilégia la Commission Sauvé, sous l’influence du travail d’enquête demandé à l’INSERM. Quelle est donc cette théorie ? Elle est exprimée par ces quelques mots qui concluent l’enquête : «L’Église catholique apparaît ainsi comme un observatoire privilégié de la domination masculine, et plus précisément du fonctionnement d’un système patriarcal, puisque celle-ci s’exerce au nom d’une certaine paternité». Est-elle le fait de Nathalie Bajos6, l’une des responsables de l’INSERM qui a effectué le travail ? Si elle ne l’a pas écrite elle-même, elle est écrite sous sa responsabilité.

Si l’on part de cette théorie que l’Église catholique est sociologiquement une société patriarcale, le fil de l’enquête, et surtout l’analyse des faits déterminés par les analyses statistiques, ne peuvent s’interpréter que sous le principe de la domination, c’est-à-dire dans l’interaction du dominant et du dominé. Le clerc est sociologiquement un dominant, un abuseur de droit et, s’il est un agresseur sexuel, ce n’est qu’un facteur combinant de la construction asexuée qu’est l’Église catholique. Tout au long de cette deuxième partie, on sentira l’a priori principal de ce constructivisme, donné comme principe de compréhension ou de logique sociale.

On peut, à ce stade, essayer de comprendre ce que l’Église catholique de France a donné comme mandat à la Commission Sauvé. Était-ce simplement d’établir les faits, non seulement quant au nombre d’enfants maltraités et, s’il était possible, quant au nombre de clercs ou de religieux impliqués dans ces actes de violences sexuelles, ou était-ce d’en faire une analyse sociologique selon les méthodes sociologiques développées par le fondateur de la sociologie en France, Émile Durkheim ? Il semble que, quoi qu’elle ait voulu, elle a été trompée, sans aucune mauvaise volonté bien sûr. La question reviendra quand on parlera, brièvement, des membres de cette commission.

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