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Comment les évêques vont-ils gérer la réalité de cette « minorité créative » ascendante que constituent les jeunes cathos tradis ?

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Une tribune de l'historien Christophe Dickès sur le site du journal La Croix :

Jeunes tradis : « Les évêques doivent chercher un nouvel équilibre »

Malgré les limitations mises par le pape François au rite traditionaliste, Christophe Dickès estime que tout montre l’attachement des plus jeunes à cette liturgie comme en témoigne l’enquête de La Croix sur les jeunes cathos, et invite à permettre à cette minorité créative de tenir sa place dans l’Église universelle.

04/06/2023

À l’été 2021, dans les jours qui ont suivi la publication de Traditionis Custodes réduisant drastiquement l’usage du rite dit de saint Pie V, quelques dizaines de jeunes s’adressèrent au pape et aux évêques dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. En langue anglaise, ce petit film de moins de deux minutes prenait tout d’abord acte du fait qu’il pouvait exister une incompréhension entre la jeune génération et la plus âgée. Ensuite, ces jeunes de tous les continents témoignaient de leur fidélité au pape et aux évêques en expliquant qu’ils ne remettaient pas en cause la validité de la nouvelle liturgie.

Ils ne se sentaient ni grincheux, ni vieux jeu et encore moins séparatistes. Enfin ils développaient la raison de leur attachement au rite extraordinaire : la transcendance qui habite ce rite, sa verticalité et son orientation vers l’Est. Nulle idéologie chez cette jeunesse, ni volonté de divergence : « Nous sommes vos brebis » disaient-ils en s’adressant au pape.

Radicalité de la méthode romaine

Presque deux années après, l’appel de cette jeunesse a reçu une fin de non-recevoir de la part de Rome. Pire, le texte issu des bureaux du Vatican souffrant d’angles morts juridiques, le cardinal Arthur Roche fit signer au pape un autre texte réduisant quasi à néant le pouvoir épiscopal en la matière. Pressant ainsi le citron jusqu’à ce que les pépins craquent. Beaucoup a été dit sur cette politique en décalage avec l’esprit de décentralisation que le pape a souhaité donner à son pontificat.

Alors que l’aile progressiste ne cesse de répéter qu’il faut mettre fin à une organisation pyramidale de l’église, la subsidiarité ne semble pas être acceptée pour le monde traditionaliste. La radicalité de la méthode romaine a ainsi fait réagir jusqu’à l’ancien pape Benoît XVI qui, d’un point de vue personnel, découvrant cette décision en lisant le journal du Vatican, la considéra comme une erreur [1].

De leur côté, de nombreux évêques ont pareillement été surpris par ce texte inattendu, justifié par une enquête auprès des diocèses mais dont les résultats n’ont jamais été rendus publics. Après la suppression de la Commission Ecclesia Dei en charge des relations avec le monde traditionaliste, les évêques semblaient voir dans cette décision une possibilité pour eux de juger des nécessités à leur niveau. Le recadrage romain d’avril dernier a finalement mis à mal la possibilité de (re) construire des ponts.

Des jeunes attirés par le rite traditionnel

Or, le sondage de La Croix du 26 mai dernier a montré que les pépins n’avaient pas craqué et que le mur érigé par les décisions romaines n’avait pas produit les effets escomptés. Pire si l’on peut dire, il semble que les graines germent au point que 38 % du panel de la jeunesse interrogée disent apprécier la messe en latin, alors que 40 % n’ont rien contre, même si ce rite ne correspond pas à leurs attentes. La réalité du terrain exprimée dans ce sondage révèle une complexité qui ne correspond plus à la polarité progressiste/traditionalistes datant des années 1970. Il existe à cet égard un étonnant parallèle entre cette enquête et la vidéo évoquée au début de cet article : ces jeunes donnent un visage d’une étonnante modernité, rendant compte dans le monde de leur espérance qui est en eux.

Comme le souligne l’éditorial de Jérôme Chapuis, ce serait une erreur d’enfermer ce petit groupe traditionaliste dans des catégories hâtives comme celles de « réacs » ou de « catho identitaires ». Plus intéressant encore est que le choix de la messe en latin n’est pas seulement lié au milieu familial : en effet, un sondage américain commandé par la Fraternité Saint-Pierre en 2021 révélait que, sur la tranche d’âge 18-39 ans, seuls 16 % déclaraient aller à la messe en latin sous l’influence de leurs parents. Le facteur essentiel du choix de l’ancien rite était, pour plus de 36 % d’entre eux, le respect et la vénération.

Une minorité créative ascendante

Aujourd’hui, la question n’est pas tant de savoir si la messe en latin est l’avenir de l’église, mais comment le pouvoir épiscopal va gérer la réalité de cette « minorité créative » ascendante. Comment aussi traiter les nouvelles vocations en son sein, sans poser de graves problèmes de conscience pour un jeune converti dans cette sensibilité, alors que Rome doit donner son accord pour chaque nouvelle ordination.

L’histoire des sociétés nous dit que la « persécution » d’un groupe par un pouvoir ne produit jamais l’effet escompté. Bien au contraire, elle le renforce. Ce qu’avait compris Benoît XVI dans son œuvre de pacification. D’après son secrétaire Mgr Ganswein, l’ancien pape trouvait dangereux de « confiner un groupe de fidèles dans un coin au risque qu’ils se sentent persécutés ».

On peut ainsi estimer qu’en dehors des rares évêques zélés appliquant à la lettre les directives romaines, la réalité de la pratique oblige les parties à retrouver et cultiver une ecclésiologie de communion. Ce serait la meilleure des voies : celle de la recherche d’un nouvel équilibre. Ce chemin est étroit, mais il n’est pas impossible. Il rappellerait que tout le monde possède une place dans la maison du Père, comme un écho aux paroles du prophète Jérémie : « Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront. Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue » (23, 1-6).

[1] Source : Mrg Ganswein, Rien d’autre que la vérité, Artège, 2023.

Commentaires

  • Il est inexact d'affirmer que les jeunes - ou du moins certains d'entre eux - sont attirés par la "liturgie traditionnelle". En réalité, ils sont attirés par une façon "traditionnelle" de célébrer la liturgie. Ce qui n'est pas exactement la même chose. Ce que les jeunes rejettent - et ils ne sont pas les seuls ! - ce sont toutes les façons "non traditionnelles" de célébrer la liturgie restaurée à la suite de Vatican II. Ce façons qui ont été imposées dans les paroisses par un clergé idéologue et sans grande formation, tel qu'on le voulait dans les années 1970-80. Mais ce clergé et les "laïcs en responsabilités" de la même génération sont en voie de disparition. Ce problème est qu'ils laissent derrière eux des paroisses où la façon "non-traditionnelle" de célébrer la liturgie est devenue une habitude, comme le prouvent les autels "face au peuple" qui subsistent dans presque toutes les églises, de la plus petite à la plus grande, et comme le prouve aussi les difficultés qu'ont les prêtres de la nouvelle génération qui veulent remettre le latin et le chant grégorien à l'honneur, conformément aux normes liturgiques données par Vatican II, par le Missel romain dit "de Paul VI" et par le code de Droit canonique.

  • Bien d'accord avec vous !
    Si l'on avait respecté les directives des Pères conciliaires de Vatican II, l'évolution aurait été moins douloureuse...
    La désacralisation et la "protestatisation" de la Liturgie sont incontestablement à l'origine de l'apostasie silencieuse galopante .
    Je me rappelle d'une enquête que j'avais entreprise auprès d'une centaine de personnes, il y a une trentaine d'années (déjà !). Elle avait pour objet de savoir "ce que représentait la Messe pour vous" Seules, deux personnes m'avaient répondu que c'était le renouvellement -non-sanglant -du Sacrifice du Christ. Pour TOUS les autres, c'était simplement le partage du pain et de la parole. Désolant mais vrai !

    Pour en revenir à l'essentiel, le prêtre est aujourd'hui le Président et non le médiateur qui a la mission de conduire les fidèles au Seigneur. L'autel par sa symbolique nous faisait penser au Calvaire qu'il fallait gravir. La communion en file indienne et sa réception dans la main ne favorisent nullement l'adoration et l'humilité dont on devrait témoigner à genoux , au banc de communion. Les chaises assises - valables pour les personnes très âgées ou handicapées - ne favorisent nullement le recueillement ni l'adoration
    etc. etc. Tout cela et bien d'autres éléments ont véritablement banalisé cette Liturgie fondamentale dans la vie d'un chrétien . Nous sommes heureux quand un prêtre célèbre dignement selon les prescriptions du Concile Vatican II . Cela arrive de temps à autre. En attendant que la nouvelle génération réalise cette oeuvre exigeante d'une vraie remise en ordre de la liturgique telle que le voulaient les Pères Conciliaires, en lien avec la grande Tradition, je me réjouis de bénéficier encore en de nombreux endroits de la Liturgie traditionnelle qui favorise l'intériorité et soutient la Foi dans la Présence réelle et la réalité du Saint Sacrifice de notre Bien-aimé Jésus .Sauveur et Rédempteur...

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