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  • Quand Benoît XVI racontait sa renonciation

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    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via lescrutateur.com :

    Benoît XVI raconte sa renonciation

    La renonciation surprise du pape Benoît XVI, le 11 février 2013, reste pour beaucoup une énigme. Le livre interview publié le 14 septembre prochain, chez Fayard, intitulé Benoît XVI, dernières conversations, répond, en partie, au mystère de cet homme aujourd’hui âgé de 89 ans, qui révèle être désormais « aveugle de l’œil gauche ». Le pape émérite vit une discrète retraite monastique dans une maison des jardins du Vatican, derrière la basilique Saint-Pierre. C’est là qu’il a accordé une longue interview au journaliste allemand Peter Seewald avec qui il avait déjà réalisé deux livres d’entretiens, Le Sel de la terre en 1996 et Lumière du monde en 2010.

    Contrairement à ces deux ouvrages qui respectaient un ordre chronologique strict - le dernier s’arrêtait aux cinq premières années du pontificat - ce livre revient sur l’ensemble de sa vie. Les réponses sont moins approfondies, mais elles procurent une approche exceptionnelle, souvent intime, de la personnalité de Benoît XVI. Il se livre à une confession très digne et fort lucide. Beaucoup de choses sont déjà connues, mais le morceau de choix est évidemment la renonciation. Benoît XVI - élu à 78 ans en 2005, le pape François a 79 ans - en profite pour remettre les pendules à l’heure. Non, il n’a pas démissionné sous la pression de l’affaire Vatileaks, cette fuite issue de documents volés par son majordome sur son bureau. Au contraire, insiste-t-il, « ces affaires étaient entièrement réglées (…) j’ai pu me retirer parce que le calme était revenu sur ce plan. Il n’y a pas eu de reculade sous la pression ».

    Encore moins ce départ - il avait alors 85 ans - fut-il un abandon, une « descente de la croix » comme certains l’ont affirmé. « C’est un reproche auquel je devais m’attendre », reconnaît-il avec une lucidité et un sens de l’autocritique qui caractérise ce livre. Mais « c’est une autre manière de rester lié au Seigneur souffrant, dans le calme du silence, dans la grandeur du silence et dans la grandeur et l’intensité de la prière pour toute l’Église. Cette démarche n’est donc pas une fuite, mais une autre façon de rester fidèle à ma mission ».

    « J’agissais en toute liberté » 

    Le plus stupéfiant en définitive est « la certitude intérieure » qui a conduit à cette décision. Acquise et mûrie par un Joseph Ratzinger priant : « J’en avais discuté avec le Seigneur assez longtemps. » Il confie : « Je me sens si intimement lié au Seigneur (…) Il est toujours là. » Il pose le point final de cet acte historique : « J’agissais en toute liberté. »

    Sur son successeur, autre élément neuf du livre, le pape émérite est peu disert. Il rappelle que « le pape est le pape quel qu’il soit » et qu’il lui a promis obéissance. Aucun commentaire, donc, sur le fond des réformes engagées, en particulier sur la question des divorcés remariés ou sur la réforme de la curie romaine. Il récuse toutefois le terme de « rupture » ou « d’oppositions » entre les deux pontificats et admet celui « d’infléchissements ».

    Benoît XVI ne cache toutefois pas que « la surprise a été grande pour moi » de voir élire le cardinal Bergoglio : « Je n’avais pas pensé à lui », parce que « personne ne s’y attendait ». Il n’était « pas considéré comme un des candidats les plus probables. En entendant son nom, j’ai été un peu hésitant dans un premier temps », note Benoît XVI, mais cela n’a pas duré : « Quand je l’ai vu s’adresser d’une part à Dieu et d’autre part aux hommes, la joie m’a envahi. Et le bonheur. »

    Il défend son bilan  

    Benoît XVI ne connaissait pas la « cordialité » de François, ni « cette attention extrêmement personnelle » à chacun. Il savait seulement que « c’était un homme très décidé » et qui « n’hésitait pas à dire franchement » les choses. Il voit maintenant un « homme de la réforme pratique » mais aussi un « homme méditatif ». Il constate surtout « une nouvelle fraîcheur dans l’Église, une nouvelle joie, un nouveau charisme qui plaît aux gens. C’est bien ». Mais il y a peu de contacts entre les deux hommes. François « n’a généralement pas l’occasion » de prendre conseil. Benoît XVI se trouve « très content de ne pas avoir à s’impliquer ».

    Cette remarque en dit long sur la personnalité profonde de Benoît XVI, très bien rendue dans l’entretien, son émotion - il rit souvent et pleure parfois - et son humour sur lui-même. Il défend également son bilan sur tous les points sensibles, comme la lutte contre la pédophilie. Oui, c’est un « professeur », qui ne fut peut-être pas la « personne idéale » pour être pape, mais « ce n’est pas non plus inconcevable », puisque l’axe de son pontificat fut de « mettre en évidence la centralité de la foi en Dieu ».

    Celui qui a toutefois subi son élection comme un « fardeau » - il n’a pas de mots assez forts pour en dire le poids - n’aura jamais été un politique : « Je suis fondamentalement hostile aux conjurations et à ce genre de choses, surtout pour l’élection d’un pape (…) je n’ai pas fait de politique en aucune façon. » Au sujet des querelles intestines de l’Église, et parlant de lui, il note : « Les gens savent que ce type-là n’est pas dangereux. »

  • Notre pape Benoît XVI : notre témoignage, par Denis Crouan et Arnaud Dumouch (1927-31 déc. 2022) 

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    Notre pape Benoît XVI : notre témoignage, par Denis Crouan et Arnaud Dumouch (1927-31 déc. 2022) 

    https://youtu.be/DDUHIAfOCpE   

    Notre expérience commune face aux persécutions dans l'Eglise : un pape de la douceur.  

    Son attitude durant son adolescence et sous le troisième Reich  

    Son soutien humble et ferme dans les épreuves face au clergé de la génération "boomers".

    Son apport théologique : comment lire Vatican II dans la continuité des autres conciles.  

    Son encyclique Spe Salvi 47 et son hypothèse sur la Parousie du Christ à l'heure de la mort. 

    Sa renonciation, acte providentiel qui a posé et fortifié le pontificat du pape François, lui-même en butte aux attaques de ses contradicteurs.  

    Sa mort simple. Son départ pour la vision béatifique à laquelle il aspirait. 

  • Benoît XVI restera dans les mémoires comme un "véritable docteur de l'Église d'aujourd'hui" (cardinal Müller)

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    D'Edward Pentin sur le National Catholic Register :

    Cardinal Müller : Benoît XVI restera dans les mémoires comme un "véritable docteur de l'Église d'aujourd'hui".

    Dans un entretien avec le Register, le cardinal théologien allemand revient sur le profond héritage du défunt pape émérite.

    Benedict XVI, pictured in 2010.

    31 décembre 2022

    Le cardinal Gerhard Müller a rendu hommage au défunt pape émérite Benoît XVI, le décrivant comme un "grand penseur" et un "véritable docteur de l'Église pour aujourd'hui."

    Le préfet émérite du Dicastère pour la doctrine de la foi a également décrit feu Joseph Ratzinger, décédé le 31 décembre à 9h34 à Rome, comme un homme d'une grande sensibilité, d'humour et d'humilité qui possédait "une profonde sagesse en tant que participant à l'amour de Dieu".

    Dans cet entretien accordé au Register, le cardinal théologien allemand - qui a fondé l'Institut Benoît XVI pour rendre accessibles les œuvres rassemblées de Joseph Ratzinger - évoque l'héritage de Benoît XVI à l'Église, répond à certains de ses détracteurs et réfléchit à la manière dont son décès pourrait affecter le très critiqué chemin synodal allemand.

    Votre Éminence, quel est le plus grand héritage de Benoît XVI en termes de théologie et de doctrine ?

    Les meilleurs livres sont son Introduction au christianisme et à l'eschatologie : La mort et la vie éternelle et sa trilogie sur Jésus pour un public averti, tandis que les livres sur Augustin et Bonaventure nécessitent une formation théologique universitaire pour une meilleure compréhension. Tout le monde peut également lire ses nombreuses homélies, qui sont édifiantes et renforcent la foi, et qui sont également facilement accessibles dans le recueil des écrits (16 volumes).

    Quel souvenir souhaitez-vous que l'on garde de lui, tant sur le plan doctrinal que, plus largement, en tant que prêtre, évêque, cardinal et pape ?

    Dans toutes ses fonctions et toutes ses tâches, il a été un grand penseur et personnellement un chrétien croyant. Il est un véritable docteur de l'Église pour aujourd'hui.

    Laquelle de ses encycliques est, pour vous, la plus profonde et la plus utile, et celle qui résonne avec notre époque ?

    Je pense que sa première encyclique, Deus Caritas Est (Dieu est amour), parce qu'ici, la somme et l'aboutissement de l'autorévélation du Dieu trinitaire dans son essence, et la relation des trois personnes divines, sont présentés à l'homme contemporain au plus haut niveau magistériel.

    Joseph Ratzinger était un grand partisan de "l'herméneutique de la réforme et de la continuité", soutenant que Vatican II ne représentait pas une rupture radicale mais une reformulation plus pastorale de vérités anciennes et d'une doctrine antérieure, appliquant les enseignements des premiers pères de l'Église au monde contemporain. Dans quelle mesure cette perception du Concile était-elle utile à vos yeux ?

    Cela est évident, car aucun Concile n'a la tâche de fonder une nouvelle Église ou de compléter, corriger ou achever la révélation unique et complète de Dieu en Jésus-Christ. Il suffit de lire les introductions des deux Constitutions dogmatiques sur la Révélation divine et l'Église. On voit alors comment le Concile lui-même s'insère dans toute la tradition doctrinale catholique et, surtout, affirme que le magistère du pape et des évêques, et donc aussi les Conciles, ne sont pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais servent à sa véritable interprétation (Dei Verbum 7-10).

    Certains détracteurs de Joseph Ratzinger ont affirmé que sa théologie pouvait parfois être incohérente car il essayait de concilier des positions contradictoires (par exemple, la modernité avec la tradition), tandis que d'autres disent qu'il était trop rigide et conservateur, ne voulant pas adapter l'Église à son époque. Que répondez-vous à ces critiques ?

    Seuls des ignorants idéologiquement étroits d'esprit peuvent penser cela. Saint Irénée de Lyon, que le Pape François a déclaré "Doctor Unitatis" (Docteur de l'Unité), s'élève contre les gnostiques de tous les temps qui veulent emprisonner le mystère de Dieu dans leur esprit limité, et qu'avec et dans le Christ toute la nouveauté et la modernité inégalée de Dieu est entrée dans le monde. La modernité n'est pas identique à l'immanentisme anti-métaphysique des Lumières et aux idéologies anti-humaines des athéismes philosophiques et politiques des trois derniers siècles. Seule la foi chrétienne est moderne, c'est-à-dire jusqu'au niveau des véritables questions fondamentales sur le sens de la vie et les principes moraux de sa formation. En effet, aucune théorie, aucun être humain ne peut nous racheter et nous soutenir dans la vie et dans la mort, si ce n'est le Verbe de Dieu qui, dans son Fils, a assumé notre humanité et, par sa croix et sa résurrection, nous a rachetés du péché et de la mort et nous a donné l'espérance de la vie éternelle (Gaudium et Spes 10 ; 22).

    Nous ne sommes pas des esclaves mais des citoyens dans la cité de Dieu, des fils et des filles du Père céleste dans le Christ et des amis de Dieu dans l'Esprit Saint.

    Comment était Joseph Ratzinger en tant que personne ? Quels sont les attributs et les qualités personnelles dont vous vous souviendrez le mieux ?

    C'était une personne très fine, très sensible, pleine d'humour, humble et surtout, un homme d'une profonde sagesse, participant à l'amour de Dieu.

    Quel effet pensez-vous que la mort de Benoît XVI aura, le cas échéant, sur le chemin synodal allemand ?

    Je crains que ces protagonistes d'une anthropologie éloignée du Christ ne soient pas impressionnés par l'un des plus grands savants chrétiens de notre temps, car chez eux, si l'Esprit Saint ne provoque pas directement une profonde conversion des cœurs, une idéologie athée étouffe toute graine de foi surnaturelle et révélée.

    Edward Pentin a commencé à faire des reportages sur le pape et le Vatican avec Radio Vatican avant de devenir le correspondant à Rome du National Catholic Register d'EWTN. Il a également réalisé des reportages sur le Saint-Siège et l'Église catholique pour un certain nombre d'autres publications, dont Newsweek, Newsmax, Zenit, The Catholic Herald et The Holy Land Review, une publication franciscaine spécialisée dans l'Église et le Moyen-Orient. Edward est l'auteur de The Next Pope : The Leading Cardinal Candidates (Sophia Institute Press, 2020) et The Rigging of a Vatican Synod ? Une enquête sur les allégations de manipulation lors du Synode extraordinaire sur la famille (Ignatius Press, 2015). Suivez-le sur Twitter à l'adresse @edwardpentin.

  • L'homélie du pape François lors des premières vêpres de la solennité de Marie Mère de Dieu

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    PREMIÈRES VÊPRES EN LA SOLENNITÉ DE MARIE MÈRE DE DIEU ET TE DEUM EN ACTION DE GRÂCES POUR L'ANNÉE ÉCOULÉE

    HOMÉLIE DE SA SAINTETÉ LE PAPE FRANÇOIS

    Basilique Saint-Pierre
    Samedi 31 décembre 2022

    "Né d'une femme" (Ga 4, 4).

    Lorsque, dans la plénitude des temps, Dieu s'est fait homme, il n'est pas descendu en piqué dans le monde depuis le haut du ciel. Il est né de Marie. Il n'est pas né d'une femme, mais d'une femme. C'est essentiellement différent, cela signifie que Dieu a voulu prendre chair d'elle. Il ne s'est pas servi d'elle, mais a demandé son "oui", son consentement. Et c'est ainsi qu'avec elle a commencé le lent voyage de la gestation d'une humanité libre de péché, remplie de grâce et de vérité, remplie d'amour et de fidélité. Une humanité belle, bonne et vraie, faite à l'image et à la ressemblance de Dieu, mais en même temps tissée de notre chair offerte par Marie... jamais sans elle... toujours avec son consentement... en toute liberté, gratuitement, respectueusement, dans l'amour.

    Et c'est ainsi que Dieu a choisi d'entrer dans le monde et d'entrer dans l'histoire. C'est la voie. Et ce chemin est essentiel, aussi essentiel que le fait même qu'il soit venu. La maternité divine de Marie - maternité virginale, virginité féconde - est la voie qui révèle le plus grand respect de Dieu pour notre liberté. Lui qui nous a créés sans nous n'a pas voulu nous sauver sans nous (cf. S. Agostino, Sermon CLXIX, 13).

    Le chemin qu'il a choisi pour venir nous sauver est le chemin sur lequel il nous invite aussi à le suivre pour continuer à tisser avec lui l'humanité nouvelle, libre, réconciliée. C'est le mot : humanité réconciliée. Il s'agit d'un style, d'une manière de se rapporter à nous, d'où découle la multiplicité des vertus humaines du vivre ensemble bon et digne. L'une de ces vertus est la bonté, en tant que mode de vie qui favorise la fraternité et l'amitié sociale (cf. l'encyclique Fratelli tutti, 222-224).

    Et en parlant de bonté, en ce moment, ma pensée va naturellement au cher Pape émérite Benoît XVI qui nous a quittés ce matin. Nous sommes émus en nous souvenant de lui comme d'une personne si noble, si aimable. Et nous ressentons une telle gratitude dans nos cœurs : gratitude envers Dieu pour l'avoir donné à l'Église et au monde ; gratitude envers lui pour tout le bien qu'il a accompli, et surtout, pour son témoignage de foi et de prière, surtout dans ces dernières années de sa vie recueillie. Dieu seul connaît la valeur et la force de son intercession, des sacrifices qu'il a offerts pour le bien de l'Église.

    Et ce soir, je voudrais reproposer la bonté aussi comme vertu civique, en pensant en particulier à notre diocèse de Rome.

    La bonté est un aspect important de la culture du dialogue, et le dialogue est indispensable pour vivre en paix, pour vivre en frères et sœurs, qui ne sont pas toujours d'accord - c'est normal - mais qui néanmoins se parlent, s'écoutent et essaient de se comprendre et de se rapprocher les uns des autres. Il suffit de penser à ce que serait le "monde sans le dialogue patient des nombreuses personnes généreuses qui maintiennent la cohésion des familles et des communautés. Contrairement aux désaccords et aux conflits, le dialogue persistant et courageux ne fait pas les gros titres, mais aide tranquillement le monde à mieux vivre" (ibid., 198). La bonté fait donc partie du dialogue. Ce n'est pas seulement une question de "bonnes manières" ; ce n'est pas une question d'"étiquette", de comportement courtois..... Non. Ce n'est pas ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de gentillesse. Il s'agit plutôt d'une vertu à retrouver et à pratiquer au quotidien pour aller à contre-courant et humaniser nos sociétés.

    Les méfaits de l'individualisme consumériste sont sous les yeux de tous. Et le dommage le plus grave est que les autres, les gens qui nous entourent, sont perçus comme des obstacles à notre tranquillité, à notre bien-être. Les autres nous "gênent", nous "dérangent", nous privent du temps et des ressources nécessaires pour faire ce qui nous plaît. Notre société individualiste et consumériste a tendance à être agressive, puisque les autres sont des concurrents avec lesquels il faut rivaliser (cf. ibid., 222). Et pourtant, au sein même de nos sociétés, et même dans les situations les plus difficiles auxquelles nous sommes confrontés, il y a des personnes qui montrent comment il est possible de "cultiver la bonté" et qui, par leur style de vie, "deviennent des étoiles qui brillent au milieu des ténèbres" (ibid.).

    Saint Paul, dans la même Lettre aux Galates dont est tirée la lecture de cette liturgie, parle des fruits de l'Esprit Saint, parmi lesquels l'un d'entre eux est mentionné en utilisant le mot grec chrestotes (cf. 5,22). C'est celui que nous pouvons comprendre comme "bonté" : une attitude bienveillante qui soutient et réconforte les autres et qui évite toute forme de rudesse et de dureté. C'est une manière de traiter son prochain en veillant à ne pas le blesser par ses paroles ou ses actes, en essayant d'alléger son fardeau, de l'encourager, de le réconforter, de le consoler, sans jamais l'humilier, le mortifier ou le mépriser (cf. Fratelli tutti, 223).

    La bonté est un antidote contre plusieurs pathologies de nos sociétés : un antidote contre la cruauté, qui peut malheureusement s'insinuer comme le poison s'infiltre dans le cœur, en intoxiquant les relations ; un antidote contre l'anxiété et la frénésie distraite qui nous fait nous concentrer sur nous-mêmes, en fermant les autres (cf. ibid., 224). Ces "maladies" de notre quotidien nous rendent agressifs, nous rendent incapables de demander "puis-je", ou même de dire "pardon", ou de dire simplement "merci". Ces trois mots extrêmement humains pour vivre ensemble : puis-je, pardon, merci. Avec ces trois mots, nous avançons dans la paix, dans l'amitié humaine. Ce sont les mots de la bonté : puis-je, pardon, merci. Cela nous fera du bien de nous demander si nous les utilisons souvent dans notre vie : puis-je, pardon, merci. Ainsi, lorsque nous rencontrons une personne aimable dans la rue, dans un magasin ou au bureau, nous sommes étonnés, cela semble être un petit miracle car, malheureusement, la gentillesse n'est plus courante. Mais, grâce à Dieu, il existe encore des personnes aimables qui savent mettre de côté leurs propres préoccupations pour prêter attention aux autres, pour offrir le cadeau d'un sourire, pour donner un mot d'encouragement, pour écouter quelqu'un qui a besoin de se confier et de se défouler (cf. ibid.).

    Chers frères et sœurs, je pense que le fait de retrouver la bonté comme vertu personnelle et civique pourrait contribuer grandement à améliorer la vie au sein des familles, des communautés et des villes. C'est pourquoi, alors que nous abordons la nouvelle année en tant que Ville de Rome, mon souhait pour nous tous qui vivons ici est que nous puissions grandir dans cette vertu : la bonté. L'expérience enseigne que la bonté, si elle devient un style de vie, peut créer un vivre ensemble sain, elle peut humaniser les relations sociales, en diffusant l'agressivité et l'indifférence (cf. ibid.).

    Regardons l'icône de la Vierge Marie. Aujourd'hui et demain, ici dans la basilique Saint-Pierre, nous pouvons la vénérer à travers l'image de la Vierge du Carmine d'Avigliano, près de Potenza. Ne considérons pas sa maternité divine comme acquise ! Laissons-nous surprendre par le choix de Dieu, qui aurait pu venir au monde de mille manières en manifestant sa puissance, mais qui a voulu être conçu en toute liberté dans le sein de Marie, qui a voulu être formé pendant neuf mois comme tout enfant et qui, finalement, est né d'elle, est né d'une femme. Ne passons pas rapidement sur ce point. Arrêtons-nous pour contempler et méditer, car il y a là une caractéristique essentielle du mystère du salut. Et essayons d'apprendre la "méthode" de Dieu, son infini respect, sa "bonté" pour ainsi dire, car la voie d'un monde plus humain se trouve dans la maternité divine de la Vierge.

  • LVe Journée mondiale de la Paix : le message du pape François

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    MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS

    POUR LA CÉLÉBRATION DE LA LVe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

    1er JANVIER 2023 (source)

    Personne ne peut se sauver tout seul.
    Repartir après la Covid-19 pour tracer ensemble des sentiers de paix

    « Pour ce qui est des temps et des moments de la venue du Seigneur, vous n’avez pas besoin, frères, que je vous en parle dans ma lettre. Vous savez très bien que le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit » (Première Lettre de Saint Paul aux Thessaloniciens 5, 1-2).

    1. L'Apôtre Paul invitait par ces mots la communauté de Thessalonique à rester ferme dans l'attente de la rencontre avec le Seigneur, les pieds et le cœur sur terre, capable de porter un regard attentif sur la réalité et les événements de l'histoire. C'est pourquoi, même si les événements de notre existence semblent tragiques et que nous nous sentons poussés dans le tunnel sombre et pénible de l'injustice et de la souffrance, nous sommes appelés à garder le cœur ouvert à l'espérance, en faisant confiance à Dieu qui se rend présent, nous accompagne avec tendresse, nous soutient dans notre fatigue et, surtout, guide notre chemin. C'est pourquoi saint Paul exhorte constamment la communauté à veiller, en recherchant le bien, la justice et la vérité : « Ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres » (5, 6). C'est une invitation à rester en éveil, à ne pas nous enfermer dans la peur, la souffrance ou la résignation, à ne pas céder à la distraction, à ne pas nous décourager, mais à être au contraire comme des sentinelles capables de veiller et de saisir les premières lueurs de l'aube, surtout aux heures les plus sombres.

    2. La Covid-19 nous a plongés dans la nuit, déstabilisant notre vie ordinaire, chamboulant nos plans et nos habitudes, bouleversant l'apparente tranquillité des sociétés, même les plus privilégiées, entrainant désorientation et souffrance, causant la mort de beaucoup de nos frères et sœurs.

    Entrainé dans un tourbillon de défis imprévus et dans une situation qui n'était pas très claire, même du point de vue scientifique, le monde de la santé s'est mobilisé pour soulager la douleur de nombre de personnes et tenter d'y remédier, tout comme les Autorités politiques qui ont dû prendre des mesures importantes en termes d'organisation et de gestion de l'urgence.

    En plus des manifestations physiques, la Covid-19 a provoqué, parfois à long terme, un malaise général qui a grandi dans le cœur de nombreux individus et familles, avec des effets considérables alimentés par de longues périodes d'isolement et diverses restrictions de liberté.

    En outre, nous ne pouvons pas oublier la manière dont la pandémie a touché certains aspects sensibles de l’ordre social et économique, faisant ressortir des contradictions et des inégalités. Elle a menacé la sécurité de l'emploi de nombreuses personnes et aggravé la solitude de plus en plus répandue dans nos sociétés, notamment celle des plus faibles et des pauvres. Pensons, par exemple, aux millions de travailleurs clandestins dans de nombreuses régions du monde, qui sont restés sans emploi et sans aucun soutien durant tout le confinement.

    Les individus et la société progressent rarement dans des situations générant un tel sentiment de défaite et d'amertume : ce dernier affaiblit les efforts dépensés pour la paix et provoque des conflits sociaux, des frustrations et des violences de toutes sortes. En ce sens, la pandémie semble avoir bouleversé même les parties les plus paisibles de notre monde, faisant ressortir d'innombrables fragilités.

    3. Après trois années, l’heure est venue de prendre le temps de nous interroger, d'apprendre, de grandir et de nous laisser transformer, tant individuellement que communautairement ; un temps privilégié pour se préparer au "jour du Seigneur". J'ai déjà eu l’occasion de répéter qu’on ne sort jamais identiques des moments de crise : on en sort soit meilleur, soit pire. Aujourd'hui, nous sommes appelés à nous demander : qu'avons-nous appris de cette situation de pandémie ? Quels chemins nouveaux devons-nous emprunter pour nous défaire des chaînes de nos vieilles habitudes, pour être mieux préparés, pour oser la nouveauté ? Quels signes de vie et d'espérance pouvons-nous saisir pour aller de l'avant et essayer de rendre notre monde meilleur ?

    Après avoir touché du doigt la fragilité qui caractérise la réalité humaine ainsi que notre existence personnelle, nous pouvons dire avec certitude que la plus grande leçon léguée par la Covid-19 est la conscience du fait que nous avons tous besoin les uns des autres, que notre plus grand trésor, et aussi le plus fragile, est la fraternité humaine fondée sur notre filiation divine commune, et que personne ne peut se sauver tout seul. Il est donc urgent de rechercher et de promouvoir ensemble les valeurs universelles qui tracent le chemin de cette fraternité humaine. Nous avons également appris que la confiance dans le progrès, la technologie et les effets de la mondialisation n'a pas seulement été excessive, mais s'est transformée en un poison individualiste et idolâtre, menaçant la garantie souhaitée de justice, de concorde et de paix. Dans notre monde qui court très vite, les problèmes généralisés de déséquilibres, d'injustices, de pauvretés et de marginalisations alimentent très souvent des troubles et des conflits, et engendrent des violences voire des guerres.

    Tandis que, d'une part, la pandémie a fait émerger tout cela, nous avons fait d'autre part des découvertes positives : un retour bénéfique à l'humilité ; une réduction de certaines prétentions consuméristes ; un sens renouvelé de la solidarité qui nous incite à sortir de notre égoïsme pour nous ouvrir à la souffrance des autres et à leurs besoins ; un engagement, parfois vraiment héroïque, de tant de personnes qui se sont dépensées pour que tous puissent mieux surmonter le drame de l'urgence.

    Il a résulté de cette expérience une conscience plus forte qui invite chacun, peuples et nations, à remettre au centre le mot "ensemble". En effet, c'est ensemble, dans la fraternité et la solidarité, que nous construisons la paix, que nous garantissons la justice et que nous surmontons les événements les plus douloureux. En effet, les réponses les plus efficaces à la pandémie ont été celles qui ont vu des groupes sociaux, des institutions publiques et privées, des organisations internationales, s'unir pour relever le défi en laissant de côté les intérêts particuliers. Seule la paix qui naît de l'amour fraternel et désintéressé peut nous aider à surmonter les crises personnelles, sociales et mondiales.

    4. Dans le même temps, au moment où nous osions espérer que le pire de la nuit de la pandémie de Covid-19 avait été surmonté, une nouvelle calamité terrible s'est abattue sur l'humanité. Nous avons assisté à l’apparition d'un autre fléau : une guerre de plus, en partie comparable à la Covid-19 mais cependant motivée par des choix humains coupables. La guerre en Ukraine sème des victimes innocentes et répand l'incertitude, non seulement pour ceux qui sont directement touchés, mais aussi pour tout le monde, de manière étendue et indiscriminée, y compris pour tous ceux qui, à des milliers de kilomètres de distance, souffrent des effet collatéraux - il suffit de penser aux problèmes du blé et du prix du carburant.

    Ce n'est certes pas l'ère post-Covid que nous espérions ou attendions. En effet, cette guerre, comme tous les autres conflits répandus de par le monde, est une défaite pour l’humanité entière et pas seulement pour les parties directement impliquées. Alors qu’un vaccin a été trouvé pour la Covid-19, des solutions adéquates n'ont pas encore été trouvées pour la guerre. Le virus de la guerre est certainement plus difficile à vaincre que ceux qui affectent l'organisme humain, car il ne vient pas de l'extérieur mais de l'intérieur, du cœur humain, corrompu par le péché (cf. Évangile de Marc 7, 17-23).

    5. Que nous est-il donc demandé de faire ? Tout d'abord, de nous laisser changer le cœur par l'urgence que nous avons vécue, c'est-à-dire permettre à Dieu, à travers ce moment historique, de transformer nos critères habituels d'interprétation du monde et de la réalité. Nous ne pouvons plus penser seulement à préserver l'espace de nos intérêts personnels ou nationaux, mais nous devons y penser à la lumière du bien commun, avec un sens communautaire c'est-à-dire comme un "nous" ouvert à la fraternité universelle. Nous ne pouvons pas continuer à nous protéger seulement nous-mêmes, mais il est temps de nous engager tous pour guérir notre société et notre planète, en créant les bases d'un monde plus juste et plus pacifique, effectivement engagé dans la poursuite d'un bien qui soit vraiment commun.

    Pour y parvenir et vivre mieux après l'urgence de la Covid-19, nous ne pouvons pas ignorer un fait fondamental : les nombreuses crises morales, sociales, politiques et économiques que nous vivons sont toutes interconnectées. Ce que nous considérons comme étant des problèmes individuels sont en réalité causes ou conséquences les unes des autres. Nous sommes appelés à relever les défis de notre monde, avec responsabilité et compassion. Nous devons réexaminer la question de la garantie de la santé publique pour tous ; promouvoir des actions en faveur de la paix pour mettre fin aux conflits et aux guerres qui continuent à faire des victimes et à engendrer la pauvreté ; prendre soin, de manière concertée, de notre maison commune et mettre en œuvre des mesures claires et efficaces pour lutter contre le changement climatique ; combattre le virus des inégalités et garantir l'alimentation ainsi qu’un travail décent pour tous, en soutenant ceux qui n'ont pas même un salaire minimum et se trouvent en grande difficulté. Le scandale des peuples affamés nous blesse. Nous devons développer, avec des politiques appropriées, l'accueil et l'intégration, en particulier des migrants et de ceux qui vivent comme des rejetés dans nos sociétés. Ce n'est qu'en nous dépensant dans ces situations, avec un désir altruiste inspiré par l'amour infini et miséricordieux de Dieu, que nous pourrons construire un monde nouveau et contribuer à édifier le Royaume de Dieu qui est un Royaume d'amour, de justice et de paix.

    En partageant ces réflexions, je souhaite qu'au cours de la nouvelle année, nous puissions marcher ensemble en conservant précieusement ce que l'histoire peut nous apprendre. Je présente mes meilleurs vœux aux Chefs d'État et de Gouvernement, aux Responsables des Organisations internationales, aux Leaders des différentes religions. À tous les hommes et femmes de bonne volonté, je leur souhaite de construire, jour après jour en artisans de la paix, une bonne année ! Que Marie Immaculée, Mère de Jésus et Reine de la Paix, intercède pour nous et pour le monde entier.

    Du Vatican, le 8 décembre 2022                                             

    François

  • Le testament spirituel de Benoît XVI

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    Benoit XVI

    Le Vatican publie le testament spirituel de Benoît XVI

    Le Bureau de presse du Saint-Siège a publié dans la soirée du 31 décembre 2022 ce texte rédigé par l'ancien pape décédé dans la matinée, le 29 août 2006.

    «Si, à cette heure tardive de ma vie, je jette un regard en arrière sur les décennies que j'ai traversées, je vois tout d'abord combien j'ai de raisons de remercier. Je remercie avant tout Dieu lui-même, le dispensateur de tous les bons dons, qui m'a donné la vie et m'a guidé à travers de nombreuses tribulations, qui m'a toujours relevé lorsque je commençais à glisser, qui m'a toujours offert la lumière de son visage. En regardant en arrière, je vois et je comprends que même les parties sombres et pénibles de ce chemin ont été pour mon Salut et que c'est justement là qu'Il m'a bien guidé.

    Je remercie mes parents qui m'ont donné la vie à une époque difficile et qui, au prix de grands renoncements, m'ont préparé par leur amour un merveilleux foyer qui comme une lumière claire illuminent tous mes jours jusqu'à aujourd'hui. La foi clairvoyante de mon père nous a appris à croire, à nous frères et sœurs, et elle a tenu bon comme guide au milieu de toutes mes connaissances scientifiques ; la piété chaleureuse et la grande bonté de ma mère restent un héritage pour lequel je ne pourrai jamais assez rendre grâce. Ma sœur m'a servi de manière désintéressée et pleine de sollicitude pendant des décennies ; mon frère m'a toujours ouvert la voie par la clairvoyance de ses jugements, avec sa puissante détermination et avec la sérénité de son cœur ; sans cette présence continue qui me précède et m'accompagne, je n'aurais pas pu trouver le bon chemin.

    Je remercie Dieu du fond du cœur pour les nombreux amis, hommes et femmes, qu'Il a toujours mis à mes côtés ; pour les collaborateurs à toutes les étapes de mon chemin ; pour les enseignants et les élèves qu'il m'a donnés. Je les confie tous avec reconnaissance à sa bonté. Et je voudrais remercier le Seigneur pour ma belle patrie des Préalpes bavaroises, dans laquelle j'ai toujours pu voir transparaître la splendeur du Créateur Lui-même. Je remercie les habitants de ma patrie de m'avoir toujours permis de faire l'expérience de la beauté de la foi. Je prie pour cela, pour que notre pays reste une terre de foi et vous prie : chers compatriotes, ne vous laissez pas détourner de la foi. Enfin, je remercie Dieu pour toutes les belles choses que j'ai pu expérimenter aux différentes étapes de mon parcours, mais surtout à Rome et en Italie, qui est devenue ma deuxième patrie.

    À tous ceux à qui j'ai fait du tort d'une manière ou d'une autre, je demande pardon du fond du cœur.

    Ce que j'ai dit tout à l'heure de mes compatriotes, je le dis maintenant à tous ceux qui ont été confiés à mon ministère dans l'Église : Tenez bon dans la foi ! Ne vous laissez pas troubler ! Il semble souvent que la science – d'une part les sciences naturelles, d'autre part la recherche historique (en particulier l'exégèse des Saintes Écritures) – ait des vues irréfutables qui s'opposent à la foi catholique. J'ai assisté de loin aux transformations des sciences naturelles et j'ai pu voir comment des certitudes apparentes fondées contre la foi, ne se révélaient pas être des sciences, mais des interprétations philosophiques appartenant seulement en apparence à la science – tout comme la foi a appris, dans le dialogue avec les sciences naturelles, la limite de la portée de ses affirmations et ainsi à mieux comprendre ce qu'elle est.

    Depuis soixante ans, j'accompagne le chemin de la théologie, en particulier celui des études bibliques, et j'ai vu s'effondrer, au fil des générations, des thèses qui semblaient inébranlables et qui se sont révélées n'être que de simples hypothèses : la génération libérale (Harnack, Jülicher, etc.), la génération existentialiste (Bultmann, etc.), la génération marxiste. J'ai vu et je vois comment, dans l'enchevêtrement des hypothèses, la raison de la foi a émergé et émerge à nouveau. Jésus-Christ est vraiment le chemin, la vérité et la vie – et l'Église, dans toutes ses imperfections, est vraiment Son corps."