De Jean-Marie Guénois dans le « Figaro » du 19 septembre :
« Les catholiques sont en première ligne, mais les autres religions, opposées au projet, montent au front.
Très discrètement, ils se sont rencontrés la semaine dernière à Paris. Ensemble, ils ont évoqué le projet de loi sur le mariage homosexuel et, d'un commun accord, ont décidé d'aller séparément à la bataille. Non que les six responsables de culte en France - juif, catholique, orthodoxe, protestant, musulman, bouddhiste - s'opposent sur ce thème. Les religions sont plutôt contre le mariage homosexuel, à l'exception d'une frange libérale du protestantisme. Et s'inquiètent tout autant de l'ouverture à l'adoption d'enfants par ces couples. Mais chaque membre de la Conférence des responsables de culte en France (CRCF) a jugé plus sage de s'exprimer séparément, même si une prise de position plus solennelle commune n'est pas exclue à l'avenir.
Des six grandes religions en France, les catholiques sont les plus exposés. Le coup de semonce a été décoché en plein été par une «prière pour la France» rédigée par le cardinal André Vingt-Trois. Depuis, le président de la Conférence des évêques a été reçu à deux reprises - à la demande de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. À la sortie du dernier rendez-vous, mardi soir, l'archevêque de Paris a dit notamment avoir attiré l'attention de la garde des Sceaux sur «l'illusion» consistant à «affirmer que l'on puisse ouvrir le mariage sans le transformer. L'ouverture du mariage à des personnes homosexuelles va entraîner une transformation assez large des définitions de l'état civil et du Code civil. Ce sera donc un nouveau type de mariage». Second point: «J'ai insisté sur la question de l'adoption: comment la France respecterait sa ratification de la convention universelle des droits de l'enfant. Elle prévoit pour l'enfant l'accès à ses origines.»
Le cardinal a dit avoir été «écouté avec beaucoup d'attention» mais sans «aucune idée de l'effet qui suivra». Sur Europe 1, mercredi matin, il a qualifié d'«erreur profonde» ce projet. «J'espère que l'on pourra empêcher la loi» a-t-il lancé. Il appelle les catholiques «à faire exister le débat que le gouvernement ne veut pas organiser».
Le cardinal Barbarin, qui a soulevé la polémique la semaine dernière par des propos «mal interprétés» sur l'inceste, a ainsi appelé, mardi, les catholiques «à écrire au premier ministre et aux députés» en demandant «un référendum». Motion inspirée par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon. La mobilisation est donc générale dans l'Église de France contre ce projet de loi. Avec un point d'orgue qui promet, le 3 novembre prochain, lors de l'Assemblée des évêques de France à Lourdes.
D'ici là, les protestants se seront prononcés. Également reçus, mardi soir, par Christiane Taubira, en la personne du pasteur Claude Baty, président de la Fédération protestante de France (FPF), ils travaillent à une prise de position qui sera publiée mi-octobre. Claude Baty confie au Figaro «pour le protestantisme, le mariage n'est pas un sacrement, notre opposition ne peut pas être d'ordre religieux. L'adoption probable de ce projet ne changera rien pour les Églises protestantes. Par contre, à titre personnel, en attendant que la FPF se prononce, je peux dire que pour des raisons anthropologiques, et de structuration symbolique, je n'approuve pas ce projet».
Une rupture de société
Même attitude chez les orthodoxes. Ils se prononceront début octobre dans le cadre d'une assemblée des évêques sur un projet dont ils ne cernent pas l'opportunité: «En voulant traiter une question catégorielle, on touche une question sociétale engageant de multiples conséquences qui annoncent une rupture de société» assure Carol Saba, leur porte-parole.
Le Conseil français du culte musulman est sur le point de publier une déclaration très argumentée, dont Mohammed Moussaoui, son président, confie la substance au Figaro: «Le culte musulman - à l'instar des autres cultes monothéistes - n'autorise pas le mariage entre deux personnes du même sexe. Nous sommes donc opposés à ce projet de loi.»
Enfin, le grand rabbin de France Gilles Bernheim prépare, lui aussi, une longue prise de position. S'il place «la lutte contre l'homophobie» aussi haut que la lutte contre «le racisme ou l'antisémitisme» et s'il refuse de se placer en «faiseur de morale» et donc «à porter un jugement sur les homosexuels», il récuse ce projet qui «risque de priver des enfants d'un droit essentiel, avoir un père et une mère et non un parent 1 et un parent 2.»