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France : un épiscopat dans la tempête

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Lu sur Famille Chrétienne :

ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DES ÉVÊQUES DE FRANCE

Mgr Bernard Podvin : « Le système politique est devenu fou »

Famille, fin de vie, avortement : les questions de société ont été très présentes dans les discussions des évêques réunis à Lourdes cette semaine (5-10 novembre), à l’occasion de leur assemblée plénière. Entretien avec Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la conférence des évêques de France.

Fin octobre, vous annonciez queles questions sociétales seraient traitées « de manière massive »entre les évêques. Le confirmez-vous ?

Oui, tout à fait. Dès le premier jour, lors des questions d’actualité, nous avons abordé le thème de la famille. C’est un sujet tellement essentiel, qui en aimante tant d’autres : vie finissante, avortement, diaconie…

Au terme d’une année 2013 très difficile, le sociétal est un thème sur lequel les évêques sont particulièrement vigilants. À l’égard de ces questions, c’est un prophétisme qu’ils cherchent à déployer. Un prophétisme qui englobe le court et le long terme. Les évêques ne sont pas prisonniers du temps puisqu’ils sont avant tout nommés pour servir le Christ et l’homme.

Les catholiques sont-ils devenus une minorité ? Cette question a donné lieu à une longue discussion, le deuxième jour …

Les évêques sont lucides sur ce que devient, numériquement parlant, la communauté chrétienne, au sens engagé du terme. En même temps, ils constatent que la sensibilité chrétienne reste très présente dans la société, par exemple lors des funérailles. Ils voient des déplacements sociologiques évidents mais ne se résigneront jamais à se laisser enfermer dans un positionnement de minorité. Ils restent convaincus que l’Église doit s’adresser à tous les hommes.

Concernant l’offensive rapide du nouveau gouvernement sur tous les fronts, un évêque m’a confié  avoir le sentiment d’être comme dépassé par une inondation…

En fait, c’est la société qui s’auto-dépasse. C’est le système politique qui est devenu fou. La société croit pouvoir être réformatrice de l’homme et suscite d’innombrables bouleversements éthiques, bioéthiques. L’Église déplore le fait que soient menées tant d’aventures – le mot est faible – avec des conséquences aussi considérables. Ce ne sont pas les hommes de Dieu qui sont dépassés. Le Christ est toujours dans la barque. Le dépassement est du côté de ceux qui ont des responsabilités. Et nous manquons aujourd’hui d’hommes capables de redonner une hiérarchie aux décisions qu’ils prennent.

Face aux nouvelles transgressions annoncées, comment l’Église de France s’organise-t-elle ?

Tout d’abord, il faut dire que l’Église est toujours en veille sur ces questions. Les évêques ont des conseillers, des experts, qui accomplissent avec eux ce travail. Ils sont également toujours disposés à participer au débat public. À cet égard, nous avons énormément déploré le fait qu’une loi comme celle autorisant la recherche sur l’embryon – adoptée le 16 juillet dernier – ait été adoptée sans aucun débat de ce type. Si de nouveaux lieux de discussion venaient à être organisés, l’Église y participerait. Encore faut-il que des états généraux existent, que ce ne soient pas simplement de rapides consultations. À ce niveau, notre inquiétude est grande.

Les états généraux sur la fin de vie annoncés pour cet automne devraient finalement prendre la forme d’un « panel » de citoyens tirés au sort…

Si hélas ce que vous dites était vrai, ce serait absolument déplorable. Sur une question aussi fondamentale, il est déjà essentiel de prendre la mesure du niveau de connaissance qu’en a la société. Tant de personnes ignorent la loi Leonetti et on pense déjà à la transformer.

Sur la fin de vie, l’Église est très claire : non au suicide assisté, non à toute pratique d’acharnement thérapeutique. L’Église plaide pour un accompagnement qualitatif le plus respectueux du chemin ultime de la personne. Nous disons que la dignité humaine consiste à ne pas vouloir disposer de ce que nous avons reçu. C’est toute l’ambiguïté des sondages : si vous demandez à quelqu’un s’il veut mourir dans la dignité, il vous répondra forcément oui. Mais la dignité consiste à ne pas s’approprier la fin de vie, de soi ou d’autrui.

L’année 2013 a été une année de grande mobilisation en faveur de la famille. Que dites-vous à toutes ces personnes qui s’engagent sur les sujets de société ?

En premier lieu, merci à tous, et notamment aux personnes qui n’ont pas attendu tous ces événements pour être actifs. Par ce mouvement, la vocation des laïcs dans la société a été comme encouragée, réhabilitée. On insiste beaucoup, depuis plusieurs années, sur le rôle des laïcs dans l’Église, et à juste titre. Il nous faut peut-être aussi insister davantage sur le rôle des laïcs dans la société.

Et que dites-vous à ceux qui ont l’impression d’avoir perdu ?

Le combat n’est jamais perdu, quelles que soient les décisions prises dans le court terme. Le combat n’est jamais vain même si sur la route on rencontre des déceptions. Il entraîne une orientation du cœur, de l’esprit, donne de la force. Y a-t-il un siècle où la présence chrétienne n’a pas rencontré des situations extrêmement difficiles ?

Comme le dit le poète François Cheng, « c’est parce que notre vie est éphémère qu’elle est éternelle ». On travaille toujours pour la valeur éternelle des choses et, à ce titre, nos combats ne sont jamais perdus. Par ailleurs, les générations qui nous succèdent nous regardent. Elles se souviendront. Un enfant qui a été témoin de l’attitude de ses parents, ou grands-parents, au cours de l’année 2013, en restera très longtemps imprégné. Quel que soit le résultat immédiat, on travaille à coup sûr pour l’avenir.

Jean-Marie Dumont

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