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Famille Chrétienne ? A Liège, une conférence du Président du Conseil pontifical pour la famille

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Le diocèse de Liège accueillait ce lundi 26 mai Mgr Vincenzo Paglia, président du Conseil pontifical pour la famille: à l'église Saint-Jacques, celui-ci a donné une conférence et répondu ensuite à plusieurs questions concernant le Synode des évêques, la pastorale du mariage et la situation de la famille dans la société actuelle.

C’est Mgr Jean-Pierre Delville qui a accueilli le prélat devant un parterre d'invités et une très nombreuse assistance,

 Le texte de la  conférence de Mgr Paglia se trouve sur le site web de l’évêché de Liège. Extraits :

 « Devant nos yeux, la crise profonde que la famille traverse partout dans le monde est évidente, en particulier là où le niveau de vie augmente. L’hégémonie d’une culture de l’individualisme et du consumérisme –qui va de pair avec la mondialisation du marché pur et simple– semble avoir pour premier effet l’affaiblissement d’abord, et la destruction de la famille ensuite, et avec la famille, la destruction de toutes les formes de vie associée stables. Il ne s’agit pas d’un projet explicite, parce que tout le monde se rend compte de la grande utilité de l’institution familiale dans la création d’une forme stable de tissu social. La crise est plutôt la conséquence d’une série de processus économiques, sociaux et culturels mis en mouvement par le progrès économique et la modernisation culturelle. (…) Dans cette perspective, la famille n’est plus niée, mais elle est placée à côté des nouvelles formes d’expérience relationnelle qui sont apparemment compatibles avec elle, même si en vérité, elles la démontent ".

"La mondialisation et l’ « individualisation » de la société

Le thème du mariage et de la famille doit être placé dans la perspective du processus d’ « individualisation » de la société contemporaine. Au cours des derniers siècles, nous avons vu s’affirmer la subjectivité, une étape positive car elle a permis l’affirmation de la dignité des individus. Mais l’exaspération de ce processus est en train de porter la société vers une dérive pathologique. (…)

En effet, le moi semble l’emporter partout sur le nous et l’individu sur la société, et de même les droits de l’individu semblent prendre le pas sur ceux de la famille. Il devient normal, voire logique, que, dans une culture individualiste, la cohabitation soit préférée au mariage, l’indépendance individuelle à l’interdépendance réciproque. La famille, avec une inversion totale, plutôt que de « cellule de base de la société » est à présent conçue comme « cellule de base de l’individu ».

(…) Dans le mariage, chacun cherche sa propre réussite individuelle plutôt que la création d’un « sujet pluriel » qui va au-delà de soi-même et crée un « nous » pour construire ensemble un avenir commun. Le moi, le nouveau maître de la réalité, devient le maître absolu même dans le mariage et dans la famille. Le moi –détaché de toute relation– devient une force de dissolution et non pas de relation, d’exclusion et non pas d’inclusion, de pulvérisation et non pas de solidification. La culture qui en émane exaspère à tel point la notion d’individualité jusqu’à provoquer une véritable idolâtrie du moi.

(…) Avec l’affaiblissement de la « culture de la famille », c’est aussi celle de la société même qui se dégrade. En effet, ce n’est plus l’ « être ensemble », mais l’ « être séparés » qui devient la principale stratégie que les hommes et les femmes d’aujourd’hui adoptent afin de survivre dans les mégalopoles contemporaines. Partout, il y a une crise de la socialité (…)

En confirmation de cette tendance, il est assez inquiétant de relever, en Europe, une augmentation des familles « unipersonnelles ». Si d’un côté, nous assistons à l’effondrement des familles dites traditionnelles (père, mère, enfants, grands-parents, petits-enfants), de l’autre nous voyons augmenter les familles formées par une seule personne. Cela signifie que la diminution des mariages, tant religieux que civils, ne correspond pas à une augmentation d’autres formes de cohabitation, comme par exemple les couples dits de fait ou les couples homosexuels, mais bien à l’augmentation du nombre de personnes qui choisissent au contraire de vivre seules. Quelle en est la raison fondamentale ? Le choix de rester seul signifie que toute liaison liée à un engagement est ressentie comme insupportable, trop lourde. Et la conséquence qui en découle est la tendance à une société qui devient toujours plus dé-familiarisée, composée d’individus qui, s’ils décident de s’unir, le font sans aucun engagement durable (…)

La nécessité d’une « famille »

Pourtant, l’aspiration à des relations affectives durables et capables de nous aider lors des situations difficiles de la vie est inscrite au fond de notre cœur. Toutes les études sociologiques le relèvent. Cela signifie que, lorsque la culture contemporaine promet l’objectif de l’autonomie absolue des individus, en réalité elle ne fait que tromper, car elle propose un objectif qui n’est pas bon. Et de toute façon –et cela est encore pire– elle ne prépare pas à affronter les épreuves et les sacrifices que toute relation durable et véritable exige. Cette tromperie est le résultat d’idéologies faciles dont la dernière, celle qui est prêchée par la révolution sexuelle, reste parmi les plus pernicieuses.

 (…) C’est une véritable dictature de l’individualisme, un pouvoir qui porte atteinte aux êtres chers, aux relations et aux responsabilités. Et cela n’est bon pour personne. Au contraire, cela creuse des gouffres de douleur, en particulier dans ceux qui se séparent, qui s’éloignent, et qui se combattent. Les effets négatifs apparaissent dévastateurs, surtout pour les plus faibles. Ce désir de stabilité, écrit dans les racines de l’âme humaine, est fauché dès qu’il sort à découvert. La culture dominante ne le soutient pas, mais, au contraire, le repousse.

Je le souligne à nouveau : la nécessité de « familiarité » reste de toute façon solide. Elle définit la racine de la personne humaine : nous sommes tous faits pour la communion, et non pour la solitude. C’est ce que montre le récit biblique de la création de l’homme et de la femme. (…) Le cœur de cette histoire est évident : la vocation de l’homme n’est pas la solitude, mais la communion. Du reste, il en est ainsi pour Dieu lui-même, qui n’est pas seul (…). Chacun a besoin de l’autre pour être complet. Nul ne peut exister seul. Dans le récit du chapitre premier de la Genèse (Gn 1, 27), l’auteur sacré souligne cette dimension de communion : Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il le créa homme et femme. La personne humaine, depuis les origines, n’est pas un individu, mais un « nous » (…)

Si nous voulons rendre solide la société, il faut faire de même avec la famille.C’est dans la famille que l’on commence à construire et à promouvoir le « nous » de l’humanité. (…). Affaiblir la famille signifie être à la merci des sentiments, de leur instabilité et de l’incertitude. Ainsi, la réflexion de Benoît XVI, qui reliait l’éclipse de la famille dans la société contemporaine à l’éclipse de Dieu, est tout à fait significative. Sans une référence à l’Au-delà (avec une majuscule), il est difficile qu’elle puisse comprendre l’autre que soi.

La société mondialisée sera en mesure de trouver un avenir solide de civilisation si et dans la mesure où elle sera capable de promouvoir une nouvelle culture de la famille. En effet, aucune autre forme de vie ne peut réaliser ces biens relationnels que la famille crée. Elle est unique dans sa capacité de génération des relations, des relations entre l’homme et la femme, entre les parents et les enfants, entre les relations qui se propagent au sein des familles. Dans la vie familiale, l’on apprend le nous de l’aujourd’hui et l’on jette les bases pour l’avenir avec la procréation des enfants. (…)

L’Évangile de la famille

C’est dans ce contexte que se dessine pour nos Églises l’urgente et grave responsabilité de témoigner de l’Évangile de la famille. Il est, en effet, urgent d’affirmer que la famille est une bonne nouvelle pour notre société mondialisée et individualiste.(…)  

Il ne s’agit pas tant d’une doctrine que plutôt d’un don à accueillir. Il est décisif que les chrétiens, en particulier les époux chrétiens et les familles chrétiennes, vivent ce trésor et le fassent resplendir comme une belle et passionnante réalité. Dans un monde marqué par la solitude et la violence, la famille et le mariage chrétiens doivent être une « bonne nouvelle » qui aide ce nouvel humanisme dont la société contemporaine a extrêmement besoin. (…)

 L’amour placé dans le cœur de la famille pousse toujours à aller au-delà des frontières. Mais il y a un don crucial pour la famille chrétienne, à savoir l’Église. La famille a besoin de l’Église, de la communitas, pour éviter d’être à la merci des vagues de l’individualisme. Dans un certain sens, le roc sur lequel fonder la famille est la communauté chrétienne. Dans la tradition de l’Église, cela est parfaitement clair. Il suffit de lire les évangiles pour voir les limites de la famille quand elle ne permet pas l’au-delà de soi.

(…) Il y a aussi un bon nombre de questions d’ordre culturel et politique que nous ne pouvons pas ne pas étudier. Je pense, par exemple, à la question de l’identité de genre, à savoir de ce que signifie aujourd’hui être un homme et être une femme. La destruction de la spécificité sexuelle, telle que proposée par la nouvelle culture du genre, qui triomphe aujourd’hui dans tous les contextes internationaux, doit trouver des réponses claires et convaincantes de notre part. Comme est en outre cruciale la question de la transmission culturelle entre les générations, et donc également de la transmission de la foi. Sans famille –et en particulier sans les femmes– il est, de fait, impossible de transmettre la foi à la génération qui vient.

D’autres sujets devraient être inclus dans une pastorale de la famille attentive à la réalité contemporaine : les droits des individus; le droit des enfants à naître, à grandir et à vivre dans l’amour et dans la dignité toute leur vie; le droit de mourir sans être tué; le droit des malades à être soignés d’une manière attentive; le droit d’avoir un travail digne et sûr; le droit de la famille de ne pas être exploitée par la dictature du profit financier; le droit d’avoir du repos et de ne pas être réduit en esclavage par le rythme du travail afin de produire sans aucune halte, et ainsi de suite.

Il s’agit d’un domaine vaste et complexe qui nécessite des interventions culturelles et politiques aussi bien que spirituelles. Il doit en jaillir une nouvelle sagesse, une nouvelle force, aptes à promouvoir et à défendre le mariage, la famille et la vie. (…)

Il s’agit d’une action difficile et complexe, mais qui ne peut pas être reportée. Il faut une nouvelle alliance entre la famille et l’Église pour montrer la beauté du « nous » à une société attristée dans son orgueil myope (...)"

Ref : Famille chrétienne ? L’Évangile de la famille dans un monde globalisé -

A télécharger aussi sur le site diocésain une synthèse de la conférence et le compte-rendu des questions-réponses . A voir également un diaporama sur la manifestation

JPSC

Commentaires

  • Dans l’interview qu’il a accordée à l’incontournable Christian Laporte venu le rencontrer à Liège pour le compte de « La Libre » (parution ce vendredi 30 mai), Mgr Paglia, le « ministre » de la famille du pape François, se montre assez « flexible » à propos des orientations du futur synode : « Il n’y aura pas de tabous autour des thématiques que nous aborderons (…). L’Eglise doit être plus proche des siens, pour ne pas être une institution cléricale. (…) » et, s’agissant des divorcés remariés : « (…) une rigueur trop étroite ne peut peser sur les épaules de personnes déjà affaiblies. Ne jouons pas les pharisiens : un nouvel accueil à leur égard est dans tous les cas indispensable. Nous devons aller au-delà de la seule perspective éthique et promouvoir une Eglise qui ne travaille pas pour elle mais pour les familles du monde… ».

    Voilà qui entretient un peu la brume.

    Reste à connaître, le moment venu, la réaction des « courants» ecclésiaux moins sensibles que d’autres aux ondoiements du discours romain sur les rapports entre l’éthique et la miséricorde : un moment vient où il faut se compter et choisir. Un certain Caton (2e siècle avant J.-C.) disait déjà aux Romains: 'J'aimerais bien vous plaire, mais je préfère vous sauver' : Caton l’Ancien, bien sûr…

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