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Jeanne d'Arc : une égérie LGBTQ ?

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De Ludovic Lavaucelle sur La sélection du Jour :

"Moi, Jeanne": quand le wokisme fait de Jeanne d'Arc une égérie LGBTQ

Une nouvelle pièce fait scandale à Londres. Le mythique Théâtre du Globe, qui est une fidèle reproduction de l’édifice construit par Shakespeare et sa troupe en 1599, fait jouer une pièce sur la vie de Jeanne, la célèbre sainte française. Elle est représentée en personnage « non binaire », interpellé sur scène par le pronom inventé : « iel ». Les féministes sont furieuses car – même en Angleterre – la jeune martyre est un symbole. En 1911, 40 000 suffragettes avaient marché avec à leur tête une manifestante déguisée en Jeanne d’Arc. Nier son sexe revient, pour elles, à interdire aux femmes toute place dans l’histoire. Michelle Terry, la directrice artistique du théâtre s’est défendue ainsi : Shakespeare lui-même ne cherchait pas à représenter des faits historiques mais les utilisait pour interroger le monde qui l’entourait.

Ce que dit Madame Terry est vrai du théâtre en général. Tout comme il est exact de rappeler qu’à l’époque du grand « barde », des acteurs jouaient des rôles féminins. Mais il faut aller au-delà des apparences, propose Mary Harrington pour UnHerd (voir son essai en lien). Cette pièce est d’abord de la propagande au service d’une classe dirigeante, à l’image de certaines œuvres de Shakespeare sous l’œil sévère de la Reine Elizabeth. En s’attaquant à Jeanne la Pucelle, l’idéologie woke cherche aussi à effacer ce qui l’a rendue si puissante : sa virginité.

Si des hommes jouaient des rôles de femmes, il ne faut pas y voir une quelconque tradition « non-binaire » mais la loi de l’époque. Les activistes de 2022 font donc revivre une tradition des plus… patriarcales. De plus, la trilogie « Henri VI » de Shakespeare parle de la fin de la Guerre de Cent Ans du point de vue anglais. Jeanne y est présentée d’une manière ignoble, une sorte de prostituée faisant appel à une armée de démons pour lui venir en aide. 150 ans après son exécution, Shakespeare ne parlait pas d’elle pour « interroger le monde qui l’entourait », mais pour servir la propagande de la Reine Elizabeth. La pièce « Moi, Jeanne » d’aujourd’hui poursuit le même objectif – le talent en moins. Il ne s’agit plus de servir la volonté de puissance géopolitique d’une souveraine, mais de propager l’obsession d’une minorité très présente parmi les « élites » actuelles, selon laquelle on peut se définir en dehors de toute attache biologique…

Le traitement dans la littérature du personnage de Jeanne met en lumière un vieux problème : le droit des femmes à se refuser aux hommes. La chasteté était tout à fait respectée tant qu’elle était limitée aux murs d’un couvent, en tout cas loin de la place publique. C’est justement par l’angle de la sexualité que Shakespeare a cherché à détruire l’aura de Jeanne. Voltaire n’était pas moins vulgaire ni misogyne quand il a écrit « La Pucelle d’Orléans » en 1730. Ce poème, qui décrivait Jeanne presque séduite par un âne volant a tellement scandalisé qu’il n’a été publié qu’en 1899. La mythologie grecque parle de ce dilemme féminin avec les Amazones (qui semblent avoir une origine historique chez les peuples scythes). L’invincibilité de ces terribles guerrières était liée à leur refus d’une soumission aux hommes : la reine Hippolyte sera tuée par Héraclès après lui avoir « fait don de sa ceinture ». Shakespeare en parle dans son célèbre « Songe d’une nuit d’été » mais il insiste sur une autre tradition : Thésée se joint à l’expédition d’Héraclès et capture l’Amazone Antiope qui lui donnera un fils. Dans cette version, les fières guerrières sont soumises par les hommes et acceptent de « rentrer dans le rang ». Déjà les contemporains de la pièce ont vu une allusion osée de l’auteur à la reine Elizabeth I, qui construisait son personnage d’Amazone intouchable.

Elizabeth ne s’est pas mariée, ni Jeanne d’Arc. La première a su utiliser la chasteté (réelle ou feinte) pour construire une puissance politique que peu de souverains ont égalée. La seconde, suivant sa vocation, a fait un choix encore plus important puisqu’il ne visait pas une gloire personnelle mais la libération d’une nation. Tandis que « Moi, Jeanne » est une parfaite illustration de l’idéologie post-moderne : il n’est pas question de sacrifier sa sexualité pour accomplir un destin marquant l’histoire. Il suffit d’effacer la femme de l’équation… Cette nouvelle pièce poursuit donc une tradition vieille de plusieurs siècles. Des complices de l’évêque Cauchon, au texte servile de Shakespeare, aux provocations de Voltaire : une femme qui revendique à la fois un rôle public et de rester vierge est une sorte de monstre. Prétendre qu’elle n’est pas une femme est une façon de résoudre le problème.

La transsexualité n’est pas un tabou en 2022 : les élites politiques et économiques investissent des fortunes pour imposer à la société une nouvelle norme « non binaire » au nom de l’inclusivité. Le nouveau tabou, conclut Harrington, c’est l’essence même des femmes. Après avoir attaqué la maternité (en prétendant que des hommes peuvent tomber « enceints »), on cherche à détruire l’autre facette qui fait la puissance féminine : le choix de la virginité.

Pour aller plus loin :

Virgins get more done

>>> Lire l'article sur : UnHerd

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