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L’Islam européen est-il soluble dans la laïcité et le sécularisme ambiants ?

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Dans le numéro de septembre 2012 du mensuel « La Nef », Christophe Geffroy publie l’interview qu’il a réalisée de Christopher Caldwell, auteur d’un essai remarqué : « Une révolution sous nos yeux. Comment l’islam va transformer la France et l’Europe, préface de Michèle Tribalat (Éditions du Toucan, 2011, 546 pages, 23 €). Christopher Caldwell est un journaliste américain, diplômé de Harvard, éditorialiste au Financial Times.

Extraits :

(…) L’islamisation de l’Europe s’opère via l’immigration : quelle est la raison de cette immigration, serait-il possible de la limiter et de la maîtriser ?

Les origines de l’immigration résident dans le manque de main-d’œuvre dans les années de reconstruction qui ont immédiatement suivi la Seconde Guerre mondiale. Les Européens, dans leur inconséquence, considéraient l’immigration comme temporaire. Pendant la baisse économique consécutive au choc pétrolier de 1973, les programmes pour financer le rapatriement des immigrants furent établis par la plupart des gouvernements d’Europe de l’Ouest (dont celui de Giscard en France). Ces efforts ont échoué. En fait, l’immigration va en augmentant, en raison des politiques qui autorisent le regroupement familial. En 1971, il y avait 3 millions d’immigrés en Allemagne, parmi lesquels 2 millions avaient un travail. En 2000, il y avait 7,5 millions d’immigrés, dont seulement 2 millions avaient un emploi. Aujourd’hui, avec les populations natives d’Europe qui reculent si vite, limiter l’immigration impliquerait une reconfiguration majeure de l’économie : parce que la main-d’œuvre deviendrait rare, les salaires augmenteraient. À long terme, cela réduirait les inégalités de revenus, ce qui serait une bonne chose. Mais à court et à moyen terme, certaines industries qui reposent sur le travail bon marché disparaîtraient complètement. Cela produirait probablement des dettes publiques et des protections sociales impossibles à financer.

Que pensez-vous de l’analyse qui explique l’immigration principalement par le grand écart de richesse entre l’Occident et nombre de régions qui ne décollent guère, alors même que la démographie des régions riches s’écroule quand celle des régions pauvres demeure élevée ?

Les gens ont toujours migré des pays pauvres vers les pays riches. Il est certain que, dans les dernières décennies, les sociétés riches ont eu des taux de natalité plus bas. Quant à savoir s’il faut en déduire que la richesse génère des taux de natalité faibles, c’est moins évident. Il pourrait plutôt s’agir de mettre en cause quelque chose associé à la richesse, comme le matérialisme ou la laïcité.

En quoi l’immigration que connaissent actuellement la France et l’Europe est-elle vraiment un phénomène nouveau ?

De tous les pays d’Europe occidentale, c’est la France qui a le plus d’expérience en matière d’accueil et d’assimilation des immigrants. Encore une fois, c’est l’ampleur qui est la nouveauté la plus significative. Jamais l’Europe n’a eu à accueillir des dizaines de millions d’immigrants, avec leurs enfants, d’une autre tradition religieuse. On pourrait établir des comparaisons avec les « invasions barbares » de Rome après le IIe siècle : il ne s’agissait pas tant d’invasions militaires que de migrations de long terme, et elles ne furent pas toujours hostiles.(…)

L’immigration musulmane massive actuelle est-elle « assimilable » dans les sociétés occidentales ? Y aurait-il des conditions pour qu’elle le soit ? Autrement dit, l’islam est-il compatible avec notre vision occidentale et laïque de la société ?

Je ne peux pas prédire l’avenir, mais je ferai deux remarques. En premier lieu, la laïcité est un concept européen. La laïcité peut se promouvoir elle-même au rang de « valeur universelle » mais en réalité, c’est une idée européenne. Les non-Européens ne la trouveront pas nécessairement séduisante.
En second lieu, ce que l’Amérique considère comme acquis empiriquement, c’est qu’en matière religieuse, l’assimilation connaît des limites. Les fidèles de différentes religions trouvent des moyens de vivre ensemble – mais ils ne se sont jamais « fondus » en une religion américaine unique et commune. La plupart des Américains ont la religion que la mère de la mère de leur mère pratiquait en Irlande, en Suède, en Pologne, en Russie ou au Mexique. Si les musulmans s’assimilent au mode de vie français, ce sera en tant que musulmans.

Le rejet de Dieu et le matérialisme des sociétés occidentales ne contribuent-ils pas au mépris des musulmans pour ces sociétés et à leur volonté de ne pas s’y assimiler ?

Certainement. Comment ne pas donner raison à leur scepticisme ? L’argument selon lequel le port du voile islamique rabaisse en quelque sorte les femmes est un argument très faible quand il est avancé par une société qui tolère (et même promeut) des Red-light districts à Amsterdam, des Love parades en Allemagne, des filles à moitié nues à la page 3 du Sun de Londres, et des émissions de téléréalité partout. Jusqu’à il y a 30 ou 40 ans, un Européen moyen aurait jugé l’attitude des musulmans d’aujourd’hui plus en cohérence avec les « valeurs européennes traditionnelles » que les valeurs actuellement véhiculées en Europe.

Y a-t-il une «stratégie » des musulmans envers l’Europe pour la conquérir pacifiquement par le nombre, via l’immigration ?

Absolument pas. On se doit d’être clair à ce sujet. Il n’y aucune conspiration ni orientation concertée des flots d’immigrants. C’est comme si l’on disait des « chrétiens » d’Angleterre et de France du XVIIIe siècle qu’ils avaient une stratégie pour soumettre les Indiens subcontinentaux, les Indiens d’Amérique et autres non-chrétiens. En réalité, l’Angleterre et la France étaient en guerre. L’asservissement des peuples colonisés a bien eu lieu – mais seulement parce que les cultures chrétiennes étaient plus énergiques, plus créatives et plus optimistes. De même, il se peut certes que les musulmans « conquièrent » l’Europe au prochain siècle – mais s’ils le font, ce sera en raison de l’épuisement culturel de l’Europe, et non d’un complot quelconque.(…)

Les Américains ne sont guère touchés par l’islam sur leur territoire, votre immigration étant principalement d’origine centre et sud-américaine, ainsi qu’asiatique : comment vos compatriotes perçoivent-ils ce danger de l’islam pour l’Europe et pour l’équilibre du monde? Se sentent-ils eux-mêmes menacés ? Le 11 septembre a-t-il changé quelque chose à cet égard ?

(…) La population immigrée des États-Unis est en train de se diversifier très rapidement. Une étude menée par le respectable Pew Research Center en juin a montré qu’en 2011 les États-Unis ont accueilli plus d’immigrants asiatiques (36 % du total) que d’immigrants d’Amérique latine (31 %).

Les États-Unis sont de plus en plus touchés par l’islam. En première instance, le 11 septembre a semblé briser le pouvoir du politiquement correct sur les questions d’immigration, mais ultimement, le politiquement correct en est sorti renforcé. Le projet controversé né il y a plus de deux ans et prévoyant de construire une pseudo « Mosquée Ground Zero », à côté du site des attentats du 11 septembre, montre que les comportements américains envers l’islam tendent à se rapprocher de plus en plus de ceux que l’on peut observer en France. Le citoyen moyen est très mal à l’aise sur ce sujet, mais de telles opinions n’ont aucune visibilité dans les grands médias. Il est tout à fait possible, à propos de l’immigration musulmane, que les États-Unis suivent à terme le même chemin que la France.

Tout l’article ici : Islam et immigration 

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