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Strasbourg : la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) développe un droit prétorien en faveur de la GPA

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s65_puppinck.gregor.jpgDe Gregory Puppinck , directeur de l’ « European Center for Law and Justice », sur le site « Figarovox » :

« En juin dernier, la Cour a condamné la France dans les affaires Mennesson et Labassée, puis elle se prononça sur une affaire contre la Belgique en septembre, et condamna l'Italie fin janvier. Enfin, dès le 3 février, la Cour a rendu publique sa décision de juger trois nouvelles affaires de GPA contre la France.

Avec les arrêts Mennesson et Labassée, la Cour a posé le principe de l'acceptation de la GPA à l'occasion d'affaires mettant en cause des couples hétérosexuels mariés ayant un lien génétique avec l'enfant conçu aux USA. Sur cette base, dans l'arrêt Paradiso et Campanelli, la Cour est allée plus loin en jugeant que l'Italie a violé le droit à la vie familiale d'un couple (dont la femme avait 55 ans) en leur retirant un enfant avec lequel ils n'avaient aucun lien génétique, produit sur commande et payé 49.000€ à une société moscovite spécialisée en GPA. En jugeant ainsi, la Cour a non seulement accepté une nouvelle fois la GPA, mais aussi entériné la production sur commande et la vente d'un enfant. Parce que cette production-vente d'enfant sans lien génétique avec les acquéreurs n'est en définitive qu'une forme particulière de GPA, l'acceptation de la GPA conduit nécessairement à celle de la vente d'enfant.

Les trois nouvelles affaires concernent un couple vivant à Dubaï et ayant obtenu un enfant en Ukraine et deux hommes ayant chacun conçu des enfants par GPA en Inde avec des mères porteuses qui se présentent aussi comme les véritables mères biologiques. L'un d'eux reconnaît avoir versé 100.000 roupies à la mère (environ 1.300€, trois ans de salaire d'une ouvrière) et 60.000 roupies à l'hôpital. C'est une «GPA low-cost». L'autre requérant est pacsé avec un homme ayant aussi obtenu des jumeaux en Inde. Ce sera la première affaire de «GPA-GAY» traitée par la Cour, mais elle se refusera à tenir compte de cette circonstance au nom du principe de non-discrimination. Ainsi, l'acceptation de la GPA conduit aussi à celle des «usines à bébés» et de la «GPA-GAY».

Au fil de ces affaires, c'est la même logique qui s'impose: la déshumanisation de la procréation rend possible, pour tous, l'obtention d'un enfant et la constitution de «familles» que la Cour s'empresse de protéger contre les lois qui s'opposent à la marchandisation des personnes. L'intérêt des enfants et la dignité des jeunes femmes «porteuses» sont sacrifiés.

C'est un engrenage qui étend la libéralisation de la GPA suivant un «rythme imposé par notre Cour» comme l'a reconnu Dean Spielmann, le Président de la Cour, lors de l'audience solennelle du 30 janvier 2015. Il faut savoir que c'est la Cour qui choisit ses affaires parmi les très nombreuses qui lui sont soumises: elle en rejette 95% sans justification ni examen approfondi, elle est aussi maîtresse du calendrier.

Et c'est suivant ce «rythme» que la Cour a choisi de rendre publiques les nouvelles affaires françaises dans la foulée de la publication de l'arrêt Paradiso. Dans l'esprit du public, une affaire chasse l'autre, mais dans la méthode de la Cour, chaque affaire se construit sur la précédente, car la Cour se cite elle-même. Dire que cette méthode relève de l'orchestration n'est pas abusif: c'est d'ailleurs ainsi que M. Spielmann décrit l'interaction entre la Cour et les États en la comparant, de façon incongrue, à la «danse sacrale» du Sacre du Printemps d'Igor Stravinsky. Il indique qu'en matière de GPA, «notre Cour a été invitée (…) à imprimer son tempo» et il se réjouit à propos de la condamnation de la France de juin 2014 qu'en «décidant de ne pas demander le renvoi de cette affaire devant la grande chambre, le Gouvernement français a apporté la preuve de ce que la décision adoptée était acceptable.» Cela signifie que le gouvernement français est d'accord pour continuer à danser, et pourquoi pas en accélérant le rythme. Ne pas avoir fait appel des arrêts Mennesson et Labassée vaut consentement à de nouvelles condamnations dans les trois nouvelles affaires. La CEDH peut donc continuer à imposer à la France la GPA de l'extérieur, avec le consentement d'un gouvernement qui a échoué à le faire de l'intérieur par les voies démocratiques.

Tout en prétendant ne pas condamner l'interdiction en soi de la GPA par les Etats, la Cour vide cette interdiction de sa substance au point que deux juges «dissidents», dont le vice-président de la Cour, ont écrit que l'arrêt Paradiso «réduit à néant» la liberté des États de refuser la GPA et de ne pas lui reconnaître d'effets juridiques.

Dans cette entreprise, la CEDH est divisée en interne, mais ne se heurte à aucune résistance externe car elle jouit du prestige fondateur des droits de l'homme et ne connaît aucun contre-pouvoir institutionnel. Elle se dit «Conscience de l'Europe», c'est-à-dire arbitre du juste et du bien, autorité morale, car, en effet, les «droits de l'homme» ne sont pas du droit mais de la morale. Cette morale entend corriger, encadrer et guider la démocratie politique. La supériorité de la Cour n'est autre que celle des «sages» sur le peuple, de la justice sur la politique, des Lumières sur les ténèbres. On ne sort pas de la théocratie: l'ordre politique demeure ordonnancé par un ordre moral, fut-il athée et situé au-delà du bien et du mal. Son interprétation demeure réservée à quelques clercs plus ou moins bien inspirés; et quelle inspiration: la «danse sacrale» à laquelle se réfère le Président Spielmann pour décrire l'œuvre de la cour est le tableau final du Sacre du Printemps dans lequel une jeune fille est sacrifiée au dieu païen de la nature sous le regard de l'assemblée des «vieux sages».

 Réf. GPA : l'engrenage de la CEDH

JPSC

Commentaires

  • Il est…de jurisprudence constante que le droit issu de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est avant tout un écrit prétorien : la « créativité » de la jurisprudence de la CEDH a toujours été considérée comme une source de droit de premier ordre. Elle était louée par nos professeurs à l’université, dans les années 1960, en un temps où les problèmes bioéthiques, entre autres, ne se posaient pas avec la même ampleur. C’est aujourd’hui un vrai problème.

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