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France : Mgr de Moulins-Beaufort va défendre le secret de la confession devant Gérald Darmanin

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Le président de la Conférence des évêques de France rencontrera le 12 octobre le ministre de l’Intérieur pour « s’expliquer sur ses propos » au sujet du secret de la confession. Interrogé sur France Info après la remise du rapport sur les abus sexuels dans l’Eglise, il expliquait en quoi ce secret était « plus fort que les lois de la République ». Un compte rendu précis fait le point avec clarté sur le site web du magazine « Famille chrétienne » :

mgr_de_moulins_beaufort.jpg« Le Président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, a reçu du ministre de l’intérieur à 13h15 un message [exprimant son] souhait de ‘’convenir d’un entretien’’ », a fait savoir la CEF dans un communiqué ce jeudi 7 octobre. Ce rendez-vous se tiendra le 12 octobre à 14 heures, a-t-elle précisé. En cause, la déclaration de Mgr de Moulins-Beaufort le 6 octobre sur France Info expliquant en quoi le secret de la confession était « supérieur aux lois de la République », pour reprendre les mots des journalistes qui l’interrogeaient au lendemain de la remise du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise. Ce rapport préconise justement la levée du secret de la confession en cas de révélation d’abus sexuels, ravivant un débat récurrent depuis plusieurs mois.

Les prêtres soumis au secret professionnel

Les propos de l’archevêque de Reims ont provoqué un tollé sur les réseaux sociaux, si bien qu’il a « souhaité apporter des précisions » dans un communiqué le soir même sur Twitter. « Il ne faut pas opposer le secret de la confession aux lois de la République puisque celles-ci n’imposent pas sa levée (Articles 226 13 et 14), a-t-il précisé. « Mgr Éric de Moulins-Beaufort sera heureux d’échanger avec M. le Ministre de l’Intérieur sur le sens du sacrement de la confession pour les catholiques et sur les fondements théologiques, spirituels et canoniques du secret de la confession. Ce sera pour lui l’occasion de rappeler qu’aujourd’hui, le secret de la confession, imposé aux prêtres par le droit canonique, n’est pas contraire au droit pénal français, comme le souligne la circulaire de la chancellerie du 11 août 2004 », a déclaré à son tour la CEF dans son communiqué du 7 octobre après-midi.

Certains des contradicteurs de Mgr de Moulins-Beaufort brandissaient l’article 434-3 du code pénal, punissant l’absence de dénonciation en cas de violences sexuelles. L’article indique que « le fait, pour quiconque ayant connaissance d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives […] est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. » Une peine qui monte à « cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende » pour des faits concernant un mineur de moins de 15 ans.

En réalité, la loi française n’oblige pas les prêtres à briser le secret de la confession pour révéler des cas d’abus sexuels.  « Cette obligation de dénonciation ne s’applique pas pour les personnes soumises au secret professionnel, ce qui est le cas des prêtres lors de la confession ou de leurs mission de ministres du culte », précise l’avocat Me Emmanuel Le Miere à Famille Chrétienne. En effet les prêtres sont soumis au secret professionnel dans le cadre d’une jurisprudence de 1891, qui confirme celle de 1810. « La loi de 1905 n’y a rien changé », poursuit Me Le Miere. La trahison du secret professionnel est punie par la loi française « d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » (article 226-13 du code pénal).

Ces sanctions ne s’appliquent pas si le professionnel choisit d’alerter les autorités compétentes dans plusieurs cas exceptionnels, notamment les cas de « violences physiques, sexuelles ou psychiques ». Article 226-14 du code pénal). Mais le professionnel n’est pas obligé d’alerter. Ainsi le prêtre n’est pas « contraint » par la loi française de briser le secret de la confession –secret professionnel aux yeux de la loi – en cas d’abus sexuel. Et le droit canon, quant à lui, le lui interdit.

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La loi française pourrait lever le secret de la confession

Un risque réel plane cependant sur le secret de la confession en France : « Le fait que les prêtres soient soumis au secret professionnel [protégeant ainsi le secret de la confession] est simplement le fait d’une jurisprudence et non d’une loi spécifique, comme c’est le cas pour les avocats, alerte Me Emmanuel Le Miere. Ainsi, une nouvelle loi pourrait être votée pour défaire les prêtres du secret professionnel, ou les obliger à le rompre dans certains cas notamment les cas d’abus. »

Que faudrait-il faire, dans ce cas où le droit français s’opposerait alors frontalement au droit canon ? « Ce dernier n’a aucune valeur aux yeux de la République. Il faudrait passer par les juridictions internationales, notamment la cour européenne des droits de l’homme et son article 9 évoquant la notion de ‘’confident nécessaire’’ », explique Me Le Miere. Pour l’heure, impossible de savoir jusqu’où envisage d’aller Gérald Darmanin. Inutile d’imaginer en tout cas une réforme du droit canon sur le secret de la Confession. Ce point « ne peut même pas être discuté en droit Canon, il est inaliénable », souligne le père Thomas Poussier, qui a publié en février l’ouvrage Le secret de confession (Salvator). En 2019, alors que la crise des abus sexuels battait déjà son plein, la pénitencerie apostolique avait déjà rappelé dans une note que le secret de la confession était « inviolable ».

Une question de conscience et pas seulement de droit

Et surtout, aux yeux de l’Eglise et de Mgr de Moulins-Beaufort, la question du secret de la confession ne peut se réduire à une question juridique. Il s’agit plus profondément d’une question éthique, de conscience. C’est sur ce même terrain que se situe la Commission Sauvé, exigeant la levée du secret de confession non pas pour une raison de droit mais au nom de l’impératif moral de ‘’protection de la vie et de la dignité’’ (n°92 du rapport de la Ciase).

Ici se trouve le point de désaccord, puisque c’est au nom de ce même principe que le droit canon défend l’inviolabilité du secret de la confession« La confession est un moment durant lequel une personne peut dévoiler ce qu’elle subit ou ce qu’elle porte, car le secret lui permet de dire ce qui est le plus difficile, insiste Mgr de Moulins-Beaufort dans son communiqué. Le secret de confession peut donc participer à cette  ‘’protection de la vie et de la dignité’’ qu’évoque Monsieur Sauvé (n°92 du rapport de la Ciase) ». Le président de la CEF avait tout de même concédé sur France Info que les évêques allaient « regarder de très près la recommandation de la Ciase qui est assez précise, assez subtile, assez nuancée ».

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Lever le secret de la confession, une fausse solution contre les abus

Mgr de Moulins-Beaufort persiste et signe dans son communiqué : lever le secret de la confession est de toute façon une fausse solution. Ce serait « contreproductif pour la protection des personnes victimes. Se confieraient-elles si elles savaient que ce n’était pas secret ? Ne leur enlevons pas ce lieu qui peut être une première étape de libération de la parole ».

Le père Thomas Poussier abonde : « Ce secret n’est pas là pour protéger le prêtre ni mettre en danger qui que ce soit, mais au contraire, pour garantir cette confiance absolue permettant à la personne d’ouvrir son cœur. Le lever ne servirait à rien, ce qu’il faut, c’est former les prêtres pour qu’ils aident les personnes à se confier au-delà de la confession ». Une volonté que partage la CEF, comme l’a rappelé Mgr de Moulins-Beaufort sur France Info et Twitter. « Il faut nous former pour apprendre, à partir de cette parole [des victimes, ou même des agresseurs mais leurs aveux sont très rares, ndlr], à rendre possible une autre parole ».

La CEF a déjà pris plusieurs résolutions pour aider les victimes à prendre la parole en dehors de la confession. Le rapport de la Ciase cite notamment une note de la CEF du 8 décembre 2020. Les évêques y exhortent le confesseur à « donner au pénitent, victime ou témoin, des ressources pour recevoir la protection dont il a besoin ou l’encourager à se dénoncer s’il est auteur de crime. Il doit connaître et diffuser les numéros d’aide aux mineurs, 119, et aux adultes, 3919 ». La note stipule aussi que « tout en respectant le secret de la confession et en raison de son caractère absolu, le confesseur ''devra […] tenter de convaincre le pénitent de faire part de son information par d’autres voies, afin de permettre à qui de droit d’agir ». Ou encore, « Le prêtre qui a reçu des informations hors du cadre de la confession peut faire exception au secret professionnel ou même, en certains cas, doit le faire ». L'Eglise a par ailleurs mis en place dans les diocèses depuis 2016 des cellules d'écoute pour les victimes. « Des réformes profondes sont à engager », ont néanmoins reconnu d'une même voix les évêques après la remise du rapport Sauvé. 

Camille Lecuit »

Ref. Mgr de Moulins-Beaufort va défendre le secret de la confession devant Gérald Darmanin

JPSC

Commentaires

  • Ne pourrait-on pas imaginer le dispositif suivant ?
    Si un coupable de crime se repent et veut accéder à la confession, il doit présenter au confesseur, AVANT même l'entrée dans la liturgie du sacrement et donc avant l'aveu de son péché une preuve de sa dénonciation à la police. Le prêtre ne pourrait lui accorder l'absolution (signe du pardon de Dieu et de sa réconciliation avec l'Eglise) qu'à cette condition.

  • Bravo pour votre créativité. Ce que vous proposez a pour mérite d'éviter la dénonciation par le prêtre.
    Mais cela laisse subsister au moins deux problèmes. D'abord, comment fixer ce qui doit avoir été communiqué préalablement à la police ? La pédophilie, le meurtre, le viol, l'agression physique, le cambriolage, la fraude fiscale, l'injure, le vol d'une pomme ? Quid si la justice du pouvoir en place peut être mise en doute ? La Fontaine, déjà, était sceptique quant à l'objectivité des jugements de cour. Ce qu'il est bon d'avouer à Dieu n'est pas nécessairement publiable. Particulièrement en cette époque de large orwellisation, c'est le fait de se repentir d'un acte, et non de l'avoir commis, qui peut valoir par la suite les foudres de clans tyranniques mis au courant. Le préalable à l'obtention d'une absolution, c'est la volonté de ne pas récidiver et le désir de réparer ; cela peut passer par la livraison à l'institution judiciaire, mais ce n'y est pas automatiquement lié.
    Ensuite, pour vérifier que des criminels se sont dénoncés antérieurement aux autorités civiles, le prêtre devrait connaître l'identité de ceux qui se confessent. Cela arrive déjà, bien sûr (et cela l'oblige à effacer cette information de sa mémoire), mais ce n'est pas une situation idéale.

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