De Marie-Lucile Kubacki sur le site de l'hebdomadaire La Vie :
David Macaire : “Il faut décléricaliser toute l’Église“
Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France en Martinique, David Macaire est, à 49 ans, le plus jeune évêque de France. Au synode des jeunes, il interroge la manière de retrouver des communautés chrétiennes rayonnantes et dynamiques.
Il sort de la salle du synode en habit de dominicain, sacoche noire, après une longue journée de travail en petits groupes, les « cercles mineurs ». C’est lui qui coordonne le sien, composé d’évêques africains, de canadiens, de patriarches orientaux et de deux jeunes femmes. Un moment qu’il vit comme une sorte de « retraite spirituelle ». Nous lui proposons de nous installer quelque part, il choisit les marches de la colonnade de la place Saint-Pierre. Rencontre à bâtons rompus.
Il reste une semaine avant la fin du synode, qu’est-ce qui émerge dans votre groupe comme point fort ?
L’importance de la communauté. Le désir d’une Église plus familiale et de familles plus ecclésiales. La nécessité de faire confiance aux jeunes, mais pas de façon démagogique. Certaines interventions comportaient des éléments un peu démagogiques, comme si écouter les jeunes voulait dire qu’ils avaient la science infuse sur tout ! Il est aussi beaucoup question de comment faire vivre l’échange entre générations pour permettre la transmission d’un héritage, la tradition de l’Église, qui est tout sauf figée. La tradition est quelque chose de vivant. Il s’agit donc de transmettre un héritage en le faisant évoluer pour qu’il en reste toujours la substantifique moelle. L’image de la pirogue a été évoquée : les jeunes rament, donne la vigueur, et l’ancien donne l’orientation ! Et puis émerge aussi l’exigence de qualité des jeunes. S’ils aiment autant les stars de foot c’est qu’ils recherchent l’excellence… Cette excellence, nous pouvons la proposer à travers des figures de saints ! La figure des prêtres est également importante pour eux. Ils réclament des prêtres disponibles, pas des managers qui administrent. Et aussi des prêtres exemplaires.
C’est toute l’Église qui est cléricalisée dans le mauvais sens du terme… On a fait reposer sur le prêtre tous les ministères.
Vous évoquez l’importance de la communauté et des paroisses… Mais la réalité dans bon nombre de paroisses en France, ce sont des assemblées dominicales vieillissantes et des prêtres fatigués !
L’Église a le savoir faire. Elle sait créer du dynamisme aux JMJ, dans les petits groupes, dans les aumôneries, les patronages, dans les écoles chrétiennes, elle sait être dans des endroits où on a besoin d’elle. Pourquoi la paroisse ne sait-elle pas le faire ? Je pense que ça part du fameux cléricalisme dont parle le pape, et qui ne concerne pas que le prêtre. C’est toute l’Église qui est cléricalisée dans le mauvais sens du terme… On a fait reposer sur le prêtre tous les ministères. Aujourd’hui on lui demande d’être à la fois d’être le chef d’établissement, le gestionnaire, le professeur, l’accompagnateur. D’où le burn out, la vie impossible et l’isolement. Cela ne va pas. Il est temps de revenir à une Église où les prêtres sont des curés d’Ars ou des « Benjamin Bucquoy », comme le héros de Monsieur le curé fait sa crise de Jean Mercier. Qu’ils retrouvent l’essentiel de leur sacerdoce, ce pour quoi ils ont donné leur vie : accompagner des gens – en plus, c’est ce que les jeunes demandent ! –, visiter les pauvres, les familles, célébrer, prier, prêcher, enseigner, partir en pèlerinage avec les fidèles ! Et non pas s’épuiser en réunions. C’est pour cela que les prêtres donnent leur vie. Et ce n’est pas parce qu’on s’habille en civil qu’on sort du cléricalisme, mais quand on est au milieu d’une « communauté de disciples missionnaires », comme dit le pape François.
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