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Avortement : un débat confisqué

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Bien qu'il s'agisse de la situation en France, on n'aura aucun mal à adapter les considérations exposées ci-dessous à la situation en Belgique :

De Pascale Morinière en tribune sur le site du journal la Croix :

« Est-il encore possible de parler de l’IVG aujourd’hui ? »

Alors que l’ONU a déclaré le 28 septembre Journée mondiale pour le droit à l’avortement, Pascale Morinière, médecin et présidente des Associations Familiales Catholiques (AFC), dénonce une confiscation du débat par les défenseurs de l’IVG.

Le 16 août 2021, la chaîne C8 a diffusé le film américain Unplanned qui raconte l’histoire vraie d’Abby Johnson qui, après avoir passé huit ans à travailler dans un centre du Planning familial américain, prend la décision de le quitter, ébranlée après avoir découvert la réalité concrète d’un avortement par aspiration, pour devenir une militante anti-avortement.

La diffusion de ce film a aussitôt déclenché au milieu de la torpeur estivale une avalanche de réactions de la part du Planning familial et de responsables politiques.

Des critiques violentes ont été émises dans la presse notamment par Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, considérant que ce film – qui tient surtout du récit ou du témoignage - constituait « une remise en cause d’un droit fondamental pour les femmes acquis de haute lutte » ou encore qualifiant ce long métrage « d’outil de propagande anti-avortement abject ».

Quelles que soient les opinions personnelles que l’on peut avoir au sujet de l’avortement et près de 50 ans après sa dépénalisation, on ne peut se résigner à accepter que le débat soit à ce point confisqué.

Un rapport de force stérile

Est-il encore possible de réfléchir au principe même de l’IVG, de prendre du recul sur l’expérience acquise en ce domaine, de comprendre ce que les femmes, leurs conjoints quand ils existent, leurs familles vivent réellement lorsqu’ils y sont confrontés, de comparer nos politiques publiques à celles d’autres pays, ou encore d’analyser sérieusement les causes de ces événements… sans être immédiatement accusé de vouloir remettre en cause ce « droit fondamental acquis de haute lutte » ?

Les responsables politiques, tous bords confondus, portent une lourde responsabilité dans le jeu de rôle idéologique qu’ils ont contribué à installer depuis si longtemps. Malgré la gravité du sujet, on assiste à un rapport de force stérile entre d’une part, les tenants du droit à l’IVG et, d’autre part, ceux qui seraient coupables d’égratigner ce qui est devenu un totem de la République.

Dans ce jeu de rôle figé, les partisans du droit à l’IVG soutiennent l’extension d’un droit qui semble ne jamais trouver de point de butée définitif– une énième initiative menée par quelques députés, prône de nouveau depuis quelques semaines l’allongement du délai de l’IVG de 12 à 14 semaines – tandis que ceux qui souhaiteraient pouvoir en débattre sont par avance « disqualifiés » par les médias. Car au-delà des prises de position tranchées on constate en fait que le sujet n’est pas le même : quand les uns parlent du droit des femmes à « disposer de leur corps », les autres parlent du droit de l’enfant à naître.

Un progressisme à sens unique

La loi sur le délit d’entrave numérique votée en décembre 2016 a eu pour intention de donner un coup d’arrêt aux sites Internet qui tentaient de dissuader les femmes d’avorter. La décision du Conseil constitutionnel du 16 mars 2017 en a limité les effets en cantonnant ce qui tomberait sous le coup de cette loi à des informations - non des opinions - diffusées par une personne ayant autorité en la matière et adressées à une ou des personnes déterminées. On comprend dès lors qu’un long métrage dramatique comme Unplanned n’entre pas dans la catégorie des publications visées par la loi.

Il n’empêche que cette loi de 2016 contribue à instiller l’idée qu’il serait impossible de débattre de la question de l’avortement. La liberté d’expression peut-elle être à ce point bafouée dès lors qu’elle touche un sujet prétendument tabou ? Est-il toujours permis de débattre de questions entérinées par la loi ? Peut-on encore s’exprimer publiquement ou bien chaque loi censurerait-elle implicitement tout débat ultérieur ? Confond-on la loi avec un progressisme à sens unique, irrévocable et si bienfaisant qu’on ne pourrait jamais le discuter ensuite ? L’Histoire nous offre pourtant légion d’exemples de revirements de la loi au fil du temps.

Une entrave à la liberté d’expression

De nombreuses questions demeurent à propos de l’IVG et mériteraient que nous les examinions :

Peut-on se satisfaire d’un chiffre toujours très élevé d’avortements ? En 2020, 220 000 IVG ont été pratiquées, soit une légère baisse par rapport à 2019. Presque une grossesse sur 4 se termine par une IVG. Un tel taux devrait nous alerter collectivement, ce d’autant que, sondage après sondage, les Français expriment des attentes différentes des postures médiatiques. Ainsi d’un sondage Ifop d’octobre 2020 dans lequel 73 % des Français considéraient que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’IVG et 88 % des personnes interrogées étaient favorables à ce que les pouvoirs publics mènent une véritable politique de prévention de l’avortement et qu’ils conduisent des études pour en analyser les causes, les conditions et les conséquences.

Quels responsables politiques proposent aujourd’hui le plan de prévention qui éviterait à tant de femmes d’avoir à traverser cette épreuve ?

L’avortement est un problème de santé publique ; une autre politique est possible. Et s’il y a délit d’entrave, celui-ci s’exerce actuellement contre la liberté d’expression.

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