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  • « Monsieur le Président, nos petites églises s’effondrent sous vos yeux ! »

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    Du "Forum Catholique" :

    Une information que je n'avais pas vu passer sur le Forum ni nulle part d'ailleurs :

    Lettre ouverte au Président de la République : « Nos petites églises s’effondrent sous vos yeux ! »

    Dans une lettre ouverte adressée au chef de l'Etat et publiée par le JDD, 131 parlementaires de la droite et du centre appellent à défendre « nos petites églises rurales » qui constituent selon eux « l’âme de la France ».

    Rédaction JDD

    18/02/2023

    « Monsieur le Président de la République,

    « Le véritable exil n’est pas d’être arraché de son pays, c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer. » Qui aurait pu croire qu’en 2023 ces mots d’Edgar Quinet résonneraient avec tant de justesse ?

    Peu à peu la France change, se transforme et nous tendons à ne plus reconnaître ce qui a fait son charme, sa beauté exceptionnelle, son âme, tout simplement. Oui, Monsieur le Président, nos petites églises rurales sont l’âme de la France. Elles sont pour celui qui parcourt les terres et les mers un point de repère précieux qui révèle la présence d’un village. Souvent autour d’elles, le centre-bourg s’organise, le commerce et la vie de la cité se déploient. Tandis que notre époque est lancée dans une course éperdue contre le temps, nos églises continuent imperturbablement de scander la réalité des heures.

    À l’écart des constructions modernes, l’église, qu’elle soit de calcaire, de granit, de briques ou de tuffeau, symbolise un îlot de beauté, une bouffée d’oxygène, rare, si rare à notre époque où dominent le bloc et le béton. Pour les anciens comme pour les plus jeunes, elle constitue la mémoire du village, le souvenir de la guerre et des manifestations heureuses. En un mot, elle est l’écrin de nos plus précieux héritages. Oui, nos églises ont un passé. Mais nous voulons aussi qu’elles aient un avenir. Or cet avenir est menacé. Il l’est par les bulldozers, il l’est aussi faute de moyens, dans un silence assourdissant.

    Beaucoup de Français l’ignorent, les chapelles et églises, en tout cas l’essentiel de celles construites avant 1905, ne sont que rarement la propriété des diocèses puisque 90 % d’entre elles appartiennent aux communes. Et ce n’est pas en violation de la loi de séparation des Églises et de l’État, qui nous est chère, mais au contraire en application de son article 9. C’est donc aux villages et villes de France qu’il revient d’entretenir cet immense et magnifique patrimoine, élément d’identité, et même souvent d’identification, de celui qui croit au ciel comme de celui qui n’y croit pas.

    Mais nos communes sont asphyxiées, étouffées par la prolifération des normes et des dépenses obligatoires. Malgré leur dévouement, les maires et les associations sont condamnés à être les spectateurs de cet abandon. Ils ont la volonté, mais que peuvent-ils sans moyens ? Retenez ce chiffre terrifiant : d’ici à 2030, en l’absence de plan de sauvetage, entre 2 500 et 5 000 églises pourraient disparaître (mission d’information sénatoriale no 765 sur l’état du patrimoine religieux d’Anne Ventalon et de Pierre Ouzoulias). Et chaque jour, ce sont, en moyenne, deux édifices cultuels qui sont vandalisés.

    C’est donc à vous, Monsieur le Président, que nous lançons cet appel. Un appel au sursaut, un appel à l’action, comme vous avez su le faire lorsque Notre-Dame de Paris fut submergée par les flammes. Partout les clochers s’effondrent, parfois par l’action de l’homme, plus souvent sous l’effet du temps, pierre par pierre, jusqu’à ce que la ruine soit nettoyée d’un dernier coup de pelleteuse. À chaque fois qu’une église s’efface, c’est un fragment d’âme de la France qui s’évanouit.

    Monsieur le Président, il est temps d’agir pour préserver notre héritage plurimillénaire et lui assurer un avenir car nos églises ne sont pas de simples bâtiments : elles sont un patrimoine partagé et vivant. Alors, ensemble, sauvons les petites églises de nos 36 000 villes et villages, car comme le clamait Winston Churchill, « un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir. »»

    A l’initiative de :

    Henri Leroy, Valérie Boyer, Edouard Courtial, Emilie Bonnivard, Philippe Gosselin

    Cosigné par :

    Emmanuelle Anthoine, Philippe Bas, Jérôme Bascher, Thibault Bazin, Valérie Bazin-Malgras, François-Xavier Bellamy, Catherine Belrhiti, Martine Berthet, Etienne Blanc, Jean-Baptiste Blanc, Anne-Laure Blin, Eric Bocquet, Christine Bonfanti-Dossat, François Bonhomme, Bernard Bonne, Gilbert Bouchet, Jean-Marc Boyer, Alexandra Borchio-Fontimp, Yves Bouloux, Xavier Breton, Fabrice Brun, François-Noël Buffet, Alain Cadec, François Calvet, Christian Cambon, Jean-Noël Cardoux, Patrick Chaize, Daniel Chasseing, Marie-Chris-tine Chauvin, Alain Chatillon, Olivier Cigolotti, Eric Ciotti, Dino Cinieri, Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cordier, Josiane Corneloup, Laure Darcos, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Decool, Véronique Del Fabro, Stéphane Demilly, Albéric de Montgolfier, Louis-Jean de Nicolaÿ, Christelle D’Intorni, Julien Dive, Francis Dubois, Françoise Dumont, Laurent Duplomb, Sabine Drexel, Agnès Evren (50), Gilbert Favreau, Nicolas Forissier, Bernard Fournier, Christophe-André Frassa, Laurence Garnier, Jean-Jacques Gaultier, Annie Gene-vard, Frédérique Gerbaud, Sylvie Goy-Chavent, Pascale Gruny, Daniel Guéret, Michelle Gréaume, Victor Habert-Dassault, Ludovic Haye, Michel Herbillon, Christine Herzog, Patrick Hetzel, Jean Hingray, Alain Houpert, Corinne Imbert, Jean-Marie Janssens, Alain Joyandet, Philippe Juvin, Mansour Kamardine, Christian Klinger, Marc Laménie, Daniel Laurent, Jean-Baptiste Lemoyne, Pierre-Antoine Lévi, Gérard Longuet, Vivette Lopez, Véronique Louwagie, Viviane Malet, Didier Mandelli, Alain Marc, Olivier Marleix, Alexandra Martin, Franck Menonville, Marie Mercier, Sébastien Meurant, Brigitte Micouleau, Jean-Marie Mizzon, Jean-Pierre Moga, Laurence Muller-Bronn, Yannick Neuder, Sylviane Noël, Eric Pauget, Cyril Pellevat, Philippe Pemezec, Evelyne Perrot (100), Christelle Petex-Levet, Stéphane Piednoir, Kristina Pluchet, Rémy Pointerau, Nicolas Ray, Damien Regnard, André Reichardt, Vincent Rolland, Anne Sander, René-Paul Savary, Michel Savin, Vincent Segouin, Nathalie Serre, Bruno Sido, Jean Sol, Laurent Somon, Michèle Tabarot, Philippe Tabarot, Jean-Pierre Taite, Jean-Louis Thiériot, Claudine Thomas, Isabelle Valentin, Antoine Vermorel-Marques, Pierre-Jean Verzelen, Stéphane Viry, Dany Wattebled.

    Soit 131 parlementaires de la droite et du centre dont 91 sénateurs, 37 députés et 3 députés européens.
  • Quel est l’avenir des chrétiens d’Occident ?

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    De Christophe Geffroy sur le site de La Nef :

    Pourquoi si peu de chrétiens en Occident ?

    Le christianisme est devenu en Europe, lieu de son rayonnement, une religion minoritaire : comment en est-on arrivé là et quel est l’avenir des chrétiens d’Occident ?

    «Je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre » (Ph 3, 18-19). Ces lignes de saint Paul, écrites il y a deux mille ans, ne s’appliquent-elles pas à notre monde actuel ? Ajoutons cette question posée par le Christ : « Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8). Ces propos nous interpellent, quand la question de Dieu semble peu intéresser les Occidentaux, quand ils sont si minoritaires à croire en Dieu et encore moins à pratiquer ce que la religion de leurs pères leur prescrit, alors même que personne ne peut ici ignorer l’existence du christianisme, bien que beaucoup méconnaissent en réalité ce qu’il est et ce qu’il enseigne.

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    Lire aussi : Déclin numérique du catholicisme : état des lieux et urgence d’une nouvelle évangélisation

  • Le "synodalisme", l'aboutissement du pontificat du pape François

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    De Roberto de Mattei sur Corrispondenza Romana :

    Le "synodalisme", l'accomplissement du pontificat du pape François

    15 mars 2023

    Après dix ans de pontificat, le point d'arrivée du règne du pape François semble être le synode des évêques d'octobre 2023 sur le thème " Pour une Église synodale : communion, participation et mission ". Pour comprendre le désordre sémantique d'un synode sur la synodalité, il faut d'abord distinguer les deux termes. Le synode est un événement historique délimité, la synodalité est un " chemin ", un " processus " qui, dans l'horizon idéologique du pape François, correspond à la primauté de la praxis sur la doctrine.

    Le terme synode, qui dérive du grec σύνοδος, analogue au latin concilium, signifie en effet " assemblée " ou " réunion " et fait partie de la Tradition de l'Église, tandis que le mot " synodalité " est un néologisme indéfini, qui tolère différentes interprétations et lectures. À l'origine du terme synodalité se trouve le terme "collégialité", introduit dans le langage théologique par le père Yves-Marie Congar, comme un équivalent de l'idée de 'sobornost', inventée par les théologiens orthodoxes russes au dix-neuvième siècle (Le peuple fidèle et la fonction prophétique de l'Église, dans "Irenikon", no. 24 (1951), pp. 440-466). Sobor signifie en slave assemblée ou conseil. Sobornost exprime la réalité d'une Eglise universelle fondée sur des synodes, ou conciles, présidés non par une autorité commune, mais par l'Esprit Saint. Congar a fait du concept de sobornost la pierre angulaire d'une réforme de l'Église qui avait pour adversaire direct la primauté romaine, défendue par l'école théologique "ultramontaine".  

    Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, le dogme de la primauté romaine a été la principale pierre d'achoppement du dialogue œcuménique et, pour favoriser ce dialogue, la dimension "collégiale" du gouvernement de l'Église a dû être mise en évidence. Cela a permis une convergence avec la pratique synodale des Églises orthodoxes et protestantes. En outre, au sein de la théologie progressiste, les tendances du conciliarisme du 15e siècle, du fébronianisme du 18e siècle et de l'anti-infaillibilisme du 19e siècle, qui avaient cherché à limiter l'autorité et l'influence de la papauté à différentes époques et de différentes manières, ont refait surface. Enfin, il y a une raison plus politique. Dans les milieux progressistes, le modèle de l'Église en tant que "monarchie absolue" semblait entrer en conflit avec le processus de "modernisation" de la société. La collégialité, ou synodalité, exprime les exigences "démocratiques" de la société moderne.

    Le mot d'ordre était de libérer l'Église de l'enveloppe juridique qui l'étouffe et de la transformer d'une structure descendante en une structure démocratique et égalitaire. "Pendant mille ans, nous avons tout vu et tout construit du point de vue de la papauté et non de celui de l'épiscopat et de sa collégialité. Il faut maintenant faire cette histoire, cette théologie, ce droit canonique", écrivait Congar le 25 septembre 1964, qui considérait sa lutte contre la "misérable ecclésiologie ultramontaine" comme une "mission" (Journal du Concile, San Paolo, Cinisello Balsamo (Mi) 2005, vol. II, pp. 136, 20).

    En 1972, le jésuite allemand Karl Rahner a consacré un essai explosif à la transformation structurelle de l'Église comme tâche et comme chance (tr. it. Queriniana, Brescia, 1975), affirmant que l'Église de l'avenir devait être "décléricalisée", "ouverte", "œcuménique et pluraliste", "démocratisée dans sa gouvernance" et "critique à l'égard de la société". Le théologien dominicain Jean-Marie Tillard (Église d'églises. L'ecclésiologie de communion, Cerf, Paris, 1987), disciple de Congar, qui oppose la synodalité des Églises locales au pouvoir descendant de l'Église centrale, s'est inscrit dans cette ligne, tandis que l'historien jésuite John O'Malley a cherché à démolir les origines "ultramontaines" de l'Église avant Vatican II (Vatican I : The Council and the Making of the Ultramontane Church, Harvard University Press, Cambridge (MA) 2018).

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  • Retour sur la campagne visant à discréditer la mémoire de Jean-Paul II

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    De zenit.org :

    Une campagne très orchestrée contre Jean-Paul II sous le prétexte d’abus

    Une émission de télévision, un livre avec des accusations contre saint Jean-Paul II, deux réactions d’évêques polonais : analyse et réflexions

    Des documents des services secrets de l’époque communiste polonaise ont été utilisés comme sources privilégiées pour l’émission, et la conclusion – selon le journaliste et la chaîne de télévision – est que l’archevêque Wojtyla a cherché à dissimuler les abus et les agresseurs.

    Deux jours plus tard, dans la même semaine, Ekke Overbeek, journaliste néerlandais, a rendu public le livre « Maxima culpa : Jean-Paul II savait ». Le livre était accompagné d’une lettre introductive aux lecteurs. Dans le même temps, la couverture du magazine Newsweek présentait une photo de Jean-Paul II avec le titre « The Hidden Truth about Paedophilia » (La vérité cachée sur la pédophilie). Le livre approfondit les accusations de dissimulation de Jean-Paul II lorsqu’il était archevêque de Cracovie.

    La même semaine, d’autres médias, comme le journal progressiste de gauche Gazeta Wyborcza, ont lancé des accusations d’abus contre le prédécesseur de Mgr Wojtyla, le cardinal Adam Sapieha, suggérant même une relation entre les deux hommes. Les accusations contre le cardinal Sapieha sont fondées sur les affirmations d’un prêtre collaborateur du régime communiste, Anatol Boczek qui a, en réalité, fait des déclarations aux services secrets polonais de l’époque (sources utilisées par le journaliste de l’émission télévisée et également pour le livre), après que Sapieha l’avait suspendu précisément pour ce collaboration au communisme. Ces accusations ont déclenché un débat public qui s’est terminé au Parlement.

    Le mercredi 8 mars dernier, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a défendu publiquement la réputation de Jean-Paul II, qualifiant de « très douteuses » les accusations portées contre le souverain pontife. « Je défends notre pape parce que, en tant que nation, je sais que nous devons beaucoup à Jean-Paul II. Peut-être lui devons-nous tout ! » a-t-il déclaré. Il a également souligné que ceux qui ont lancé ces accusations proviennent de milieux qui promeuvent une guerre culturelle dans le pays.

    Le lendemain, le jeudi 9 mars, le Parlement polonais a voté une résolution pour défendre le nom de Jean-Paul II : le Parlement « condamne énergiquement la campagne médiatique honteuse, fondée dans une large mesure sur des documents d’un régime communiste violent, dont le grand pape saint Jean-Paul II fait l’objet, le plus grand Polonais de l’histoire », indique la résolution. Dans une autre partie, il ajoute : « Nous ne permettrons pas la violation de l’image d’un homme que le monde libre tout entier reconnaît comme un pilier de la victoire sur l’empire du mal. »

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  • Le Dieu de l'Islam : un Dieu au-dessus de l'histoire (Rémi Brague)

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    Des propos recueillis par Marguerite de Lasa sur le site du journal la Croix :

    Rémi Brague : « Dans l’islam, Dieu est au-dessus de l’Histoire »

    Le philosophe Rémi Brague publie chez Gallimard Sur l’islam, une présentation générale de l’islam à l’usage des non-musulmans. Catholique, il a longtemps enseigné la philosophie de langue arabe, et suggère aujourd’hui de délaisser nos catégories chrétiennes pour tenter de comprendre l’islam.

    14/03/2023

    La Croix : Quel est votre objectif avec ce livre ?

    Rémi Brague : Je l’ai écrit pour me clarifier les idées. J’ai enseigné pendant vingt ans la philosophie de langue arabe, mais des penseurs comme Avicenne, Averroès et Al Farabi ont un rapport complexe à l’islam.

    J’avais donc un but de philosophe : mettre de la clarté, introduire des distinctions là où il y a beaucoup de confusions et de préjugés, dans un sens comme dans l’autre. Surtout, j’ai voulu m’interroger sur nos difficultés à comprendre l’islam tel qu’il se comprend lui-même, car nous avons tous, croyants comme athées, des lunettes chrétiennes.

    Vous expliquez que le « véritable islam » peut renvoyer aussi bien au fondamentalisme qu’à l’islam mystique… Pourquoi est-il si périlleux de le définir ?

    R. B. : Tout le monde prétend incarner le véritable islam. Les musulmans se critiquent mutuellement à qui mieux mieux. Les gens d’Al-Azhar prennent leur distance – discrètement, d’ailleurs – par rapport aux gens de Daech, lesquels accusent tous les autres musulmans d’être des « vendus » aux Occidentaux. Comme il n’y a pas de magistère, pape ou grand sanhédrin, n’importe qui peut dire ce qu’est l’islam. Personnellement, je n’ai aucune autorité pour dire quel est le véritable islam. Par contre, je peux essayer de montrer la continuité de certaines idées. Du IXe au XIXe siècle, il y a par exemple l’idée que la raison humaine n’est pas capable de dire ce qui plaît à Dieu. La révélation ne porte donc pas sur la nature de Dieu mais sur sa volonté.

    C’est une grande différence avec le christianisme

    R. B. : Oui, c’est une sorte de chassé-croisé. Le christianisme, avec saint Thomas d’Aquin, dit : « Dieu est difficile à connaître, nous avons besoin de voies pour prouver son existence. » En revanche, pour savoir comment nous comporter, nous avons la raison naturelle. L’islam dit exactement le contraire. L’existence de Dieu est une évidence : il suffit d’ouvrir les yeux, de voir les merveilles de la création, et Dieu est là.

    Par contre, pour savoir s’il faut se laisser pousser la barbe ou se la raser, s’il faut que les femmes portent un voile ou non, la raison ne suffit pas. Nous chrétiens, avons du mal à comprendre pourquoi beaucoup de musulmans considèrent que ne pas manger de porc, ou se tailler la moustache, c’est important. Pour nous, cela relève du culturel, voire du folklore.

    Et pourquoi est-ce si important pour les musulmans ?

    R. B. : Parce qu’ils considèrent que cette loi vient directement de Dieu. Nous, chrétiens, vivons sous l’autorité de la conscience, dont notre civilisation pensait jusqu’à il y a peu que c’était la voix de Dieu. Rousseau s’exclame : « Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix. » Mais la théocratie en islam, c’est simplement le fait que la loi est censée venir de Dieu. Certes, il y a des médiations : le droit islamique (fiqh) est humain, puisque c’est la manière dont on comprend et applique des injonctions divines.

    Mais pour un musulman pieux, si le Coran dit par deux fois que les femmes doivent faire quelque chose – on ne sait trop quoi – avec une pièce de tissu, c’est Dieu qui le dit. Quant aux hommes, un hadith du Prophète leur commande : « Ne faites pas comme les chrétiens, laissez-vous pousser la barbe et taillez votre moustache. » Et le Coran dit que Mohammed est « le bel exemple » (XXXIII, 21). Si Dieu le veut, il faut obtempérer.

    Cela a pour conséquence que leurs « valeurs dépendent de l’arbitraire divin », dites-vous.

    R. B. : Oui, il y a là une discussion classique en philosophie, dès l’Euthyphron de Platon : Est-ce que certaines pratiques sont bonnes parce que Dieu les commande ? Ou est-ce que Dieu les commande parce qu’elles sont bonnes ? Un chrétien répond : les valeurs font partie de Dieu, elles sont un prisme dans lequel se décompose la lumière divine. C’est la thèse que soutiennent la majorité des philosophes : Dieu commande les choses parce qu’elles sont bonnes. En islam, en revanche, les choses sont bonnes parce que Dieu les a commandées. Si l’on considère que le bien est autre chose que Dieu, on se livre au seul péché que Dieu ne pardonne jamais, à savoir l’association (chirk).

    Pour expliquer le moindre développement de la théologie en islam par rapport aux mathématiques ou à l’astronomie, vous affirmez que, « l’islam ayant d’emblée un contenu plausible, il n’a pas connu les défis du mystère chrétien ». Que voulez-vous dire ?

    R. B. : La théologie vise à expliciter le mystère à l’aide de catégories d’origine philosophique. En islam, vous n’avez pas besoin de ça : il n’y a qu’un seul Dieu, il a tout créé et envoie des prophètes de temps en temps, dont le message est le même si les peuples auxquels ils ont été confiés ne le trafiquent pas. C’est plausible : il n’y a pas besoin d’un effort intellectuel prodigieux pour dire cela.

    En revanche, dire que Dieu est un dans la communion des trois personnes, c’est plus difficile. Même chose pour expliquer qu’il y a dans la personne du Christ la nature humaine et la nature divine. En revanche, dans le kalâm, les traités de théologie islamique, il s’agit de montrer que le dogme est plausible, et les autres croyances absurdes. C’est de l’apologétique, qui ne constitue qu’une partie de la théologie chrétienne.

    Quelle est la différence dans la conception de Dieu entre le christianisme et l’islam ?

    R. B. : Pour un musulman, Dieu est inconnaissable. Nous pouvons connaître sa volonté, mais n’avons aucune idée de ce qu’il est. D’ailleurs, le christianisme est en partie d’accord : « Si comprehendisnon est Deus » : « Si je peux en faire le tour, c’est que ce n’est pas Dieu », disait saint Augustin. Mais chez les chrétiens, on peut essayer de s’en approcher, parce que Dieu a commencé par s’approcher de nous. Finalement, ce qui distingue vraiment le christianisme et le judaïsme d’un côté, et l’islam de l’autre, c’est la notion d’alliance. Le fait que Dieu ait une aventure avec l’humanité. Dans l’islam, il est au-dessus de l’Histoire.