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Avorter en Belgique : échec à la surenchère abolitionniste des sanctions pénales ?

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De Jean-Jacques Durré sur le site interdiocésain francophone de Belgique :

« 4 juillet 2018 :

Au moment où la Commission Justice de la Chambre débat de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), deux pétitions circulent pour s’opposer à une dépénalisation totale. L’une émane d’un collectif de citoyens. L’autre met en exergue la menace qui pèse sur le personnel médical, en matière de liberté de conscience.

avortement-1440619389_137234_1000x667x0.jpgAu moment d’écrire ces lignes, les discussions sont toujours en cours à la Commission Justice de la Chambre où les députés débattent de la sortie de l’IVG du code pénal. Pas moins de sept propositions sont été déposées, émanant de tous les partis. Certaines visent à ramener l’avortement à un acte purement médical, ce qui aura pour conséquence en quelque sorte, de « faire sauter les barrières » qui canalisent cette pratique, encadrée par la loi Lallemand-Michielsens de 1990, portant sur une dépénalisation partielle. Surprise: hier la majorité fédérale annonçait qu’elle allait déposer un projet de loi, issu d’un compromis sans doute âprement négocié entre les partis de la coalition. Selon l’agence Belga, la proposition de loi sera prise en considération ce jeudi 6 juillet ou le 13 juillet.

Outre la sortie du Code pénal de faits prévus par la loi, le futur texte supprimerait la notion d’état de détresse de la femme exigé aujourd’hui pour recourir à une IVG, mais conserverait le délai de douze semaines pour recourir à l’acte, alors que certaines propositions soutenues par les milieux laïcs voudraient porter le délai à 18, voire 20 semaines. Dans la proposition que présenterait le gouvernement, le délai de réflexion de 6 jours, préalable à toute intervention, est conservé mais en cas de raison médicale urgente invoquée par la femme, on pourra prolonger de quelques jours le délai de 12 semaines de grossesse au-delà duquel l’avortement n’est plus autorisé. Enfin, le médecin qui refuse de pratiquer une IVG serait contraint de renvoyer sa patiente vers un confrère. A noter que si l’avortement est retiré du Code pénal, les sanctions à l’égard des actes réalisés hors respect des conditions sont maintenues.

Parallèlement, le ministre de la Justice Koen Geens déposera rapidement un projet de loi permettant la reconnaissance du foetus. Pour l’équipe Michel, il n’y a là aucun lien à y voir. La majorité espère que l’opposition se joindra à la proposition de la majorité.

Mise en garde des évêques et pétition

L’accord a déjà été critiqué par le recteur de l’ULB, Yvon Englert, qui avait été auditionné par la commission de la Justice de la Chambre. Il regrette que la majorité ne touche pas au délai de réflexion et de grossesse, qui conditionne le droit à l’avortement, jugeant que ce délai de réflexion (6 jours aujourd’hui) « doit relever du colloque singulier entre le médecin et sa patiente ». Yvon Englert propose aussi de porter à 20 semaines de grossesse pour recourir à l’avortement. Réaction immédiate du chef de groupe MR à la Chambre, David Clarinval: « Yvon Englert critique la proposition de loi visant à sortir l’IVG du code pénal, alors qu’il ne l’a pas lue ! »

Dans ce contexte, deux pétitions ont vu le jour dernièrement. La première initiative émane d’un collectif de citoyens et s’intitule « Lettre ouverte aux membres de la Chambre des représentants de Belgique concernant la détresse des femmes et jeunes filles confrontées à une grossesse non prévue ». On peut y lire notamment: « Nous pensons que le débat actuel ne pose pas la bonne question. Le fait de sortir ou non l’IVG du Code pénal ne nous semble pas la réponse adéquate à la seule vraie question : comment faire diminuer le nombre de femmes et jeunes filles en situation de détresse, c’est-à-dire comment aider les femmes et les jeunes filles à ne pas se trouver enceintes sans l’avoir voulu, et d’autre part, comment améliorer l’accueil, l’écoute et l’accompagnement des femmes et jeunes filles en détresse en raison d’une grossesse non prévue.« 

La deuxième pétition concerne plus particulièrement la menace que ferait peser la dépénalisation totale de l’IVG sur les soignants: comme  le soulignent les experts soutenant la pétition,  » si l’avortement venait à être considéré comme un acte médical – ainsi qualifié par une loi distincte ou parce qu’il serait réglé dans la loi relative aux droits des patients – et non plus comme une infraction dépénalisée dans certaines circonstances, la liberté des institutions de soins et la liberté de conscience des soignants seraient gravement mises en danger. » Cette pétition a déjà récolté les signatures des soignants mais aussi de tous les citoyens voulant protéger la clause de conscience du personnel soignant, confronté aux demandes d’avortements.

On ne peut en tous cas que regretter que le débat tourne à la cacophonie et prenne des allures de « gueguerre » entre majorité et opposition. Faut-il rappeler à nos élus que l’on parle ici de vie humaine. Personne dans ce débat n’a fait mention de cet élément qui doit primer sur tout. Personne non plus n’a aborder le cas de détresse que vivent nombre de femmes ayant eu recours à l’avortement. Ramener l’IVG à un acte purement médical, c’est nier la primauté de la vie.

Rappelons que le 15 juin dernier, dans un communiqué, les évêques de Belgique ont attiré l’attention sur le danger que représente selon eux, le retrait de l’avortement du Code pénal: « c’est prendre le risque d’en faire une intervention médicale anodine. Non seulement, dans les cas prévus par la loi, l’avortement ne sera plus considéré comme une infraction. Il deviendra un droit. Celui qui posera des questions ou refusera l’avortement devra se justifier. Cela vaut tant pour le médecin que pour la femme concernée. Même si on conserve la clause de liberté de conscience, elle sera de moins en moins invoquée. Car un acte médical requiert une décision médicale, et non pas tant une décision de conscience ». Et d’ajouter: « L’avortement n’ira jamais de soi. Même si on le supprime du Code pénal. Il ne deviendra jamais une ‘intervention’ ordinaire. Il ne sera jamais pratiqué de gaîté de cœur. Ce sera toujours un échec: il y aura toujours des perdants. Certes, en certaines circonstances, on peut se sentir perdu et désespéré. On se retrouve alors si seul, déboussolé. Une législation qui ferait de l’avortement une intervention ordinaire, fait très peu de cas du vécu, du ressenti des personnes. Pourquoi à ce moment-là demander aide et conseil? Les questions menacent de ne même plus être prises au sérieux. Ce qui ne fera qu’augmenter solitude et désarroi. »

Ref. Deux pétitions pour s’opposer à la dépénalisation totale de l’avortement

L’imputabilité d’un acte intrinsèquement mauvais est variable selon les circonstances, cela ne change rien à sa nature objectivement condamnable. On juge toujours des personnes. Autre chose est d’appeler le mal un bien.

JPSC

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