Changement de cap après une première attitude de soumission sans nuance qui a désorienté leurs fidèles : « les cultes » veulent maintenant « plus de dialogue et d’adaptation » écrit Nancy Goethals sur le site web interdiocésain cathobel . Une demande bien tardive des autorités religieuses a été faite le 20 janvier 2021 au ministre de la Justice de proportionner la norme d’accueil des fidèles (actuellement un numerus clausus de 15 personnes) à la taille des bâtiments (**). Ce revirement soudain demeure pour l'instant sans écho: dans sa réunion du 22 janvier, le comité interfédéral belge de lutte contre la pandémie de coronavirus a beaucoup parlé des coiffeurs, des salons de beauté et autres métiers «de contact» non médicaux mais n’a pas soufflé mot de la culture et, moins encore, des cultes sans doute assimilés à un sous-produit des divertissements culturels (JPSC) :
« Vendredi dernier, les représentants des différents cultes (*) ont adressé une lettre commune au ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne. L’initiative vient de la conférence épiscopale qui a estimé « qu’il ne servait à rien d’œuvrer tout seul », explique Mgr Harpigny, signataire de la lettre.
Les responsables des différents cultes se concertent régulièrement. Tommy Scholtes, le porte-parole de la conférence épiscopale, explique que cette lettre fait écho « aux réflexions entendues à droite et à gauche et aussi à nos propres convictions. J’avais déjà évoqué dans les médias à l’occasion de Noël que la norme de la proportionnalité de 1 personne pour 10 m² serait mieux reçue que la limitation à 15 personnes ». Pour rappel, cette norme avait été prise lors du déconfinement de l’été.
En décembre dernier, à l’appel des responsables des cultes, le Conseil d’Etat avait permis une légère ouverture, rendant les lieux de célébrations accessibles à 15 personnes. Cela permettait les mariages juifs et une assistance minimale pour les funérailles. Cependant, tous cultes confondus, les fidèles ont mal accepté cet arrêt qui ne tenait pas compte de la taille des lieux (églises, synagogues, mosquées…). « C’est pourquoi l’ensemble des chefs de culte a décidé de faire cette demande au ministre de la justice », explique Tommy Scholtes.
Renouer le dialogue
Certes, ils sont bien conscients qu’il faut avant tout préserver la santé. Les évêques rappellent d’ailleurs qu’ils ont été les premiers – avant même les autorités – à prendre des mesures pour les célébrations. Par ailleurs, Koen Geens, le ministre de la justice de l’époque avait pris contact avec les autorités religieuses pour dialoguer sur les mesures à prendre en fonction de l’évolution de la situation.
« Maintenant, la situation dure depuis des mois et il faut proposer quelque chose à long terme ». Mais, suite au changement de gouvernement, le dialogue n’a pas encore été réinstauré » , déplore Mgr Harpigny.
« En outre, relève Tommy Scholtes, les cultes sont, comme tels, rarement mentionnés dans les conférences de presse qui suivent les comités de concertation. Il nous a donc semblé important de rappeler que cette dimension essentielle [NDLR: les célébrations religieuses en communauté] de la vie citoyenne pour des millions de personnes en Belgique – si on met tous les cultes ensemble – soit aussi prise en compte. »
« Les gens sont tous atteints par cette crise même s’ils ne sont pas atteints physiquement par le virus. Mais il faut aussi reconnaître que nous ne pouvons pas dire aujourd’hui quelle sera la situation dans deux mois. Les responsables des cultes en sont très conscients. C’est pourquoi ils suivent l’actualité de très près et souhaitent entretenir un dialogue régulier avec le ministre de la justice qui est notre référent. »
Tommy Scholtes fait remarquer que les autorités consultent des virologues, médecins, économistes, sociologues… mais, actuellement, pas ceux qui s’occupent de la spiritualité. « Nous sommes très conscients et très responsables mais nous jugeons qu’il faut considérer la soif spirituelle comme aussi importante que la soif de protection et de guérison. » Et le père Scholtès poursuit: « Il ne s’agit pas de revendiquer une quelconque libération de contraintes – car il y en aura! Nous assumons pleinement le cadre et l’ensemble des autres mesures de protection sanitaires, masque, gel, désinfection régulière des lieux, etc; mais cette norme nous paraît pouvoir être mieux acceptée par l’ensemble des fidèles tout en leur permettant de se sentir en sécurité. »
Revenir à une norme « juste »
Le porte-parole de la conférence épiscopale explique: « Pour nous, l’idée est évidemment que la sécurité soit bien assurée tout en étant légèrement moins restrictifs pour les églises de grande superficie afin de pouvoir amener un peu plus de monde aux célébrations. Pour les églises de petites superficies cela ne changera pas grand-chose. »
Les évêques entendent bien la clameur des croyants qui ont du mal à comprendre ces mesures. « Beaucoup de gens rouspètent, relève Mgr Harpigny, et disent que les évêques ne font rien (alors que je ne me repose pas!, assure-t-il) ». Tommy Scholtes insiste pour dire que la demande exprimée dans cette lettre répond à celle de l’ensemble des pratiquants.
En effet, à côté des besoins économiques, sanitaires, sociologiques et psychologiques, il y a un réel « besoin spirituel qui doit être pris en compte et comblé » complète le père Scholtes. « Par cette lettre, les cultes souhaitent exprimer que des centaines de milliers – voire des millions – de personnes sont concernées concrètement. Ils veulent montrer que ces personnes existent (…) La réalité spirituelle des gens n’est pas à réduire à de la psychologie mais est une soif de se nourrir de la Parole de Dieu, ou du Coran pour les musulmans. »
A la question de la réaction du monde culturel qui voudrait pouvoir à nouveau accueillir des spectateurs, Tommy Scholtes précise: « Il n’est certainement pas question de concurrence. Tout dépend du contexte. Puisque les détails du protocole [NDLR: concernant la culture et les célébrations] sont complètement différents, je ne pense pas qu’il faille les comparer. » A chacun donc de faire la demande qui le concerne. Et de poursuivre: « Notre demande nous paraît être une attitude de bon sens qui respecte à la fois les normes dont nous avons besoin et qui permet d’aboutir à ce qui est possible. »
Car, effectivement, il va falloir vivre avec ce ou ces virus. Pour le porte-parole de la conférence épiscopale « il revient au ministre de la justice de nous rencontrer et de dialoguer ».
Mgr Harpigny s’étonne pour sa part « qu’on ne se base plus sur la constitution mais uniquement sur des considérations sanitaires ». Il comprend qu’il y ait eu une situation d’urgence au début mais, alors que la situation s’éternise, il juge nécessaire de prendre en considération l’aspect spirituel (qui fait partie d’un droit dans la Constitution, rappelle-t-il). Et il conclut: « les religieux soutiennent les décisions prises par l’Etat mais il ne faut pas oublier de prendre en compte la santé mentale, la souffrance des jeunes, etc. Quand cela dure depuis des mois, le virtuel ne suffit plus. Dans la foi chrétienne, la relation personnelle à Dieu ET la relation avec une communauté sont essentielles. »
L’évêque de Tournai note que même si de nombreux chrétiens rendent des services en ce temps de crise, cela ne suffit pas à les nourrir complètement. Il est confiant que le ministre Van Quickenborne semble avoir entendu l’appel des différents cultes. Ceux-ci attendent donc – sans tarder – une invitation de sa part à dialoguer, de manière régulière et à adapter la norme à la situation.
Nancy GOETHALS »
(*) Il s’agit des cultes catholique romain, protestant-évangélique, israélite, anglican, islamique et orthodoxe.
Ref. Les cultes veulent plus de dialogue et d’adaptation
(**) Voir aussi: Nombre de fidèles admis dans les lieux de culte : les cultes reconnus appellent au retour à une norme relative
Comme dirait La Fontaine : ils jurèrent, mais un peu tard, qu’on ne les y reprendrait plus ?
JPSC
Commentaires
Nos pasteurs semblent sortir de leur hibernation. Peut-être se rendent-ils comptent que les cathos, surtout les jeunes, commencent à la trouver longue.
Il faut maintenir la pression sur nos évêques et il faut continuer à prier pour une meilleure accessibilité des cultes.