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Humanae Vitae : audacieuse, prophétique et toujours plus pertinente

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Du site de la Nuova Bussola Quotidiana :

Humanae Vitae : audacieuse, prophétique et toujours plus pertinente

20-05-2023

Des relations sexuelles excluant les enfants aux enfants générés, ou plutôt "produits", excluant le sexe, à un avenir qui, à force de manipulations, fera disparaître non seulement la dualité homme-femme, mais l'homme lui-même. Seule une anthropologie intégrale nous sauvera de la dérive post-humaine : telle est la validité permanente de l'encyclique de Paul VI, selon les mots du cardinal Ladaria Ferrer.

Nous publions Humanae Vitae comme une encyclique audacieuse et prophétique. Le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer, qui s'est exprimé lors de la conférence "Le corps est à moi", en a souligné l'importance aujourd'hui. Humanae Vitae, l'audace d'une encyclique sur la sexualité et la procréation organisée par la Chaire internationale de bioéthique Jérôme Lejeune (Rome, 19-20 mai). 

Salutations aux participants

Je tiens à saluer cordialement la présidente de la Fondation en Espagne, le Dr. Mónica López Barahona, et à la remercier pour l'invitation à participer à ce congrès international consacré à Humanae Vitae, organisé par la Chaire internationale de bioéthique Jérôme Lejeune. Je salue également tous les participants et leur souhaite un bon séjour à Rome.

Introduction

L'encyclique Humanae Vitae aborde les questions de la sexualité, de l'amour et de la vie, qui sont intimement liées. Ce sont des questions qui touchent tous les êtres humains, à toutes les époques. C'est pourquoi son message est toujours valable et pertinent aujourd'hui. Le pape Benoît XVI l'a exprimé en ces termes : "Ce qui était vrai hier reste vrai aujourd'hui. La vérité exprimée dans Humanae Vitae ne change pas ; au contraire, précisément à la lumière des nouvelles découvertes scientifiques, son enseignement devient plus actuel et provoque une réflexion sur sa valeur intrinsèque" (Discours aux participants au congrès international sur le 40e anniversaire de l'encyclique Humanae Vitae, 10 mai 2008).

Le pape François lui-même nous a invités, dans son exhortation post-synodale Amoris Laetitia, à revenir en arrière et à redécouvrir "le message de l'encyclique Humanae Vitae de Paul VI" (n° 82), comme une doctrine non seulement à préserver, mais qu'il nous est proposé de vivre. Une norme qui transcende la sphère de l'amour conjugal et constitue un point de référence pour vivre la vérité du langage de l'amour dans toutes les relations interpersonnelles.

L'audace d'Humanae Vitae

On a insisté sur l'audace de Paul VI qui a résisté aux pressions pour approuver l'utilisation des contraceptifs hormonaux dans les relations sexuelles au sein du mariage catholique. Toutefois, à mon humble avis, la véritable audace de l'encyclique est bien plus profonde. Elle est de nature anthropologique, et c'est en ce sens que cette encyclique peut nous aider aujourd'hui à relever les défis anthropologiques auxquels notre société est confrontée.

En répondant au problème de l'utilisation des contraceptifs, l'encyclique situe son jugement moral dans une large perspective anthropologique, avec une vision intégrale de l'homme et de sa vocation divine (cf. n. 7). L'encyclique fonde sa doctrine sur la vérité de l'acte d'amour conjugal dans le "lien inséparable, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son propre chef, entre les deux significations de l'acte conjugal : la signification unitive et la signification procréative" (n. 12). Sur cette base, elle s'oppose à l'anthropologie dominante qui considère l'être humain comme un constructeur de sens en vertu de ses actes. Dans le domaine de la sexualité, cela se traduit par l'affirmation que l'homme ne peut se limiter à être un sujet passif des lois de son corps, mais que c'est lui-même qui donne un sens à sa sexualité. C'est l'anthropologie qui place la liberté avant la nature, comme s'il s'agissait de deux éléments inconciliables. Paul VI avertit cependant qu'avant la liberté, il y a certaines significations, que l'homme peut saisir grâce à la raison, et qu'il n'a pas choisies, qui règlent et orientent son comportement. Si l'homme est capable de reconnaître et d'interpréter les sens unitif et procréatif de l'acte conjugal, il réalisera correctement sa propre existence, en la portant à sa plénitude. Selon l'encyclique, la nature n'est pas en tension avec la liberté, au contraire, elle confère à la liberté les significations qui rendent possible la vérité de l'acte conjugal d'amour et permettent sa pleine réalisation. C'est là, à mon avis, la véritable audace d'Humanae Vitae, qui donne à l'encyclique son actualité radicale.

Rejeter l'encyclique n'implique pas seulement d'accepter la morale de la contraception, mais d'assumer une anthropologie dualiste qui voit dans la nature une menace pour la liberté, et qui pense pouvoir changer les conditions de vérité de l'acte conjugal en manipulant le corps. La possibilité d'un amour qui prévoit le sexe mais pas les enfants dérive en fait d'un sexe sans amour, qui a non seulement produit une banalisation de la sexualité humaine, mais a également provoqué une transformation de la compréhension de ce qu'est l'intimité sexuelle et de ce que sont les relations sexuelles, au niveau social.

C'est la seule façon d'expliquer l'incapacité des sociétés occidentales actuelles à reconnaître les différences morales entre l'union sexuelle d'un homme et d'une femme et l'union sexuelle entre deux personnes du même sexe. Si c'est à la personne de donner un sens à sa sexualité, par ses actes libres, alors il n'y a pas de problème à admettre, par exemple, des relations sexuelles entre personnes de même sexe, puisque la seule chose qui compte est que cette "union affective" soit libre et consentie. Ainsi, selon cette perspective, c'est la liberté qui détermine la vérité de l'acte. Il n'est pas jugé nécessaire que l'acte humain, en l'occurrence l'acte d'amour conjugal, réponde à un sens préexistant, naturel ou établi par Dieu, mais seulement qu'il s'agisse d'un acte libre. L'encyclique s'oppose à cette anthropologie et anticipe les problèmes qui en découlent avec une vision prophétique (n° 17).

L'aspect prophétique d'Humanae Vitae : le corps comme problème

Le rejet de l'encyclique n'a pas seulement affecté la vision de l'amour et de la sexualité, mais aussi la perception de son propre corps. L'anthropologie contraceptive est une anthropologie dualiste qui tend à considérer le corps comme une marchandise instrumentale et non comme une réalité personnelle. La phrase qui donne son titre à cette conférence, "Mon corps m'appartient", résume ce caractère instrumental du corps, ce dualisme qui réduit le corps à une simple matérialité et donc à un objet susceptible d'être manipulé.

Cette réification du corps suppose non seulement la perte de la vérité de l'amour humain et de la famille, mais a généré une baisse alarmante des naissances et une augmentation du nombre d'avortements. Du rejet des deux sens, revendiquant la réduction de la natalité par l'utilisation de contraceptifs, s'est développée la manipulation artificielle de la transmission de la vie, à travers les techniques de procréation assistée. On a d'abord accepté une sexualité sans enfant, puis la production d'enfants sans acte sexuel. La vie, une fois fabriquée, n'est plus considérée comme un "don" en soi, mais comme un "produit" auquel on attribue une valeur en fonction de son utilité. Cette utilité, mesurée par des fonctions concrètes, est ce que l'on appelle aujourd'hui la "qualité de la vie". La qualité de la vie est ainsi transformée en un concept discriminant entre les vies dignes et les vies indignes d'être vécues, qui peuvent donc être supprimées : avortements eugéniques, suppression des handicapés, euthanasie des malades en phase terminale, etc. Tout cela est édulcoré par une certaine "compassion" envers ceux qui sont dans cette situation (éliminer la personne malade), compassion envers leurs familles et envers une société qui se débarrassera des coûts inutiles (cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Samaritanus Bonus sur les soins aux personnes en phase critique et terminale, 22 septembre 2020).

Cette manipulation du corps, caractéristique du relativisme moral et présente dans l'anthropologie contraceptive, se retrouve dans deux idéologies actuelles : l'idéologie du genre et le transhumanisme. Toutes deux partent du principe qu'il n'y a pas de vérité qui puisse limiter l'implantation de leurs postulats idéologiques. Une fois de plus, la liberté est opposée à la nature. Cette exaltation de la liberté, sans lien avec la vérité, conduit les deux idéologies à présenter le désir et la volonté comme les garants ultimes des décisions humaines. C'est pourquoi la phrase "Le corps est à moi" se poursuit : "...et avec lui je fais ce que je veux". Ce que je veux" exprime le désir seul comme garant de la décision morale. Mais c'est précisément son propre corps qui apparaît comme un obstacle, une limite, à la réalisation du désir.

Si l'idéologie du genre exige que les personnes construisent socialement leur propre sexe, sur la base d'une supposée neutralité sexuelle, elle doit alors nier une vérité anthropologique fondamentale telle que le dimorphisme sexuel (mâle et femelle) propre à l'espèce humaine. L'idéologie du genre nie donc que l'identité d'une personne soit liée à son corps biologique : une personne ne s'identifie pas à son corps (sexe), mais à son orientation. Toute relation au genre binaire est effacée pour proclamer la diversité sexuelle.

De même, dans le transhumanisme, la personne est réduite à son esprit, ou plutôt à ses connexions neuronales comme fondement de sa singularité. La singularité est désormais l'essence de la personne, sans le corps qui l'identifie et qui peut être transféré dans un autre corps humain, un corps animal, un cyborg ou un simple fichier.

L'idéologie du genre et le transhumanisme sont des manifestations de cette anthropologie - rejetée par Humanae Vitae - qui nie au corps sa dimension personnelle, le réduisant à un simple objet manipulable. L'identité culturelle, sociale et juridique de la personne ne serait pas intrinsèquement liée à sa masculinité ou à sa féminité. L'identité personnelle serait désormais fondée sur l'orientation, c'est-à-dire sans rapport avec son propre corps et sans rapport avec le corps de "l'autre", du sexe opposé. C'est une anthropologie qui a séparé la vocation à l'amour de la vocation à la fécondité. En ce sens, il s'agit fondamentalement d'une anthropologie a-historique, qui ne recherche que le moment présent, une anthropologie du carpe diem.

Dans cette anthropologie, le cyborg apparaît comme sa pleine réalisation. C'est par le cyborg que s'accomplira la véritable émancipation biologique :

1. parce qu'il rendra possible la construction du corps et du sexe par la biotechnologie ;

2. parce que le cyborg rend possible un monde sans reproduction sexuelle humaine, un monde sans maternité : le rêve du féminisme radical.

Le cyborg projette l'idéologie du genre vers un avenir post-genre, et le transhumanisme vise, à travers le cyborg, à ce que cet avenir soit post-humain.

La seule réponse possible face à ces idéologies passe par la redécouverte d'une anthropologie intégrale de la personne, comme le proposait Humanae Vitae, en tant qu'unité du corps et de l'âme ; une anthropologie capable de comprendre la plénitude et la liberté intégrées à la nature humaine. Ce n'est qu'ainsi que l'être humain peut être lui-même. Benoît XVI l'a exprimé ainsi dans son encyclique Deus Caritas Est : "L'homme devient vraiment lui-même lorsque le corps et l'âme se trouvent dans une unité intime [...] c'est l'homme, la personne, qui aime en tant que créature unitaire, dont le corps et l'âme font partie. Ce n'est que lorsque les deux se fondent vraiment dans l'unité que l'homme devient pleinement lui-même" (n. 5).

Conclusion

Déjà Jean-Paul II avait souligné, à l'occasion du 20e anniversaire de la promulgation de l'encyclique Humanae Vitae, son caractère prophétique : "les années qui ont suivi l'encyclique, disait Jean-Paul II, malgré la persistance de critiques injustifiées et de silences inacceptables, ont pu montrer avec une clarté croissante combien le document de Paul VI était non seulement toujours d'une vive actualité, mais même riche de signification prophétique" (Discours aux représentants des conférences épiscopales à l'occasion du 20e anniversaire d'Humanae Vitae, le 7 novembre 1988).

La signification prophétique de l'encyclique est fondée sur la vision anthropologique intégrale de ce que signifie la vérité de l'amour, de la sexualité et de la vie. Une anthropologie intégrale qui, d'une part, rejette le réductionnisme biologique du transhumanisme et, d'autre part, la négation du corps typique de l'idéologie du genre. L'encyclique reste valable parce qu'elle est la réponse correcte du magistère aux anthropologies dualistes qui visent à instrumentaliser le corps et qui ne représentent pas de nouveaux humanismes post-modernes et séculiers, mais d'authentiques anti-humanismes. L'encyclique nous propose une anthropologie de la totalité de la personne, une anthropologie capable de conjuguer liberté et nature.

Aujourd'hui, d'ailleurs, ce que l'encyclique avait déjà annoncé se réalise : "On peut prévoir que cet enseignement ne sera peut-être pas facilement accepté par tous : il y a trop de voix, amplifiées par les moyens modernes de propagande, qui s'opposent à celle de l'Église. À vrai dire, l'Église ne s'étonne pas d'être transformée, à l'image de son divin Fondateur, en "signe de contradiction", mais elle ne renonce pas pour autant à proclamer avec une humble fermeté toute la loi morale, naturelle et évangélique" (Humanae Vitae, n. 18). Nous aussi, dans le monde où nous vivons, nous sommes appelés à être un "signe de contradiction" en proclamant avec humilité et fermeté la vérité de l'être humain, de l'amour, de la sexualité et de la vie.

J'espère que ce congrès contribuera à témoigner de cette vérité. Je vous remercie.

* Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi

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