Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Le pape François et la liturgie : navigation par brouillard

    IMPRIMER

    Lu dans le mensuel « La Nef » d’avril 2022 :

    Amar-2022©DR-620x330.jpg« L’abbé Pierre Amar, prêtre du diocèse de Versailles, nous livre ses réflexions sur l’actualité du monde « tradi » qu’il connaît bien, après le décret confirmant la Fraternité Saint-Pierre dans son usage des livres liturgiques de 1962, et en attendant de nouvelles précisions de Rome annoncées …pour fin mars.

    La Nef – La question liturgique continue de nous occuper en ce moment…

    Abbé Pierre Amar – Oui, voilà une vieille histoire, avec un lourd passif dans notre pays ces 60 dernières années. Prenez, par exemple, la figure émergente du moment chez les catholiques qui pensent : François Sureau. Il vient d’être reçu, en grande pompe, sous la Coupole. Voici ce que cet émigré liturgique disait au journal La Vie, le 15 juin 2020 : « Je vais à la messe chez les melkites [l’Église grecque catholique de rite byzantin, ndlr] parce que je trouve leur liturgie incomparable et leur ecclésiologie plus convaincante : nulle dinguerie autour de la figure du prêtre que Vatican II a installé au centre du dispositif alors même que sa prétention, au moins apparente, était de mettre fin au cléricalisme. Les tempéraments sont divers et le mien est mieux accordé à la tradition orientale, plus incarnée, plus spirituelle et plus ascétique tout en étant moins moralisatrice et pessimiste que le catholicisme tel que l’Occident le pratique. »

    C’est vraiment à tous les niveaux que l’on retrouve les affres de cette guerre liturgique fratricide, pour reprendre des propos du Père Abbé de Fontgombault. Nous en sommes tous, d’une manière ou d’une autre, les héritiers et les victimes.

    Que vous inspire l’enchaînement des récentes décisions romaines ?

    Tout le monde s’accorde pour dire que le « feuilleton tradi » n’en finit pas. Il est vrai que les connaisseurs du dossier peinent à le suivre, tant les semaines véhiculent des signaux contradictoires. Pour faire court, il y a eu la première surprise du Motu proprio Traditionis custodes. Puis le coup d’assommoir avec les Responsa de Mgr Roche. Et enfin, la main tendue – paternelle et bienveillante – avec le décret pontifical en faveur de la Fraternité Saint-Pierre. Il ne règle pas tout, loin de là, mais c’est une surprise et un véritable soulagement. Quant à nos évêques, dont la mission au quotidien n’est pas une sinécure, il leur faut désormais éviter les généralisations (tous les « tradis » ne sont pas à mettre dans le même sac) et continuer d’avancer sur cette question complexe.

    Était-ce une tentative de certains pour éradiquer la liturgie ancienne ?

    Liquider l’affaire une bonne fois pour toutes est une vieille tentation. Mais je pense que c’est impossible. Car on parle ici de personnes, de familles, d’une « pâte humaine », une subjectivité délicate à appréhender où s’entremêlent des considérations spirituelles, psychologiques, cul­turelles, politiques, esthétiques, historiques… et j’en oublie sûrement ! D’ailleurs, les querelles liturgiques sont souvent la source de grandes violences. La première dispute après le péché originel n’est-elle pas, justement, une dispute liturgique : celle de Caïn et Abel ? En ce domaine, et pour éviter de nouvelles blessures, il vaut mieux être trop bon que pas assez. Même avec ce tradiland qui ne fait pas toujours ce qu’il faut pour se faire aimer…

    Que voulez-vous dire ?

    L’œuvre de réconciliation patiemment entreprise depuis plus de 30 ans par les deux papes précédents est menacée. Ici et là, on entend des voix qui semblent n’avoir qu’une envie : en découdre et s’entredévorer à nouveau, comme dans les années 70. Par exemple, ces propos d’un prêtre de l’Institut du Bon Pasteur au journal Présent, en janvier dernier, sont scandaleux et empêchent tout dialogue : « Je suis de ceux qui pensent que notre refus absolu de la messe de Paul VI […] est théologal, théologique, dogmatique et moral. Absolu, quoi ! » Dans un autre style, la tribune d’un évêque émérite dans La Croix fin décembre 2021, où il évoque en généralisant « la violence réactionnaire d’un combat d’arrière-garde » est tout aussi injuste. Elle laisse entrevoir une certaine amertume devant un mouvement qui se développe modestement et dont la moyenne d’âge est jeune. Tout le monde doit faire un effort pour dépasser ces dialectiques.

    Lire la suite

  • La fin de la chrétienté (Chantal Delsol)

    IMPRIMER

    De la Chaîne officielle TVLibertés :

    La philosophe, Chantal Delsol, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, vient de publier un essai décapant : "La fin de la chrétienté". Elle met ici en évidence le processus plusieurs fois séculaire qui a conduit à la disparition quasi complète de ce qui fut la civilisation chrétienne, par nature difficilement conciliable avec la modernité. Ou l'impossible conciliation entre "l'emprise légitime de l'Eglise sur la société si elle veut accomplir sa mission apostolique" et la conception moderne de la liberté. Chantal Delsol est interrogée par Jean-Pierre Maugendre.

  • Ce que disent aujourd'hui les amis de la Russie en France

    IMPRIMER
    Enquête 

    En France, certains politiques, universitaires et religieux défendent depuis longtemps la Russie de Vladimir Poutine. La Croix a voulu savoir si leurs discours avaient changé depuis l’agression militaire de l’Ukraine le 24 février 2022. 

    Condamner la guerre en Ukraine, sans renier ses liens passés, c’est l’exercice d’équilibre auquel se livre l’évêque de Bayonne, Mgr Marc Aillet, sur Radio Présence le 21 mars 2022. « Je n’ai pas une perception autorisée de cette guerre, commence l’évêque, prudent. Je suis au courant par les médias qui relaient un certain nombre d’images, un certain nombre d’analyses, de tractations, et je n’ai pas assez de recul pour comprendre ce qui se passe… » Vraiment, près d’un mois après le début des opérations russes ? L’évêque de Bayonne, qui n’a pas souhaité répondre à La Croix, s’était rendu à Moscou en avril 2014 à la tête d’une petite délégation de catholiques soucieux de la « protection de la morale chrétienne ».

    → RELIRE. Mgr Aillet explique les raisons de son voyage d’études en Russie

    Vladimir Poutine, alors en mal de soutiens internationaux, venait d’envahir la Crimée et commençait à discrètement armer les milices indépendantistes du Donbass. Huit ans plus tard, la Russie – « l’un des rares pays du monde chrétien engagé sur la protection des lois naturelles du développement de la personne humaine », selon la délégation – est violemment sortie de l’ambiguïté. Mais sur Radio Présence, pas de condamnation explicite de l’agression russe. Mgr Aillet regrette seulement «l’impact (des combats) sur les sociétés civiles ».

    « La Russie reste sur une voie intéressante »

    À quelques exceptions près, les élites prorusses françaises contactées par La Croix n’ont pas changé de discours depuis le 24 février. Elles font simplement le gros dos en attendant une résolution du conflit, ou à défaut une accalmie. Oui, reconnaissent-elles, la guerre en Ukraine est tragique, mais les bombardements ne sauraient invalider leurs thèses. «On regrette que des gens meurent, affirme Alain Escada, président de l’association intégriste Civitas, mais avec ses efforts de redressement de la politique familiale et de la christianisation, la Russie reste sur une voie intéressante. »

    « La guerre a rendu très peu audibles nos idées de rapprochements, mais je me projette sur le temps long, anticipe l’avocat médiatique Pierre Gentillet, fondateur du cercle Pouchkine. On a intérêt à discuter avec la Russie et ça reste légitime. » « On jugera plus tard, Poutine a peut-être des infos qu’on n’a pas », imagine le parlementaire RN Thierry Mariani. « Tout le problème, ce sont les États-Unis », pense, comme avant le conflit, le juriste Philippe Arnon, rédacteur pour le site Boulevard Voltaire. L’extrême droite à l’unisson.

    « L’invasion de Kiev, c’est un mythe »

    La perception de la Russie, globalement méconnue en France, a toujours été pétrie de préjugés, explique l’historien Yves Hamant, spécialiste en études russes et soviétiques : «Pour beaucoup de Français, la Russie est une espèce de page blanche sur laquelle on peut écrire ce que l’on veut. À l’époque de la guerre froide, c’est “le paradis du prolétariat”. Aujourd’hui, certains catholiques la voient comme “la citadelle de la chrétienté”. Plus largement, à droite, on y projette des valeurs romantiques un peu kitsch : c’est “la Sainte Russie”, “l’âme russe”, “l’âme slave”… »

    Lire la suite

  • Visite papale : l'île de Malte souffre d'une énorme indifférence à l'égard de la foi

    IMPRIMER

    De Courtney Mares sur le National Catholic Register :

    Face à la baisse de la fréquentation des messes, les catholiques de Malte espèrent que la visite du pape revitalisera la foi.

    La visite du pape François intervient juste avant la première semaine sainte en deux ans au cours de laquelle les églises catholiques seront ouvertes au public pour les liturgies.

    31 mars 2022

    La petite nation insulaire méditerranéenne de Malte fait remonter ses racines catholiques à près de 2 000 ans. Mais avec la baisse récente de la fréquentation des églises, les dirigeants catholiques locaux espèrent que la visite du pape François ce week-end aidera à revigorer sa foi vivante.

    Plus de 85 % de la population maltaise sont des catholiques baptisés, selon les statistiques publiées par le Vatican le 29 mars. Pourtant, la participation hebdomadaire à la messe dans ce pays traditionnellement catholique n'a cessé de diminuer au cours des 50 dernières années.

    Selon le père Alan Joseph Adami, prêtre dominicain de Malte, son pays d'origine a connu d'importants changements sociaux et politiques au cours de la dernière décennie, qui révèlent l'évolution de la place de l'Église catholique dans la société.

    "Depuis la dernière visite d'un pape en 2010, par le pape Benoît XVI, l'île a beaucoup changé, radicalement vraiment", a déclaré Adami dans une interview avec CNA le 29 mars.

    "Il y a eu plusieurs nouvelles lois laïques qui ont été introduites et cela a introduit un coin entre ces valeurs qui sont détenues par la société collectivement, la majorité, et les vues de l'Église et ses valeurs."

    Le gouvernement de Malte a légalisé le divorce sans faute en 2011, le mariage homosexuel en 2017 et la congélation d'embryons en 2018.

    Et si le gouvernement maltais reste le seul pays de l'Union européenne à interdire totalement l'avortement, le gouvernement travailliste récemment réélu s'est engagé à lancer une discussion nationale sur la légalisation de l'euthanasie.

    M. Adami a expliqué que, par le passé, l'Église catholique de Malte tenait pour acquis que le peuple maltais partageait ses valeurs concernant la famille, la vie et la dignité humaine.

    "Dans le contexte maltais, il n'y a jamais eu de séparation stricte entre l'État et l'Église, comme c'est le cas en France ou en Italie", a expliqué M. Adami.

    Mais en l'espace d'une décennie seulement, la société maltaise a changé très rapidement.

    "L'Église doit trouver une nouvelle façon de vivre et de proclamer l'Évangile dans ce nouveau contexte", a déclaré le prêtre.

    "L'île souffre d'une énorme indifférence à l'égard de la foi qui est devenue tellement identique à la culture qu'elle n'est plus discernable dans les fruits qu'elle produit", a-t-il ajouté.

    "Il est très difficile de voir quels sont les fruits de la vie chrétienne à Malte en 2022, car elle devient tellement mélangée aux activités culturelles."

    C'est une nouvelle phase dans la longue histoire catholique de Malte, qui a des racines apostoliques.

    Le pape François a repris une ligne du livre des Actes pour le thème de son voyage des 2 et 3 avril en République de Malte : "Ils nous ont montré une bonté inhabituelle" (Actes 28, 2).

    Le pape prévoit de se rendre à la grotte de Saint-Paul à Rabat pour prier dans la matinée du 3 avril. Selon la tradition, la grotte est le lieu où l'apôtre Paul a vécu et prêché pendant son séjour de trois mois sur l'île de Malte en 60 après Jésus-Christ.

    Le père Adami a expliqué que l'héritage chrétien de Malte se reflète même dans sa langue, le maltais, qui est une langue sémitique qui préserve linguistiquement d'anciens mots sémitiques chrétiens qui ont été perdus ailleurs dans le monde arabophone.

    "Pendant la conquête arabe de l'île, certains diraient que le christianisme a été éradiqué, effacé de l'île. Cependant, certains noms arabes chrétiens qui ont survécu jusqu'à ce jour attestent d'une sorte de continuation du christianisme sur l'île", a déclaré M. Adami.

    Au cours de sa longue histoire, Malte a été conquise par les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Byzantins et les Arabes. Les Chevaliers hospitaliers de Saint-Jean, aujourd'hui souvent désignés sous le nom d'Ordre de Malte, étaient basés à Malte de 1530 jusqu'à l'invasion de Napoléon en 1798. L'île a également été sous domination coloniale britannique de 1813 à 1964.

    Lire la suite

  • Yémen : sept ans d'une guerre désastreuse qui ne mobilise pas l'opinion

    IMPRIMER

    De Philippe Oswald sur La Sélection du Jour :

    Sept ans de guerre au Yémen, un désastre qui ne mobilise pas l’opinion

    Selon l'ONU, la famine provoquée par la guerre au Yémen comptera parmi les pires que l'humanité aura connues depuis un siècle. Née d’un conflit tribal et religieux (sunnites contre chiites), la guerre s’est très tôt internationalisée avec l’intervention d’une coalition dirigée par l'Arabie Saoudite pour contrer la rébellion soutenue par l’Iran. Les bombardements de la capitale Sanaa, tombée aux mains des rebelles houthistes en 2014, ont débuté le 26 mars 2015. Sept ans plus tard, malgré un bilan exorbitant de 380 000 morts, en majorité victimes de la faim, de maladies et du manque d’eau potable aggravés par le blocus naval et aérien qu’exerce la coalition, l’opinion internationale est peu mobilisée. La guerre en Ukraine et la crise sanitaire du Covid-19 occupent le champ médiatique.

    « Nous voyons déjà des enfants tellement déshydratés qu’ils ne peuvent même plus pleurer », témoigne depuis Sanaa pour La Croix (en lien ci-dessous) Sukaina Sharafuddin, humanitaire de l’ONG Save the Children. Elle est sans illusion : pour elle, la situation ne peut qu’empirer. La guerre éclair que croyait lancer l’Arabie saoudite avec l’appui d’une coalition de neuf pays soutenue et armée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, s’est enlisée face à la détermination des rebelles houthistes soutenus par l’Iran. Aujourd’hui, la coalition s’est étiolée. L’Arabie saoudite n’est directement épaulée que par les Émirats arabes unis (EAU), surnommés la « petite Sparte », particulièrement aidée par la France (un accord de défense lie les deux pays depuis 1995 ; les EAU sont le cinquième client le plus important de l’industrie d’armement française). Mais l’ardeur militaire des EAU leur a valu trois attaques en janvier contre des installations pétrolières et l’aéroport de la capitale, Abu Dhabi, malgré la présence protectrice de bases française et américaine sur leur sol.

    Non seulement les combattants houthistes tiennent toujours la capitale du Yémen et le nord du pays, mais ils lancent d’humiliantes attaques en territoires saoudien et émirien, touchant avec des drones et des missiles fournis par l’Iran des cibles stratégiques (la dernière attaque en date, le 25 mars, a frappé une raffinerie du pétrolier Aramco à Jeddah). Riyad et les EAU répliquent en intensifiant les bombardements et en armant des milices loyalistes. Sous la pression de l’Arabie saoudite, le groupe d’experts chargés en 2017 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU d’enquêter sur les atrocités commises de part et d’autre, n’a pas été renouvelé en octobre dernier. Depuis, les « dégâts collatéraux » dans la population ont redoublé, notamment à Sanaa où se concentrent 60% de la population, et à Saada, fief des houthistes dans le nord du pays.

    Les organisations humanitaires relancent leurs cris d’alarme au vu des conséquences de la guerre en Ukraine. Non seulement celle-ci détourne le peu d’attention que l’opinion internationale portait au Yémen, mais elle capte l’essentiel des dons alors que la crise du blé, qui va frapper particulièrement l’Afrique, ne peut qu’aggraver la famine dont souffrent déjà 23 millions de Yéménites.

    Pour aller plus loin :

    Au Yémen, sept ans d’une « guerre ignorée »

    >>> Lire l'article sur : La Croix