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Troubles et divisions dans l’Église

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Lu cet éditorial de la revue mensuelle « La Nef » de février 2024 :

 « La Déclaration portant sur la bénédiction des « couples en situation irrégulière » a fait couler beaucoup d’encre. Pire, elle a semé troubles et divisions dans l’Église, créant une situation sans beaucoup de précédents. Ce qui ne laisse pas de nous étonner – et nous attriste –, c’est, face à ces réactions honnêtes venues d’une large partie du troupeau, la désinvolture qui semble régner en maître à la tête de l’Église.

La déclaration du Dicastère pour la Doctrine de la foi, Fiducia supplicans, « sur la signification pastorale des bénédictions », publiée le 18 décembre dernier, a choqué un grand nombre de chrétiens et ne cesse, depuis, de semer un trouble certain dans l’Église, malgré les précisions du 4 janvier de ce même Dicastère qui n’éclairent pas grand-chose. Jamais un texte romain n’avait soulevé une telle opposition, particulièrement de nombreux évêques et de conférences épiscopales entières.

Bergoglio images (28).jpgOn sait que le pape François porte en lui le souci d’aller aux « périphéries existentielles », afin de toucher les âmes éloignées du message évangélique. Quand on observe la sociologie du catholicisme français, dont les forces vives résident aujourd’hui principalement dans une bourgeoisie relativement aisée – honneur à elle d’avoir su conserver le flambeau et le transmettre –, on comprend l’urgence de s’adresser aux classes populaires et à cette « France périphérique » si délaissée par nos élites parisiennes. Il est en effet anormal que l’Église, qui honore tant la figure du pauvre, ne parvienne pas en France à toucher davantage les milieux les plus défavorisés, exception faite, il est vrai, de nombreux Antillais et Africains catholiques particulièrement fervents.

Corollaire de ce souci, le pape veut manifester l’amour inconditionnel de Dieu pour chaque homme, et ainsi donner la priorité au témoignage d’amour et de miséricorde de Dieu pour tous, et plus particulièrement pour les pécheurs – que nous sommes tous – comme le Christ en a lui-même montré l’exemple. Cette double préoccupation nous semble prophétique dans un monde qui a largement rejeté Dieu – ainsi beaucoup de nos contemporains sont indifférents à la question religieuse plus par ignorance que par une hostilité consciente et raisonnée envers le christianisme.

Amour, miséricorde et vérité

Dans l’Évangile, néanmoins, l’amour et la miséricorde infinis du Christ touchent le pécheur, mais jamais pour le conforter dans le péché, toujours pour l’en délivrer et le conduire vers une voie de sainteté. Approcher le pécheur avec amour et miséricorde est nécessaire, mais est-ce amour et miséricorde que de ne pas lui expliquer son péché ? La vérité n’est-elle pas la première des charités ? Et le monde lui-même, n’attend-il pas de l’Église cette parole de vérité ?

Or, si de bons théologiens peuvent sauver la rectitude doctrinale de Fiducia supplicans au prix de subtiles arguties, il est clair que le commun des mortels comme les grands médias ont compris que, dé­sormais, l’Église permettait la bénédiction des « couples homosexuels » ou « divorcés remariés », leur conférant ainsi une légitimité de fait. Car la grande faiblesse de ce texte est son ambiguïté, son manque de clarté pourtant indispensable sur un sujet aussi controversé. Certes, la déclaration romaine affirme la stricte continuité de la doctrine catholique sur le mariage, mais n’explique pas deux points fondamentaux : comment passe-t-on d’une bénédiction de personnes homosexuelles ou divorcées remariées (qui se pratique déjà et ne pose aucun problème, nul besoin d’un texte pour cela) à une bénédiction du « couple » en tant que tel ? Et comment définir la différence entre une « union », qu’il n’est pas possible de bénir quand elle est irrégulière, et un « couple », tout aussi irrégulier, qui pourrait recevoir, lui, cette bénédiction ?

Ambiguïté et désinvolture

En n’ayant pas répondu à ces deux questions clés, Rome entretient une ambiguïté délétère qui sème troubles et divisions dans l’Église. Et c’est là sans doute le plus choquant : malgré le désarroi d’un grand nombre, bien que cette problématique ne concerne dans les faits que l’Occident déchristianisé, Rome n’explicite pas davantage son propos, et poursuit ainsi sa route avec une désinvolture désarmante, malgré les dégâts occasionnés, révélant au passage une certaine condescendance envers les Africains qui ne seraient pas encore parvenus au niveau de sophistication de la culture occidentale pro-LGBT. François, qui impose ses vues particulières avec autoritarisme (loin de l’esprit « synodal »), semble se moquer de ses opposants lorsqu’il affirme que, « dans la plupart des cas, quand on n’accepte pas les décisions, c’est parce que l’on ne connaît pas » (1), comme si ceux qui critiquent Fiducia supplicans ne l’avaient pas lue et n’y avaient pas réfléchi. Cette désinvolture à la tête de l’Église est une pratique qui nous attriste. C’était déjà le cas avec Amoris laetitia (2016), lorsque le pape a refusé de répondre aux dubia de quatre cardinaux, ou encore avec Traditionis custodes (2021), qui punit sévèrement toute une mouvance dynamique pour la déviance d’une minorité. De telles attitudes sont difficilement compréhensibles, alors que le pape est notre père, gardien de l’unité (Jn 17, 21) et chargé d’affermir la foi des fidèles (Lc 22, 32) »

Christophe Geffroy

(1) Cité par Jean-Marie Guénois, site du Figaro, le 4 janvier 2024.

 

 Bref, on conclut sans conclure :

« Rome entretient une ambiguïté délétère qui sème troubles et divisions dans l’Église. De telles attitudes sont difficilement compréhensibles, alors que le pape est notre père, gardien de l’unité (Jn 17, 21) et chargé d’affermir la foi des fidèles (Lc 22, 32) »

 Mais alors ? (NdRed).

Commentaires

  • La désinvolture consiste à donner à croire ou à laisser entendre que la condition chrétienne est sans conditions, or c'est complètement faux : la condition chrétienne n'est pas sans conditions, dans la mesure où l'on est chrétien à condition de commencer puis de continuer, ou de recommencer à croire et à vivre, un tant soit peu durablement et profondément, dans le respect des conditions de foi chrétienne et de vie chrétienne qui sont prescrites par l'Écriture et par la Tradition, en vue de la communion avec l'Amour et la Lumière de Dieu.

    Voici une autre manière de dire la même chose : la religion chrétienne est la religion de la Parole, de la Parole de Dieu, et non une religion de la conscience, de la conscience de l'homme, ni une religion du devenir, du devenir du monde.

    Même si l'amour de Dieu pour l'homme est infini, il n'est pas inconditionnel, dans la mesure où il n'est pas dépourvu de "code de bonne conduite chrétienne" adressé par Dieu à l'homme, de par l'amour de Dieu pour l'homme, et surtout il n'est pas à penser et à vivre, dans le coeur et les moeurs de l'homme, dans le cadre d'une espèce d'indétermination générale, sans Credo ni Décalogue.

    Cette désinvolture vient de loin, et il ne faudrait surtout pas croire que François est le premier pape néo-catholique post-conciliaire qui fait preuve de désinvolture : considérez, par exemple, les expressions et les omissions wojtyliennes, islamo-chrétiennement correctes, caractéristiques du discours prononcé par Jean-Paul II à Casablanca, en août 1985 : si ce n'est pas de la désinvolture, alors c'est quoi ?

    Enfin, il ne faudrait quand même pas que l'évolution et l'orientation de la très grande majorité des hommes d'Eglise, en religion et en morale, finissent par déboucher sur l'instauration dans l'Eglise d'un latitudinarisme, à la fois panchristique et postmoderne, qui ne s'affiche et ne s'assume pas encore pour ce qu'il est vraiment.

    Dans une Eglise inclusive et synodale, qu'en sera-t-il de la fécondité et de la fidélité des catholiques eux-mêmes, sur le plan doctrinal et sur le plan spirituel ?

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