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  • Année de la Miséricorde : lever les sanctions canoniques frappant les (in)fidèles adhérant à la franc-maçonnerie ?

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    C’est le nouveau « ballon d’essai » lancé dans le journal « La Croix » sous la signature de « Jean Rigal, théologien » :

    "Les catholiques ne sont pas toujours bien informés d’une querelle séculaire qui existe entre leur Église et les francs-maçons.

    Selon les époques, la rivalité a été plus ou moins dure, l’Église romaine critiquant la maçonnerie et réciproquement. L’ancienne excommunication a disparu, en 1983, dans l’édition actuelle du droit canon ; mais une autre condamnation a été formulée, la même année, par le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Elle affirme que les fidèles qui s’inscrivent à la franc-maçonnerie « sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion ». On remarquera que cette désignation touche exclusivement les maçons et atteint seulement et douloureusement ceux qui, parmi eux, affirment avoir une foi catholique.

    Cette condamnation était compréhensible lorsque les maçons, dans les allées du pouvoir, poursuivaient des attitudes d’hostilité, voie de persécution, dans les États latins. Qu’on songe à la France de la IIIe République ou aux Italiens, quand Rome, jusque-là ville du pape, fut annexée au nouveau royaume d’Italie. Mais n’oublions pas qu’à la même époque l’Église catholique n’était pas sans reproche, s’employant à promouvoir une restauration monarchique du pouvoir.

    Depuis lors, la franc-maçonnerie a évolué. Elle s’est divisée, dans chaque État, en de nombreuses obédiences, plus diverses qu’on ne croit. Leur spiritualité spécifique se situe généralement de manière apaisée, à l’égard des différentes religions.

    Quant à l’Église catholique, depuis Vatican II et le pape François, elle s’est ouverte au dialogue avec les autres familles de pensée, y compris avec des groupes d’incroyants.

    En 2016, la famille de pensée maçonnique, en dépit de ses divisions, est bien représentée en France avec 150 000 adultes des deux sexes, en toutes régions. Ce sont des personnes qui vivent souvent des valeurs morales et citoyennes affirmées. Pourquoi ne pas multiplier les occasions de dialogue ?

    On sait que beaucoup de maçons se veulent a-dogmatiques (opposés aux dogmes). Peut-être est-il utile de rappeler que la foi chrétienne ne porte pas d’abord sur des formules mais sur la découverte de « Quelqu’un ». Qu’en pensent les catholiques maçons ?

    Dans le contexte actuel, le débat ne serait-il pas plus bénéfique qu’une condamnation ? Comment ne pas situer cet appel dans l’interpellation lancée par l’Année jubilaire sur la miséricorde ? « Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, écrit le pape François, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous. “La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde.” Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute puissance de Dieu » 

    À l’occasion de l’Année de la miséricorde, pourquoi ne pas écarter définitivement cette accusation de « péché grave », imputée uniquement, du moins de cette façon, aux « initiés » des obédiences maçonniques ?"

    Ref. Les relations entre les francs-maçons et l’Église évoluent

    Dans l’état actuel des choses, l’Eglise juge qu’il n’y a pas de compatibilité entre l’adhésion à la Maçonnerie et le fait d’être catholique fidèle au pape et à Dieu. La question fut encore étudiée entre 1974 et 1980, surtout en Allemagne où le théologien Joseph Ratzinger s’y intéressa avant de devenir préfet (1981-2005) de la Congrégation de la doctrine de la Foi, puis pape (2005). L’appartenance à la franc-maçonnerie ne figure plus parmi les cas d’excommunication « latae sententiae » (ipso facto) édictés par le nouveau code de droit canon, en 1983. Mais le jugement négatif demeure : l’année même de la publication du nouveau code, une déclaration de la Congrégation de la doctrine de la Foi signée par son préfet avec l’approbation du pape alors régnant a précisé que :

    -les principes des associations maçonniques demeurent inconciliables avec la doctrine de l’Église ;

    -il est interdit aux catholiques de s’inscrire dans ces associations sous peine de péché grave les privant de l’accès à la sainte communion. 

    Parmi les motifs de ce jugement qu’explicite une autre note disponible sur le site web du Saint-Siège figurent notamment le danger de relativisme et le secret.

    C’est le principal problème: les loges maçonniques cultivent des secrets « inaccessibles » dans le cadre d’une structure pyramidale initiatique et cloisonnée par niveaux, de l’inférieur au supérieur.

    Il ne s’agit pas ici de secrets professionnels (comme celui du médecin ou du confesseur) mais d’un vrai secret doctrinal, une sorte d’immunité magistérielle, que même l’Église n’a pas. Celle-ci peut être critiquée car son enseignement est ouvert ; elle n’est d’ailleurs que la servante d’un message qui n’est pas le sien propre mais celui du Christ : Lui seul, parce qu’il est Dieu, peut affirmer « je suis la Vérité » et dire à ses disciples : allez pour toutes les nations, baptisez-les et enseignez-leur ce que je vous ai enseigné. 

    C’est pourquoi l’Église se sent responsable de la sainteté et de la fidélité des siens au Christ et revendique un contrôle à cet égard. Le contrôle n’a rien d’offusquant, il n’est pas l’apanage des dictatures. Des contrôles démocratiques existent : ceux des associations de consommateurs sur la qualité des produits alimentaires par exemple. Ou, pour prendre un autre exemple, celui du respect de la liberté des consciences par les écoles coraniques.

    Semblablement, l’Église a le droit de contrôler la qualité des produits présentés à ses fils dans le cadre de certaines démarches spirituelles : un contrôle pas (ou plus) coercitif mais une mise en garde. En l’occurrence, elle considère qu’il est inadéquat pour un catholique de s’inscrire dans un système ésotérique comme la maçonnerie, pour y suivre des cours incontrôlables sur l’évangile de saint Jean, sur l’exégèse biblique, sur l’interprétation du

    message symbolique de la Bible et sans pouvoir être justement averti de la compatibilité du contenu initiatique de cet enseignement avec le dépôt de la Foi.

    Tel est le sens de la Déclaration précitée de la Congrégation pour la doctrine de la Foi.

    L'impossibilité de conciliation est actuelle, mais n'empêche pas de faire évoluer les discussions. Simplement, l'ésotérisme et l'initiation est difficilement compatible avec l'enseignement de l'Église, qui a entre autre choses, lutté contre la Gnose chrétienne à cet effet. De plus, Jésus Christ, dans un élan opposé au secret et à l'ésotérisme, s'est aussi réjouit en ces termes : » Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits.  Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. Tout m'a été remis par mon Père, et nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. (Mt 11, 25-27)

    D'après Ph. Dalleur, ref. ici Compte-rendu et débat  sur le site web http://www.ethiquesociale.org/ 

    JPSC 

  • Ce qu'est prioritairement le champ d'action des laïcs catholiques

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    Commentaire du jour sur Evangile au Quotidien
    Bienheureux Paul VI, pape de 1963-1978
    Evangelii nuntiandi, 70

    Être une lampe sur le lampadaire

    Les laïcs, que leur vocation spécifique place au cœur du monde et à la tête des tâches matérielles les plus variées, doivent exercer par là même une forme singulière d'évangélisation. Leur tâche première et immédiate n'est pas l'institution et le développement de la communauté ecclésiale — c'est là le rôle spécifique des Pasteurs — mais c'est la mise en œuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives, dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c'est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l'économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media, ainsi que certaines autres réalités ouvertes à l'évangélisation comme l'amour, la famille, l'éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance.

          Plus il y aura des laïcs imprégnés d'évangile responsables de ces réalités et clairement engagés en elles, compétents pour les promouvoir et conscients qu'il faut déployer leur pleine capacité chrétienne souvent enfouie et asphyxiée, plus ces réalités se trouveront au service de l'édification du Règne de Dieu et donc du salut en Jésus Christ, sans rien perdre ou sacrifier de leur coefficient humain, mais manifestant une dimension transcendante souvent méconnue.

  • Les habituelles platitudes progressistes reproduites en "opinion" dans la Libre

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    Un ami nous écrit :

    La Libre ouvre donc une nouvelle fois ses colonnes à un détracteur du Magistère catholique (ancien professeur de religion !), lequel se fait l'écho d'une "association ("Hors les Murs") qui regroupe des prêtres qui se sont mariés et ont donc quitté l’Eglise". On ne sait pas au juste combien d'affiliés compte ce groupe de pression, présentés comme des "rebelles fidèles à l'Evangile". A contrario, il ne s'agit pas d'anciens prêtres qui obéissent aux règles de l'Eglise, qu'ils connaissaient pourtant au moment de leur engagement dans le sacerdoce.
     
    Nihil novi sub sole puisqu'une fois de plus, nous avons droit aux platitudes habituelles :
     
    - "l’Eglise s’est "repliée frileusement sur ses convictions"
    - " La plupart de ces "Hors-les-Murs" n’ont pas versé dans l’anticléricalisme, mais ont gardé la foi"... comme si foi et norme disciplinaire étaient en opposition l'une à l'autre. Soyons oourtant rassurés: seule une infime minorité a versé dans l'anticléricalisme.
    - "le modèle dominant et répandu du christianisme est obsolète... il "est souvent un obstacle pour vivre les valeurs évangéliques"
    - "il s’impose d’urgence d’intégrer aussi davantage les femmes et de donner plus de pouvoir à des personnes qu’elles considèrent comme préparées et jugées aptes à cela, sans distinction de sexe ou de statut". Que voilà des paroles rafraîchissantes !
    - on apprend aussi que la sexualité est le "cauchemar" de l’Eglise hiérarchique.
     
    Exactement comme si des grands formats de l'Eglise (Jean-Paul II, Benoît XVI, et plus proche de nous géographiquement: Monseigneur Léonard, n'avaient jamais rien écrit sur ces sujets, abordés dans la confusion, au hasard laborieux d'une construction idéologique coupée du sens et de la tradition de l'Eglise.
     
    Cette "requête" est finalement très mondaine, dans le sens: conforme à l'esprit du monde, à l'esprit de la modernité, en opposition à une vue clairement présentée comme traditionaliste, incapable de se conformer à la mentalité de l'Occident d'aujourd'hui:
     
    "La requête présentée par l’association "Hors-les-Murs", "évoluer vers un pluralisme des modèles en fonction des communautés concrètes", serait une excellente façon pour le Pape actuel de rencontrer le désir des chrétiens de nos pays d’avoir des pasteurs locaux, en prise avec la mentalité des Occidentaux qui ont mis leurs espérances dans l’aggiornamento que leur a fait miroiter le concile Vatican II".
     
    Les prêtres importés de Pologne et d'Afrique ne trouvent aucune grâce à leurs yeux: "ils ont tendance à faire leur "métier" comme des fonctionnaires, bénéficiant du statut pécuniaire privilégié que leur offre le ministère de la Justice en Belgique". Pour peu, si le venin coulait dans notre plume, on finirait par croire que c'est l'argent qui a motivé l'arrivée dans nos chapelles de ces horribles rétrogrades, fermés aux surprises de la modernité et des espoirs de la mentalité du moment.
     
    Lamentable à force d'être caricatural.
     
    Il est remarquable que la Libre offre généreusement une tribune à cette prose fleurant bon le progressisme désuet des années d'après-concile alors qu'en même temps elle s'obstine à entretenir un silence assourdissant sur l'affaire Dumouch dont nous avons informé nos visiteurs et qui n'a pas l'heur d'émouvoir toutes les belles âmes qui pilotent nos medias (y compris catholiques). 
  • Le pape François ira en Suède pour le cinq-centième anniversaire de la Réforme luthérienne

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    Œcuménisme : le pape François se rendra en Suède fin octobre pour le 5e centenaire de la Réforme

    Le pape François se rendra en Suède fin octobre 2016 afin de participer à une commémoration œcuménique du 500e anniversaire de la Réforme protestante, a indiqué le Bureau de presse du Saint-Siège le 25 janvier. Le chef de l’Eglise catholique devrait particulièrement se rendre le 31 octobre dans la ville de Lund, à l’extrême sud de la Suède. L’annonce de ce déplacement intervient au dernier jour de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens.

     

    A Lund, le pape entend ainsi participer à une commémoration conjointe organisée localement par l’Eglise luthérienne de Suède et le diocèse catholique de Stockholm, un an jour pour jour avant la date anniversaire du début de la Réforme initiée par Martin Luther (1483-1546). Cette commémoration devrait comprendre notamment une célébration commune.

    Pour l’heure, le Saint-Siège a indiqué que le pape resterait une journée en Suède. Mais il pourrait choisir de célébrer par ailleurs la canonisation de la religieuse suédoise Marie Elisabeth Hesselblad (1870-1957), luthérienne convertie au catholicisme, qui restaura la congrégation des sœurs ‘brigittines’. La petite ville de Lund est très proche de Malmö, troisième plus grande ville de Suède qui accueille de très nombreux migrants, et à moins de 40 kilomètres de la capitale du Danemark, Copenhague.

    Le pape François sera le deuxième pontife à se rendre en Suède. Jean-Paul II (1978-2005) visita ainsi le grand pays scandinave en juin 1989, faisant étape à Stockholm, Uppsala, Vadstena et Linköping. Lors de ce voyage d’une dizaine de jours, le pape polonais se rendit aussi au préalable en Norvège, en Islande, en Finlande et au Danemark.

    Le pape François et la Réforme

    En décembre 2014, recevant une petite délégation de l’Eglise évangélique luthérienne allemande, le pape François avait évoqué la commémoration des 500 ans de la Réforme de 1517. Il avait alors invité luthériens et catholiques à faire une “intime demande de pardon“ pour leurs “fautes réciproques“. Le pape avait aussi cité un document intitulé Du conflit à la communion. La commémoration commune luthéro-catholique de la Réforme en 2017, publié en juin 2013. Préparé par la Commission luthéro-catholique pour l’unité, il revient sur l’histoire du conflit entre catholiques et protestants, mais aussi sur le dialogue œcuménique réalisé durant les 50 dernières années. La Déclaration commune sur la doctrine de la justification, signée en octobre 1999, fait aussi référence dans ce dialogue.

    En mai 2015, devant Antje Jackelén, première femme archevêque luthérienne d’Uppsala (Suède), le pape avait de nouveau évoqué les 500 ans de la Réforme et souhaité que cette “commémoration“ encourage protestants et catholiques à accomplir des “pas ultérieurs vers l’unité“. Alors que l’Eglise luthérienne de Suède reconnaît le mariage homosexuel depuis 2009, le pape avait cependant assuré que ce thème ne pouvait être tu ou ignoré “de peur de mettre en danger le consensus œcuménique“. Il avait alors mis en garde devant le “péché“ de nouvelles “différences confessionnelles“. 

    Initiée par l’Allemand Martin Luther, la Réforme protestante s’opposait notamment aux abus de la papauté et à la corruption du clergé romain. Ce mouvement souhaitait faire de la Bible la seule autorité légitime, rejetant le culte des saints et de la Vierge Marie. Le mouvement de rébellion contre Rome partit de Wittenberg le jour où Luther adressa à l’archevêque de Mayence 95 thèses dénonçant notamment la pratique pontificale des indulgences, ou l’imposition de dogmes tels que celui du Purgatoire (31 octobre 1517). Martin Luther rompt définitivement avec l’Eglise catholique en 1521, en brûlant en public la bulle pontificale de Léon X lui demandant de se retirer. Le mouvement de la Réforme donna par la suite naissance à différentes Eglises protestantes et sépara les pays germaniques, scandinaves et britanniques de l’Eglise romaine. AMI/BL

  • Islam et christianisme : les impasses du dialogue interreligieux

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    couverture_livre_jourdan.jpgLe père François Jourdan est islamologue et théologien eudiste. Il est l'auteur de Islam et Christianisme, comprendre les différences de fond , paru en novembre 2015 aux éditions du Toucan. Il est interrogé ici par Eléonore de Vulpillières pour le site Figarovox. Extraits :

    « LE FIGARO. - Votre livre Islam et christianisme - comprendre les différences de fond se penche sur une étude approfondie des conditions dans lesquelles pourraient s'amorcer un dialogue islamo-chrétien reposant sur des fondations solides. Quels en sont les principaux dysfonctionnements à l'heure actuelle?

    François JOURDAN. - Nous ne sommes pas prêts au vrai dialogue, ni l'islam très figé depuis de nombreux siècles et manquant fondamentalement de liberté, ni le christianisme dans son retard de compréhension doctrinale de l'islam par rapport au christianisme et dans son complexe d'ancien colonisateur. L'ignorance mutuelle est grande, même si on croit savoir: tous les mots ont un autre sens dans leur cohérence religieuse spécifique. L'islamologie est en déclin dans l'Université et dans les Eglises chrétiennes. Le laïcisme français (excès de laïcité) est handicapé pour comprendre les religions. Alors on se contente d'expédients géopolitiques (histoire et sociologie de l'islam), et affectifs (empathie sympathique, diplomatie, langage politiquement correct). Il y a une sorte de maladie psychologique dans laquelle nous sommes installés depuis environ 1980, après les indépendances et le Concile de Vatican II qui avaient ouvert une attitude vraiment nouvelle sur une géopolitique défavorable depuis les débuts de l'islam avec les conquêtes arabe et turque, la course barbaresque séculaire en mer méditerranée, les croisades et la colonisation […] 

    Estimez-vous, à l'instar de Rémi Brague, que souvent, les chrétiens, par paresse intellectuelle, appliquent à l'islam des schémas de pensée chrétiens, ce qui les mène à le comprendre comme une sorte de christianisme, l'exotisme en plus?

    L'ignorance dont je parlais, masquée, fait qu'on se laisse berner par les apparences constamment trompeuses avec l'islam qui est un syncrétisme d'éléments païens (les djinns, la Ka‘ba), manichéens (prophétisme gnostique refaçonné hors de l'histoire réelle, avec Manî le ‘sceau des prophètes'), juifs (Noé, Abraham, Moïse, David, Jésus… mais devenus musulmans avant la lettre et ne fonctionnant pas du tout pareil: Salomon est prophète et parle avec les fourmis…), et chrétiens (Jésus a un autre nom ‘Îsâ, n'est ni mort ni ressuscité, mais parle au berceau et donne vie aux oiseaux d'argile…). La phonétique des noms fait croire qu'il s'agit de la même chose. Sans parler des axes profonds de la vision coranique de Dieu et du monde: Dieu pesant qui surplombe et gère tout, sans laisser de place réelle et autonome à ce qui n'est pas Lui (problème fondamental de manque d'altérité dû à l'hyper-transcendance divine sans l'Alliance biblique). Alors si nous avons ‘le même Dieu' chacun le voit à sa façon et, pour se rassurer, croit que l'autre le voit pareil… C'est l'incompréhension totale et la récupération permanente dans les relations mutuelles (sans le dire bien sûr: il faudrait oser décoder).

    Si l'on reconnaît parfois quelques différences pour paraître lucide, on est la plupart du temps (et sans le dire) sur une tout autre planète mais on se rassure mutuellement qu'on fait du ‘dialogue' et qu'on peut donc dormir tranquilles.

    Une fois que le concile Vatican II a «ouvert les portes de l'altérité et du dialogue», écrivez-vous «on s'est installé dans le dialogue superficiel, le dialogue de salon, faussement consensuel.» Comment se manifeste ce consensualisme sur l'islam?

    Par l'ignorance, ou par les connaissances vues de loin et à bon compte: c'est la facilité. Alors on fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique', que ‘nous avons la même foi', que nous sommes les religions ‘du Livre', et que nous avons le ‘même' Dieu, que l'on peut prier avec les ‘mêmes' mots, que le chrétien lui aussi doit reconnaître que Muhammad est «prophète» et au sens fort ‘comme les prophètes bibliques' et que le Coran est ‘révélé' pour lui au sens fort «comme la Bible» alors qu'il fait pourtant tomber 4/5e de la doctrine chrétienne… Et nous nous découvrons, par ce forcing déshonnête, que «nous avons beaucoup de points communs»! C'est indéfendable.

    Pour maintenir le «vivre-ensemble» et sauvegarder un calme relationnel entre islam et christianisme ou entre islam et République, se contente-t-on d'approximations?

    Ces approximations sont des erreurs importantes. On entretient la confusion qui arrange tout le monde: les musulmans et les non-musulmans. C'est du pacifisme: on masque les réalités de nos différences qui sont bien plus conséquentes que ce qu'on n'ose en dire, et tout cela par peur de nos différences. On croit à bon compte que nous sommes proches et que donc on peut vivre en paix, alors qu'en fait on n'a pas besoin d'avoir des choses en commun pour être en dialogue. Ce forcing est l'expression inavouée d'une peur de l'inconnu de l'autre (et du retard inavoué de connaissance que nous avons de lui et de son chemin). Par exemple, la liberté religieuse, droit de l'homme fondamental, devra remettre en cause la charia (organisation islamique de la vie, notamment en société) . Il va bien falloir en parler un jour entre nous. On en a peur: ce n'est pas «politiquement correct». Donc ça risque de se résoudre par le rapport de force démographique… et la violence future dans la société française. Bien sûr on n'est plus dans cette période ancienne, mais la charia est coranique, et l'islam doit supplanter toutes les autres religions (Coran 48,28; 3,19.85; et 2,286 récité dans les jardins du Vatican devant le Pape François et Shimon Pérès en juin 2014). D'ailleurs Boumédienne, Kadhafi, et Erdogan l'ont déclaré sans ambages.

    Vous citez des propos de Tariq Ramadan, qui déclarait: «L'islam n'est pas une religion comme le judaïsme ou le christianisme. L'islam investit le champ social. Il ajoute à ce qui est proprement religieux les éléments du mode de vie, de la civilisation et de la culture. Ce caractère englobant est caractéristique de l'islam.» L'islam est-il compatible avec la laïcité?

    Cette définition est celle de la charia, c'est-à-dire que l'islam, comme Dieu, doit être victorieux et gérer le monde dans toutes ses dimensions. L'islam est globalisant. Les musulmans de Chine ou du sud des Philippines veulent faire leur Etat islamique… Ce n'est pas une dérive, mais c'est la cohérence profonde du Coran. C'est incompatible avec la liberté religieuse réelle. On le voit bien avec les musulmans qui voudraient quitter l'islam pour une autre religion ou être sans religion: dans leur propre pays islamique, c'est redoutable. De même, trois versets du Coran (60,10; 2,221; 5,5) obligent l'homme non musulman à se convertir à l'islam pour épouser une femme musulmane, y compris en France, pour que ses enfants soient musulmans. Bien sûr tout le monde n'est pas forcément pratiquant, et donc c'est une question de négociation avec pressions, y compris en France où personne ne dit rien. On a peur. Or aujourd'hui, il faut dire clairement qu'on ne peut plus bâtir une société d'une seule religion, chrétienne, juive, islamique, bouddhiste… ou athée. Cette phase de l'histoire humaine est désormais dépassée par la liberté religieuse et les droits de l'Homme. La laïcité exige non pas l'interdiction mais la discrétion de toutes les religions dans l'espace public car les autres citoyens ont le droit d'avoir un autre chemin de vie. Ce n'est pas la tendance coranique où l'islam ne se considère pas comme les autres religions et doit dominer (2,193; 3,10.110.116; 9,29.33).

    La couverture du numéro spécial de Charlie Hebdo commémorant les attentats du 7 janvier, tiré à un million d'exemplaires représente un Dieu en sandales, la tête ornée de l'œil de la Providence, et armé d'une kalachnikov. Il est désigné comme «l'assassin [qui] court toujours»… Que révèle cette une qui semble viser, par les symboles employés, davantage la religion chrétienne que l'islam?

    Il y a là un tour de passe-passe inavoué. Ne pouvant plus braver la violence islamique, Charlie s'en prend à la référence chrétienne pour parler de Dieu en islam. Représenter Dieu serait, pour l'islam, un horrible blasphème qui enflammerait à nouveau le monde musulman. Ils ont donc choisi de montrer un Dieu chrétien complètement déformé (car en fait pour les chrétiens, le Père a envoyé le Fils en risquant historiquement le rejet et la mort blasphématoire en croix: le Dieu chrétien n'est pas assassin, bien au contraire). Mais il faudrait que les biblistes chrétiens et juifs montrent, plus qu'ils ne le font, que la violence de Dieu dans l'Ancien Testament n'est que celle des hommes mise sur le dos de Dieu pour exprimer, par anthropomorphismes et images, que Dieu est fort contre le mal. Les chrétiens savent que Dieu est amour (1Jn 4,8.16), qu'amour et tout amour. La manipulation est toujours facile, même au nom de la liberté »

    Toutes les religions ont-elles le même rapport à la violence quand le sacré est profané?

    Toutes les civilisations ont légitimé la violence, de manières diverses. Donc personne n'a à faire le malin sur ce sujet ni à donner de leçon. Il demeure cependant que les cohérences doctrinales des religions sont variées. Chacune voit ‘l'Ultime' (comme dans le bouddhisme sans Dieu), le divin, le sacré, Dieu, donnant sens à tout le reste: vision du monde, des autres et de soi-même, et le traitement de la violence en fait partie. C'est leur chemin de référence. Muhammad, objectivement fondateur historique de l'islam, a été chef religieux, politique et militaire: le prophète armé, reconnu comme le «beau modèle» par Dieu (33,21) ; et Dieu «prescrit» la violence dans le Coran (2,216.246) et y incite (8,17; 9,5.14.29.73.111.123; 33,61; 47,35; 48,29; 61,4; 66,9…), le Coran fait par Dieu et descendu du ciel par dictée céleste, étant considéré par les musulmans comme la référence achevée de la révélation; les biographies islamiques du fondateur de l'islam témoignent de son usage de la violence, y compris de la décapitation de plus de 700 juifs en mars 627 à Médine. Et nos amis de l'islam le justifient.

    Et selon la règle ultra classique de l'abrogation (2,106), ce sont les versets les derniers qui abrogent ceux qui seraient contraires ; or les derniers sont les intolérants quand Muhammad est chef politique et militaire. Ce n'est pas une dérive. Quand, avec St Augustin, le christianisme a suivi le juriste et penseur romain païen Cicéron (mort en 43 avant Jésus-Christ) sur l'élaboration de la guerre juste («faire justement une guerre juste» disait-il), il n'a pas suivi l'esprit du Christ. Gandhi, lisant le Sermon sur la Montagne de Jésus (Mt 5-7), a très bien vu et compris, mieux que bien des chrétiens, que Dieu est non-violent et qu'il faut développer, désormais dans l'histoire, d'autres manières dignes de l'homme pour résoudre nos conflits. Car il s'agit bien de se défendre, mais la fin ne justifie pas les moyens, surtout ceux de demain qui seront toujours plus terriblement destructeurs. Mais les chrétiens qui ont l'Evangile dans les mains ne l'ont pas encore vraiment vu. Ces dérives viennent bien des hommes mais non de Dieu qui au contraire les pousse bien plus loin pour leur propre bonheur sur la terre. Pour en juger, il faut distinguer entre les dérives (il y en a partout), et les chemins de référence de chaque religion: leur vision de Dieu ou de l'Ultime. Au lieu de faire lâchement l'autruche, les non-musulmans devraient donc par la force de la vérité («satyagraha» de Gandhi), aider les musulmans, gravement bridés dans leur liberté (sans les juger car ils sont nés dans ce système contraignant), à voir ces choses qui sont cachées aujourd'hui par la majorité ‘pensante' cherchant la facilité et à garder sa place. Le déni de réalité ambiant dominant est du pacifisme qui masque les problèmes à résoudre, lesquels vont durcir, grossir et exploseront plus fort dans l'avenir devant nous. Il est là le vrai dialogue de paix et de salut contre la violence, l'aide que l'on se doit entre frères vivant ensemble sur la même terre."

    Tout l’article ici : Islam et christianisme : les impasses du dialogue interreligieux

    JPSC

  • Faire référence à notre histoire judéo-chrétienne, ça choque le Ministre-Président de la région de Bruxelles-Capitale !

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    Un tweet éloquent du Ministre-Président (PS) de la région de Bruxelles-Capitale :

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