Dans le « Figaro », l’économiste Charles Wyplosz s'amuse à imaginer les voeux fracassants que pourrait tenir le président de la République française s'il s'inspirait de la charge du Pape contre la curie romaine.
« Mes très chers camarades,
Il ne vous a pas échappé que durant l'année qui s'achève, notre cher parti a subi de graves revers. Ceci m'a plongé dans une profonde réflexion dont je souhaite vous faire partager les fruits. Je n'irai pas quatre chemins: notre parti souffre de douze plaies.
La première est que chacun de nous se sent indispensable dans son rôle, et encore plus dans le rôle qu'il ambitionne. Ceci nous aveugle et nous dresse les uns contre les autres, par pur narcissisme. Le seul qui soit vraiment indispensable est le Président.
La deuxième plaie est l'activisme dont beaucoup font preuve. Qu'ils veuillent réformer ou qu'ils veuillent ne pas réformer, ils oublient que notre Dieu, l'autre François, nous a enseigné qu'il faut donner du temps au temps. Ne rien faire est l'art de tous les Présidents qui ont été réélus. Mon prédécesseur a été victime de son activisme.
La troisième plaie est l'empierrement social. Trop d'entre nous ont le cœur dur. Ils parlent avec compassion des souffrances des sans grade et des sans dents mais, en vérité, ils sont trop attirés par les palais dorés de la République pour avoir gardé dans leurs cœurs la passion de servir le peuple.
La quatrième plaie est le souci excessif de la communication. Vous enchainez les plans com comme si c'était une fin en soi. Peu importe le contenu, que vous n'avez pas la moindre intention de réaliser, si cela vous permet de passer au journal télévisé de 20 heures.
Cinquièmement, vous avez perdu la notion de l'harmonie fonctionnelle. Vos débats sont devenus un orchestre où chacun essaie de faire plus de bruit que les autres. Vous avez oublié l'art de la synthèse, la communion collective qui dépasse chacun d'entre vous.
La sixième plaie est une sorte d'Alzheimer spirituel. Vous avez oublié la culture de gouvernement. À sa place, vous défendez vos idées toutes faites. Vous êtes les esclaves de vos caprices et vos manies, ces principes idéologiques que vous idolâtrez sans réaliser qu'ils sont détachés de la réalité du monde dans lequel nous vivons.
La septième plaie est le mysticisme des honneurs qui vous pousse à une vaine rivalité. Certains sont même prêts à préférer l'apparence de la gloire à la gloire de servir la République avec toute l'humilité qui sied aux élus du peuple. Une voiture avec chauffeur devient un objectif en soi alors que ce ne devrait que le moyen de travailler plus.