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Doctrine - Page 28

  • Mgr Ambongo sera-t-il le prochain pape ?

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    De John L Allen Jr sur Crux (Catholic Herald) :

    Cardinal Ambongo : un candidat papabile qui émerge grâce à Fiducia Supplicans 
    / Crux

    31 janvier 2024

    ROME - On raconte qu'à l'époque de la domination britannique de l'Inde, les fonctionnaires coloniaux se sont inquiétés de la présence de cobras venimeux dans la ville de Delhi et ont décidé d'offrir une prime pour chaque serpent mort. Des habitants entreprenants se mirent alors à élever des cobras afin de toucher la prime. Lorsque les Britanniques ont découvert la ruse et retiré leur offre, les éleveurs ont libéré leurs cobras devenus inutiles, ce qui a considérablement aggravé le problème.

    Ce que l'on appelle "l'effet Cobra" est une illustration classique de ce que l'on appelle la "loi des conséquences involontaires". Très souvent, les actions conçues pour obtenir un résultat génèrent en fait une cascade d'autres effets, dont la plupart n'ont jamais été envisagés ou souhaités.

    À l'heure actuelle, le pape François se sent peut-être pris au piège de sa propre version de "l'effet Cobra" en ce qui concerne le document du Vatican Fiducia Supplicans sur la bénédiction des personnes vivant dans des unions de même sexe.

    L'une des principales conséquences de la controverse autour de ce document, assez ironiquement, semble avoir donné aux détracteurs conservateurs du pape l'occasion de s'intéresser à d'éventuels candidats lors d'un futur conclave, c'est-à-dire à des candidats susceptibles d'orienter l'Église dans une direction différente.

    À l'heure actuelle, la cote du papabile, ou candidat à la papauté, n'a peut-être pas augmenté autant que celle du cardinal Fridolin Ambongo Besungu de Kinshasa, en République démocratique du Congo, qui est également le chef élu des évêques africains en tant que président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM).

    Un titre récent du journal italien Il Messaggero, en tête d'un article du correspondant vétéran du Vatican Franca Giansoldati, dit tout : "Le profil du cardinal Ambongo progresse parmi les futurs papabili : il a dirigé le blocus africain à la bénédiction des couples homosexuels."

    La référence est due au fait que le cardinal Ambongo, âgé de 64 ans, a été le principal instigateur d'une déclaration du SCEAM du 11 janvier qui a déclaré que Fiducia Supplicans était restée lettre morte sur le continent. Les prélats africains, selon cette déclaration, "ne considèrent pas qu'il soit approprié pour l'Afrique de bénir des unions homosexuelles ou des couples de même sexe parce que, dans notre contexte, cela causerait de la confusion et serait en contradiction directe avec l'éthique culturelle des communautés africaines".

    Bien entendu, la déclaration du SCEAM n'est pas la seule réaction négative suscitée par Fiducia, mais elle est particulièrement remarquable pour deux raisons.

    Tout d'abord, c'est la première fois que les évêques d'un continent entier déclarent qu'un édit du Vatican ne sera pas appliqué sur leur territoire. Étant donné qu'il est généralement difficile de mettre d'accord un corps d'évêques peu maniable, la manière compacte et rapide dont le SCEAM a réagi est un témoignage du leadership d'Ambongo.

    En outre, la déclaration du SCEAM est également frappante par la manière dont elle a été élaborée de concert avec le Pape et ses principaux conseillers.

    Après avoir sollicité les réponses des conférences épiscopales africaines à la Fiducia, Ambongo s'est envolé pour Rome afin de les partager avec le Pape. François lui a demandé de travailler avec le cardinal argentin Victor Manuel Fernández du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, ce qu'Ambongo a fait, en consultant le pontife en cours de route, de sorte que lorsque la déclaration du SCEAM a été publiée, elle portait de facto le sceau de l'approbation papale.

    En d'autres termes, Ambongo a trouvé un moyen pour les évêques africains de s'opposer au Pape, au moins indirectement, mais sans paraître déloyal. C'est l'une des aiguilles les plus difficiles à enfiler dans la vie catholique, et l'art avec lequel Ambongo y est parvenu a fait tourner les têtes.

    Voici comment Soldati résume les choses dans son article pour Messaggero :

    "Dans cette conjoncture très délicate, Ambongo s'est taillé un rôle de premier plan, en démontrant au Collège des cardinaux une capacité de médiation indubitable et un grand courage, au point que certains le considèrent désormais comme un candidat possible au prochain conclave, dans un futur hypothétique, quel qu'il soit : Un cardinal électeur d'un continent en croissance, ancré dans la tradition, fidèle au principe de la synodalité, connaissant bien les mécanismes curiaux et doté d'une perspective capable d'affronter un avenir compliqué".

    "En somme, écrit Soldati, toutes les qualités pour un futur pape noir.

    Membre des Franciscains capucins, Mgr Ambongo a obtenu un diplôme de théologie morale à la prestigieuse Académie Alphonsienne dirigée par les Rédemptoristes à la fin des années 1980. Dans les années qui ont suivi, il a travaillé dans une paroisse, enseigné dans des séminaires et occupé divers postes de direction au sein des Capucins jusqu'à ce qu'il soit nommé évêque en 2004, à l'âge de 44 ans.

    En 2016, Mgr Ambongo est devenu archevêque de Mbandaka-Bikoro et, comme son mentor, le défunt cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, il s'est rapidement retrouvé plongé dans le maelström de la politique congolaise. Lorsque le président de l'époque, Joseph Kabila, a retardé les élections en 2016 pour rester au pouvoir, Ambongo est devenu un tribun de l'opposition pro-démocratique et a aidé à négocier l'accord-cadre de Saint-Sylvestre qui a ouvert la voie à de nouvelles élections en 2018.

    Ambongo ne manque certainement pas d'audace. Son franc-parler en faveur de l'environnement, notamment ses critiques à l'égard des géants mondiaux du pétrole et de l'exploitation minière ainsi que des politiciens locaux qui leur obéissent, a suscité des menaces de mort au fil des ans ; à un moment donné, il s'est qualifié lui-même de "personne en danger au Congo".

    Il jouit manifestement des faveurs du pape François, puisqu'il a été nommé membre du Conseil des cardinaux du souverain pontife en 2020, à la place de Monsengwo, puis confirmé à ce poste en 2023. Il a également organisé un voyage papal réussi au Congo en février dernier. Cependant, comme l'a montré l'affaire Fiducia, il est également capable de rompre les rangs lorsqu'il estime qu'une question de principe est en jeu.

    Mgr Ambongo pourrait séduire les cardinaux conservateurs à la recherche d'un changement, mais il a également gagné le respect des fidèles de François pour la manière dialoguée dont il s'est comporté. Son curriculum vitae témoigne d'une certaine gravité : il a su résoudre des problèmes et s'imposer comme homme d'État dans la politique nationale, il est le chef continental d'un corps épiscopal et un conseiller papal qui connaît de l'intérieur les efforts de réforme du Vatican.

    Qu'il s'agisse ou non de la recette d'un futur pape - ce qui, bien sûr, est une supposition à ce stade - ce qui semble plus sûr, c'est qu'il s'agit du profil d'un prélat qui compte, aujourd'hui et pour un certain temps à venir.

  • La liberté religieuse, une épine dans la chair

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    De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae (février 2024) :

    La liberté religieuse, épine dans la chair

    Comment est-on passé dans l’Église du rejet de la liberté religieuse à son acceptation ? C’est le sujet de l’ouvrage de François Huguenin, La grande conversion. L’Église et la liberté de la Révolution à nos jours[1]Brillante explicitation sur cinq cents pages d’un changement de cap. Peut-être que sa focalisation sur la liberté, sauf les pages consacrées à l’évolution de la question du salut, donne-t-elle l’impression que le retournement de Vatican II se réduit à ce point. En fait, l’adoption de la liberté religieuse s’intègre à un infléchissement de l’ecclésiologie consistant à voir hors de l’Église catholique des communautés surnaturelles secondes en quelque sorte. D’où l’œcuménisme, qui accorde une « communion imparfaite » aux séparés, le dialogue interreligieux fondé sur un « respect sincère » des autres religions, et la liberté religieuse qui rend obsolète l’idée d’un État défenseur de l’unique Église. Cet anti-exclusivisme est clairement d’inspiration libérale, via le protestantisme où chaque Église se considère comme la plus parfaite sans cependant prétendre s’identifier totalement à l’unique Église du Christ.

    Vatican II et l’État catholique

    Disons tout de suite que la virulence des débats sur la liberté religieuse lors de Vatican II s’explique par le fait que la doctrine subvertie était alors connue de tous et qu’elle animait encore, tant bien que mal, un certain nombre d’entités politiques, étatiques ou militantes. Réactiver ces débats aujourd’hui paraît en revanche lunaire, car il paraît désormais évident, dans le catholicisme postconciliaire, que les rapports du politique et du religieux ne peuvent avoir lieu qu’au sein de la laïcité des instances nationales et internationales.

    Pour traiter donc de cette question de la liberté religieuse, qui relève du droit public de l’Église, il convient d’avoir à l’esprit ce qu’elle disait de la « constitution chrétienne des États » (Immortale Dei de Léon XIII du 1er novembre 1885). Son discours traditionnel sur les Cités politiques selon le droit naturel était à deux niveaux : il portait sur ces États qui, avant même la connaissance de la Révélation, avaient ou ont une pleine légitimité dans la mesure où ils tendent au « vivre bien » des citoyens, mais auxquels l’adhésion à l’Évangile confère un « baptême » qui souligne le caractère sacré du pouvoir de leurs magistrats (doctrine du Christ-Roi), et les oblige en retour à des obligations envers la vérité de la Révélation.

    Certes, les Cités antiques ont rarement ressemblé à celle de Salente, dans Les aventures de Télémaque, et les princes ou chefs d’États chrétiens ont trop peu pratiqué une imitation de saint Louis, les chefs de guerre, de sainte Jeanne d’Arc, et les ministres des finances, de saint Éloi. Pour autant, en ce monde marqué par le péché, les principes élaborés par la tradition d’Aristote, et plus largement de la philosophie grecque, reprise par saint Thomas et toute la théologie subséquente, notamment des XVIIe et XVIIIe siècles, ne relèvent pas plus de l’utopie que l’énoncé des béatitudes. Gouverner sagement est l’idéal auquel devraient se conformer tous chefs de peuples, ce qui, dans le monde qui a reçu la Révélation, veut dire gouverner selon l’inspiration chrétienne, en tentant plus largement d’organiser une paix de Dieu entre les nations « baptisées ».

    Cet idéal, aujourd’hui évacué, de chrétienté et dont le vide est comblé par un mondialisme humaniste, peut se comparer à la surélévation de cette institution naturelle qu’est le mariage à la dignité de sacrement. L’analogie étant imparfaite, car les Cités chrétiennes ne naissent pas, comme la société des époux, d’un acte sacramentel. Mais comme une famille devient chrétienne, ont été « baptisées » ces sociétés qui sont ontologiquement premières pour l’homme, animal politique, par la profession de foi de leurs peuples et de leurs magistrats. Chacune, sans être marquée par un caractère, est comme refondée par cette profession de foi, sans laquelle désormais elle n’est plus elle-même. Chrétienne reste la France, notre mère charnelle et spirituelle, terre de saints, couverte d’un manteau d’églises et de cathédrales, toujours fille aînée de l’Église, aussi défigurée qu’elle soit par le masque laïque dont on l’a affublée.

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  • « Le Congo se jette dans le Tibre » : l'influence de l'Église catholique en Afrique s'accroît – mais les dirigeants du Vatican sont-ils prêts pour cela ?

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    Une analyse de la controverse sur la bénédiction pour les personnes de même sexe envoie des signaux mitigés sur l'importance de l'Afrique par Jonathan Liedl  (Monde 1 février 2024 sur le site web du National Catholic Register) :

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    « L’avenir de l’Église catholique, dit-on souvent, se trouve en Afrique – où les vocations sont florissantes, la vie paroissiale est dynamique et le nombre total de catholiques est sur le point de dépasser bientôt l’Europe.

    Mais l’Église catholique, et les dirigeants du Vatican en particulier, sont-ils prêts à ce que l’Afrique joue un rôle de premier plan dans l’Église universelle ?

    À en juger par la façon dont le Vatican a traité ses récentes directives controversées sur les bénédictions pour les personnes de même sexe, les signaux sont décidément mitigés.

    D'une part, la réaction énergique et unie des évêques africains à la possibilité de bénir les couples de même sexe évoquée dans la déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi du 18 décembre, Fiducia Supplicans (Confiance suppliante), a obtenu des résultats immédiats et spectaculaires : Le dicastère a rapidement publié une rare clarification, après quoi un haut prélat africain s'est entretenu avec le cardinal préfet du DDF Víctor Manuel Fernández au Vatican pour rédiger une déclaration soigneusement formulée de l'épiscopat africain, avec la contribution du pape François lui-même, expliquant leurs réserves persistantes.

    D’un autre côté, il y a la Fiducia Supplicans elle-même, qui a été préparée en secret alors que le Synode sur la synodalité était encore en cours en octobre dernier, sans aucune consultation formelle avec les évêques africains, ni aucune considération apparente sur la manière dont le document serait reçu en Afrique.

    L’épisode met en lumière les défis auxquels est confrontée une Église encore majoritairement influencée par les perspectives et les priorités occidentales, même si son centre de gravité se déplace vers le sud.

    « Pour l'Église en Afrique, l'avenir est maintenant », a déclaré le père dominicain Anthony Akinwale, un éminent théologien nigérian qui enseigne actuellement à l'Université Augustine, près de Lagos. « Mais comment l’Église universelle va-t-elle gérer cela ?

    « L’importance croissante » de l’Afrique

    L'Afrique est depuis longtemps reconnue comme un élément central de l'avenir du catholicisme, en grande partie grâce à la croissance rapide et au dynamisme de la foi sur le continent.

    Abritant moins d'un million de catholiques en 1910, la population catholique de l'Afrique s'élève aujourd'hui à 265 millions. L'Afrique représentait 19 % de tous les catholiques en 2021, légèrement derrière les 21 % de l'Europe, selon le Vatican . 

    Mais les deux continents vont dans des directions opposées : la population catholique de l'Europe a diminué de 244 000 personnes cette année-là, tandis que celle de l'Afrique a augmenté de plus de 8 millions. Et d’ici 2050, la part de l’Afrique dans la population catholique mondiale devrait atteindre 32 %, selon la World Christian Database.

    La fréquentation des messes – un indicateur clé de l’engagement religieux – est également considérablement plus élevée dans les pays africains que la moyenne mondiale. Par exemple, 94 % des 30 millions de catholiques du Nigeria assistent à la messe tous les dimanches. En revanche, seulement 5 % des catholiques assistent régulièrement à la messe dans les pays européens comme l’Allemagne et la France.

    Ces indicateurs démographiques font partie de l'histoire de l'importance du catholicisme africain, a déclaré Mgr Emmanuel Badejo du diocèse d'Oyo, au Nigeria. 

    Mais l’évêque nigérian a déclaré que la réponse africaine à Fiducia Supplicans montre également « l’importance croissante » de l’Église catholique en Afrique en tant que voix principale de l’Église universelle, en particulier lorsqu’il s’agit de « maintenir le dépôt de foi que nous avons reçu ». »

    "L'Afrique est plus consciente de son rôle, s'implique davantage dans la vie de l'Église et compte désormais des dirigeants de l'Église qui sont également prêts à aborder les questions qui concernent la foi partout dans le monde, vis-à-vis de notre culture", a déclaré l'évêque. Badejo a déclaré au Register.

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  • Le numéro de La Nef de février vous attend

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    Découvrir le sommaire du numéro­

    Troubles et divisions dans l'Église

    Édito de Christophe Geffroy

    La Déclaration portant sur la bénédiction des "couples en situation irrégulière" a fait couler beaucoup d'encre. Pire, elle a semé troubles et divisions dans l'Église, créant une situation sans beaucoup de précédents. Ce qui ne laisse pas de nous étonner – et nous attriste –, c'est, face à ces réactions honnêtes venues d'une large partie du troupeau, la désinvolture qui semble régner en maître à la tête de l'Église. Découvrir l'édito

    Quelle obéissance est due à Fiducia Supplicans ?

    par le père Max Huot de Longchamp

    Quelle obéissance les fidèles doivent-ils à un tel texte, quand ils sont soucieux de rester dans un esprit filial vis-à-vis du Saint-Père, mais critiques de ce document ? De quel ordre est cette obéissance ? Qu'est-ce qui fonde l'autorité magistérielle d'un tel texte, et quels degrés d'obéissance en découle ? Le père Huot de Longchamp, théologien, nous donne ici toutes les clés pour comprendre quelle attitude pratique adopter face à un texte aussi délicat. Découvrir l'article

    Pourquoi aimons-nous moins la liberté ?

    par Élisabeth Geffroy

    Comment ? Poser aujourd'hui la question de nos libertés ? Pire, de nos libertés menacées ? Dans une société "ouverte" comme la nôtre ? Ridicule, semble-t-il. Et pourtant.... ce questionnement est légitime, nécessaire même. Car il doit avoir lieu en amont de toute advenue tyrannique, avant qu'il ne soit déjà un peu trop tard. La sécurité, devenue valeur maîtresse de nos sociétés, la mentalité du risque-zéro, la perte du sens d'une éducation à la liberté, une vision faussée de la liberté, tout cela nous mène dans une ornière, et nous fait aimer de moins en moins notre liberté. Or, si nous ne la chérissons plus assez, saurons-nous la défendre quand il le faudra ? Découvrir l'article

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  • Rome : la 'Suprema' est de retour

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    D'Andrea Gagliarducci sur le National Catholic Register :

    Le pape François et le retour de la 'Suprema'

    ANALYSE : Une seule présence visible est restée proche du pape François tout au long du pontificat : le cardinal Victor Manuel Fernández.

    29 janvier 2024

    La Congrégation pour la doctrine de la foi s'appelait autrefois La Suprema - "La [Congrégation] suprême" - et le pape lui-même en était le préfet. Au fil du temps, la Secrétairerie d'État a dépassé et éclipsé la CDF. Paul VI a fait de la Secrétairerie d'État le centre de coordination de toute la Curie romaine.

    Le cardinal Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, a ensuite choisi le cardinal Tarcisio Bertone comme secrétaire d'État. Le cardinal Bertone avait été le second du cardinal Ratzinger à la CDF et n'était pas un diplomate. Certains ont décrit ce choix comme un retour à la centralité de la doctrine de la foi dans la vie de l'Église, et ont même vu dans cette nomination un acte politique certifiant une résurgence de la CDF en tant que La Suprema.

    Le pontificat de Benoît XVI a toutefois montré qu'une telle lecture était au mieux inexacte. Même au cours de l'année 2006, très chargée et enivrante, au cours de laquelle Benoît XVI a procédé à de nombreux changements de personnel parmi les plus significatifs et a tracé la voie de son pontificat, il ne s'est jamais comporté de manière antagoniste.

    Benoît a essayé d'unir plutôt que de diviser. Il a appelé à ses côtés des diplomates de longue date tels que les cardinaux Ivan Dias et Giovanni Lajolo et, en même temps, des membres et des anciens membres de la CDF. Sous le pontificat de Benoît XVI, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a poursuivi son travail et on n'a jamais eu l'impression qu'elle avait un poids différent ou un impact plus important. Pas de revanche pour La Suprema, donc.

    Pour cette ironie des ironies, il faudra attendre le pape François.

    On dit que lors des réunions pré-conclaves - "congrégations générales" dans le jargon ecclésiastique - le cardinal Jorge Mario Bergoglio s'est arrêté pour faire l'éloge du travail des diplomates. On dit aussi que Bergoglio avait fait l'éloge du travail des nonces apostoliques dans une de ses interventions spontanées aux congrégations, qui n'a pas été aussi largement diffusée que celle dans laquelle il parlait de l'Église sortante.

    Ensuite, au début de son pontificat, il a souligné qu'il recherchait les hommes de l'ancienne Curie, c'est-à-dire ceux qui connaissaient l'institution et qui la servaient. Cela aussi semblait être un rameau d'olivier tendu à ceux qui avaient été déçus pendant le pontificat de Benoît XVI.

    En outre, dans chaque consistoire, le pape François a presque toujours créé des "cardinaux de remédiation", des hommes âgés de plus de 80 ans et inéligibles au conclave, soi-disant parce qu'ils manifestaient le désaccord de François avec la manière dont les choses avaient été gérées dans le passé. En y regardant de plus près, on constate que nombre d'entre eux sont issus du monde diplomatique. Plus précisément, le pape François a fait cardinal pas moins de trois nonces en activité.

    Tout cela n'a cependant pas signifié une nouvelle centralité pour la Secrétairerie d'État et le monde diplomatique du Vatican. En effet, la Secrétairerie d'État a progressivement perdu sa centralité. Par exemple, le secrétaire d'État a toujours été président du Conseil de surveillance de l'Institut des œuvres de religion (Banque du Vatican). François a mis fin à cette situation. Le secrétaire d'État ne siège même plus au conseil d'administration.

    La Secrétairerie d'État a perdu son autonomie administrative en matière de contrôle financier au profit de l'Administration du patrimoine du Siège apostolique à la suite des enquêtes qui ont conduit au procès sur la gestion des fonds de la Secrétairerie d'État.

    Le pape François, quant à lui, centralise de plus en plus les décisions. On parle parfois d'un "cercle magique" autour du pape François, qui filtre les informations et oriente les décisions. Il s'agit là aussi d'une description inexacte. Il semblerait plutôt que le pape François ait eu plusieurs cercles et qu'il soit passé par plusieurs séries de personnes qui, à un moment donné, ont eu son oreille.

    Même l'infirmière qui lui a sauvé la vie n'a pas été vue aux côtés du pape depuis un certain temps.

    Une seule présence visible est restée proche du pape François tout au long de son pontificat : Le cardinal Victor Manuel Fernández.

    Le pape François l'a nommé préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi. Avec le cardinal Fernández, le DDF mérite à nouveau son surnom de "La Suprema". Et ce, bien que le pape François ait annoncé sa nomination par une lettre dénonçant certaines pratiques immorales du passé avec lesquelles "au lieu de promouvoir la connaissance théologique, on poursuivait des erreurs doctrinales".

    La Suprema est donc de retour sous une nouvelle forme. Elle n'est pas là pour discipliner les théologiens indociles ou pour corriger les opinions qui risquent d'être hérétiques, mais plutôt pour "promouvoir la connaissance théologique". Cela signifie de nouveaux statuts pour la Commission théologique internationale, une plus grande ouverture aux autres disciplines et une grande autonomie dans les choix du cardinal Fernández.

    Le cardinal, pour sa part, n'a pas hésité à rendre publics des documents de réponse chaque fois qu'il estimait nécessaire de marquer un changement, même lorsque ce changement avait déjà eu lieu et qu'il était déjà pratiqué. La déclaration Fiducia Supplicans - que le pape a soutenue dans le discours prononcé devant l'assemblée plénière du dicastère le 26 janvier - en est un exemple clair.

    Personne n'a jamais refusé une bénédiction lorsqu'elle consiste en un signe de croix sur le front. Pourtant, créer et publier une déclaration, c'est donner le feu vert à une procédure qui n'éloigne certainement pas l'Église catholique de la légitimation de toutes sortes d'unions "irrégulières", même si elle laisse la doctrine en place et formellement inchangée. En fait, certains prêtres activistes se sont immédiatement précipités pour donner des bénédictions avec des photographes à leurs côtés.

    Fiducia Supplicans a également suscité une consternation particulière dans le monde orthodoxe oriental, comme l'a expliqué le cardinal Kurt Koch, préfet du Dicastère pour la promotion de l'unité des chrétiens, qui a déclaré avoir reçu des commentaires critiques de la part des Églises sœurs. Quelques jours plus tard, le pape François a nommé le cardinal Fernández membre du dicastère du cardinal Koch et Mgr Armando Matteo, secrétaire du DDF, consultant pour l'unité des chrétiens.

    La nomination du cardinal Fernández comme membre d'Unité Chrétienne s'explique de manière tout à fait raisonnable et courante. Le cardinal Fernández a remplacé son prédécesseur, le cardinal Luis Ladaria, qui a eu 80 ans il y a quelque temps et qui avait déjà servi cinq ans en tant que membre, il était donc temps pour lui de se retirer. La nomination de Mgr Matteo est donc celle qui suscite le plus d'interrogations.

    Les membres des dicastères sont périodiquement convoqués en assemblées plénières qui, sur la base des expériences, des besoins et des attentes des laïcs du monde entier, étudient les grandes lignes de l'orientation et des programmes du dicastère. Il est généralement fait appel à des consultants pour donner des avis qualifiés sur des questions théologiques, canoniques, pastorales et autres.

    Quoi qu'il en soit, il est frappant de constater que l'Unité des chrétiens est le neuvième dicastère auquel le pape François a nommé le cardinal Fernández en tant que membre. Le Pape l'avait initialement nommé membre de sept dicastères (pour l'Évangélisation, à la fois dans sa section pour les questions fondamentales de l'évangélisation dans le monde et dans sa section pour l'établissement et le soutien de nouvelles Églises particulières ; pour les Églises orientales ; pour les Évêques ; pour les Laïcs, la Famille et les Personnes âgées ; pour l'Unité des Chrétiens ; pour l'Église catholique ; pour les laïcs, la famille et la vie ; pour la culture et l'éducation), et l'a ensuite nommé membre du Dicastère pour les textes législatifs, bien que le cardinal Fernández n'ait aucune compétence juridique et qu'il ait refusé d'assumer la responsabilité de la gestion de la section canonique et disciplinaire du DDF.

    En revanche, le cardinal Ladaria n'était membre que de cinq dicastères.

    Le cardinal Fernández est donc appelé à être présent dans diverses réunions, à apporter son point de vue et à faire du Dicastère pour la Doctrine de la Foi une extension du secrétariat personnel du pape François, un département auquel le pape François peut faire appel chaque fois qu'il veut changer quelque chose.

    La Suprema est donc de retour, mais elle est désormais investie d'une suprématie différente, qui n'est pas liée aux institutions curiales mais à la personnalité qui est à la tête de l'ensemble de l'appareil. Toutefois, le pontificat de François est un pontificat très différent, caractérisé avant tout par la personnalité du pape régnant.

    La Suprema est de retour, mais elle n'a pas pris sa revanche. En effet, La Suprema est revenue quelque peu méconnaissable, personnalisée et différente de la façon dont nous nous souvenions d'elle.

    Le risque est que la nouvelle Congrégation suprême sème la désunion. Il est vrai, comme le dit le cardinal Fernández, qu'il n'a pas tant créé de conflits qu'il n'en a provoqué l'émergence. Il lui appartiendra peut-être de décider de les laisser refaire surface ou de les laisser s'envenimer.

  • Pape François : de petits groupes idéologiques s'opposent aux bénédictions pour les personnes de même sexe ; L'Afrique ? un « cas particulier » :

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    Le pape François a "informé" les membres du Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF) du Vatican le vendredi 26 janvier 2024 en ces termes que communique le « national catholic register » :

    "Dans l'Église, il y a toujours eu de petits groupes qui manifestent des réflexions de nature schismatique", a déclaré le Pape. "Il faut les laisser continuer et disparaître... et regarder vers l'avenir."

    Le pape François a suggéré que l'opposition à l'approbation par le Vatican des bénédictions non liturgiques pour les couples de même sexe provenait principalement de « petits groupes idéologiques », à l'exception de l'Afrique, qui, selon lui, constitue « un cas particulier ».

    "Ceux qui protestent avec véhémence appartiennent à de petits groupes idéologiques", a déclaré François lundi dans une interview accordée au journal italien La Stampa , selon une traduction anglaise du journal Vatican News, géré par l'Église . 

    Concernant les évêques d'Afrique, qui ont exprimé certaines des plus vives critiques à l'égard de telles bénédictions, le pontife a déclaré qu'ils constituent « un cas particulier » car « pour eux, l'homosexualité est quelque chose de 'laid' du point de vue culturel ; ils ne le tolèrent pas.

    Le Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF), dirigé par le cardinal Víctor Manuel Fernández , a publié le 18 décembre 2023 une déclaration intitulée Fiducia Supplicans , qui a provoqué une réaction violente. La déclaration autorise les bénédictions pastorales « spontanées » pour les « couples de même sexe » et d’autres couples en « situation irrégulière », mais n’autorise pas les bénédictions liturgiques, la reconnaissance des unions civiles ou toute action qui ferait ressembler les bénédictions à un mariage.

    Les évêques du monde entier sont divisés sur la manière de mettre en œuvre le document ou sur l’opportunité de le mettre en œuvre.

    Le Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar, qui représente l'ensemble des conférences épiscopales africaines, refuse de bénir les couples de même sexe. Dans un communiqué, il a déclaré que de telles bénédictions ne pourraient pas être réalisées sur le continent « sans s’exposer à des scandales ». 

    Les conférences épiscopales de Hongrie et de Pologne ont également rejeté toute bénédiction pour les couples de même sexe, tout comme plusieurs autres évêques à travers le monde.

    Alternativement, les présidents des conférences épiscopales d'autres pays, comme l'Autriche, l'Allemagne et l'Argentine, ont adopté la déclaration et l'opportunité de bénir les couples de même sexe. Certaines autres conférences épiscopales, comme celle des États-Unis , ont accepté la déclaration mais ont mis l'accent sur la nécessité de garantir que de telles bénédictions ne soient pas confondues avec un changement dans l'enseignement de l'Église.

    François, dans son interview, a rejeté l'idée que cette division pourrait déclencher un schisme au sein de l'Église catholique. 

    "Dans l'Église, il y a toujours eu de petits groupes qui manifestent des réflexions de nature schismatique", a déclaré le Pape. "Il faut les laisser continuer et disparaître... et regarder vers l'avenir."

    François a déclaré qu'il espérait que « progressivement, tout le monde sera rassuré sur l'esprit de la déclaration », qui, selon lui, « vise à inclure ; pas diviser. Il a ajouté que la déclaration « nous invite à accueillir puis à confier les personnes, et à faire confiance à Dieu ».

    "L'Évangile doit sanctifier tout le monde", a déclaré le pontife. « Bien sûr, il faut de la bonne volonté. Et il faut donner des instructions précises sur la vie chrétienne (j'insiste sur le fait que ce n'est pas l'union qui est bénie, mais les personnes). Mais nous sommes tous pécheurs : pourquoi devrions-nous faire une liste des pécheurs qui peuvent entrer dans l’Église et une liste des pécheurs qui ne peuvent pas être dans l’Église ? Ce n’est pas l’Évangile.

    Plus tôt ce mois-ci, le DDF a publié un communiqué de presse de cinq pages en réponse aux réactions négatives de certains évêques. Le communiqué de presse, rédigé par Fernández, indique que l'opposition « ne peut être interprétée comme une opposition doctrinale car le document est clair et définitif sur le mariage et la sexualité ».

    "Il n'y a aucune place pour nous distancier doctrinalement de cette déclaration ou pour la considérer comme hérétique, contraire à la tradition de l'Église, ou blasphématoire", a déclaré le cardinal ».

    Bref, circulez, il n’y a rien à voir…

  • " Fiducia Supplicans " n'appartient pas au magistère authentique

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    Du blogue d'Edward Pentin :

    " Fiducia Supplicans " n'appartient pas au magistère authentique; le Père Bux appelle le cardinal Fernández à démissionner.

    25 janvier 2024

    Un ancien consulteur du Dicastère pour la Doctrine de la Foi a déclaré qu'il croyait que parce que Fiducia Supplicans "n'appartient pas au Magistère authentique", elle n'est pas contraignante et donc "on ne peut même pas y adhérer avec l'assentiment religieux de la volonté et de l'intellect".

    Il a également demandé la démission ou le renvoi de son auteur principal, le cardinal Víctor Manuel Fernández, car "le soupçon d'ignorance et de mauvaise foi pèsera sur [lui] dans tout document qu'il signera par la suite".

    Dans une interview accordée à ce site le 18 janvier, le père Nicola Bux, théologien respecté et ami du défunt pape Benoît XVI, a évoqué les retombées de la publication de la déclaration qui autorise les bénédictions entre personnes de même sexe sous certaines conditions.

    Fiducia Supplicans, approuvée par le pape François, a été signée par le cardinal Fernández, préfet du dicastère de la doctrine de la foi, et le secrétaire du dicastère, Mgr Armando Matteo, et publiée le 18 décembre.

    Le père Bux explique comment le document a été reçu en Italie, ce qu'il a pensé du communiqué de presse du 4 janvier visant à clarifier la déclaration, et ce que tout cela pourrait signifier pour l'avenir de l'Église et le prochain conclave.

    "Le drame de l'Église aujourd'hui est la séparation de la pastorale et de la doctrine, c'est-à-dire de l'amour et de la vérité", déclare le père Bux. "Et nous le payons cher, comme l'avait prédit Jean-Paul II.

    Le pape François devrait annuler Fiducia Supplicans et remplacer le préfet par un homme à la "doctrine sûre, solide et pure", pour reprendre les mots de l'apôtre à Tite.

    Père Bux, quelle a été la réaction générale à la Fiducia Supplicans en Italie - plutôt contraire, à votre avis, favorable ou ambivalente ?

    En raison de leur proximité avec le Siège apostolique, les évêques italiens semblent être comme des chiens muets : ils approuvent ou ils s'opposent, ou ils craignent les "représailles". Parmi les fidèles et les non-pratiquants, il y a ceux qui considèrent Fiducia Supplicans, et les tentatives de la justifier, comme une insulte à leur intelligence. Et puis il y a ceux qui connaissent la doctrine de la foi et de la morale, en particulier les normes de la Révélation, et qui posent le premier dubium [doute ou question] aux cinq cardinaux envoyés l'été dernier : L'Église peut-elle aujourd'hui enseigner des doctrines contraires à celles qu'elle a déjà enseignées en matière de foi et de morale, que ce soit par le pape ex cathedra, par les définitions d'un concile œcuménique ou par le magistère ordinaire universel des évêques dispersés dans le monde entier (cf. Lumen Gentium 25) ?

    Il est certain que Fiducia Supplicans n'appartient pas au "Magistère authentique" et n'est donc pas contraignant parce que ce qui y est affirmé n'est pas contenu dans la parole écrite ou transmise de Dieu et que l'Église, le Pontife romain ou le Collège des évêques, soit définitivement, c'est-à-dire par un jugement solennel, soit avec le Magistère ordinaire et universel, propose de croire comme divinement révélée. On ne peut même pas y adhérer par un assentiment religieux de la volonté et de l'intelligence.

    Que pensez-vous du communiqué de presse du 4 janvier visant à clarifier la déclaration ? A-t-il résolu quoi que ce soit ?

    L'ignorance prédomine dans la majorité des baptisés, du fait que pendant des décennies, les questions sociales ont été préférées à la catéchèse ; pour les couples hétérosexuels et homosexuels en situation irrégulière, ce qui s'applique aujourd'hui est : l'amour est l'amour. Ceux qui utilisent la logique s'y opposent et c'est alors que surgit le deuxième dubium des cardinaux : Est-il possible que, dans certaines circonstances, un pasteur puisse bénir des unions entre personnes homosexuelles, suggérant ainsi que le comportement homosexuel en tant que tel ne serait pas contraire à la loi de Dieu et au chemin de la personne vers Dieu ? À ce dubium s'en ajoute un autre : L'enseignement soutenu par le magistère ordinaire universel reste-t-il valable, à savoir que tout acte sexuel en dehors du mariage, et en particulier les actes homosexuels, constitue un péché objectivement grave contre la loi de Dieu, quelles que soient les circonstances dans lesquelles il a lieu et l'intention avec laquelle il est accompli ? La déclaration du 4 janvier est donc une tentative classique de masquer les fissures.

    Êtes-vous d'accord avec le fait que la déclaration a mis en évidence des divisions qui étaient déjà présentes mais qui sont maintenant étalées au grand jour ?

    Benoît XVI, dans ses Notes du 11 avril 2019, a décrit l'origine de la débâcle de la morale catholique, et donc aussi des divisions entre catholiques, du fait de considérer que la cohabitation d'un couple hétérosexuel et d'un couple homosexuel n'est pas un péché. La division ou le schisme, auparavant submergé, a maintenant émergé. Nous verrons si elle sera officiellement déclarée lors d'un prochain événement ecclésial, tel qu'un synode ou un conclave. Il est certain que le prochain pape devra faire les comptes et décider s'il faut approfondir la division ou la réparer en convoquant un concile. Quel que soit le candidat au poste de pape, il devra être invité, lors des congrégations pré-conclaves, à répondre aux dubia accumulés depuis 2015, faute de quoi la division de l'Église s'aggravera.

    Pourquoi pensez-vous qu'il y a eu une opposition principalement en Afrique, en Europe centrale et orientale et pas tellement aux États-Unis et dans d'autres pays principalement occidentaux ?

    Car dans ces régions, c'est-à-dire dans l'hémisphère nord et occidental, après Vatican II, l'Église a été confrontée à l'idéologie relativiste qui avait pénétré la morale et démoli la loi naturelle, la formation à la doctrine et la vie dans le Christ - c'est-à-dire la morale catholique, en lutte contre la pensée néo-païenne. Demandez ensuite à un juif s'il s'agit d'une bénédiction (berakah) lorsqu'elle n'a pas de caractère sacré (disons qu'elle n'est pas liturgique) et si l'on peut bénir quelque chose que Dieu maudit et abhorre, comme un péché contre la nature. Un ami juif qui a entendu parler de Fiducia Supplicans m'a dit : "Le pape ne connaît-il pas la Bible ? Sans parler de la ridiculisation des musulmans et de l'éloignement des orthodoxes qui déclarent désormais impossible l'unité avec les catholiques. Fiducia Supplicans et les communiqués qui ont suivi sont le résultat de l'ignorance du préfet Fernandez.

    Quelle est la meilleure façon de résoudre la confusion et la division résultant de Fiducia Supplicans ?

    Expliquez qu'il n'y a rien de pastoral sans "pasto" (repas) car "la doctrine est en fait comme la nourriture, dont le possesseur est celui qui la distribue" (St. Grégoire Nazianze). La doctrine est donc pastorale, mais si le berger ne l'a pas, il ne peut pas faire de pastorale. Le drame de l'Église aujourd'hui est la séparation de la pastorale et de la doctrine, c'est-à-dire de l'amour et de la vérité. Et nous le payons cher, comme l'avait prédit Jean-Paul II. Le pape François devrait annuler Fiducia Supplicans et remplacer le préfet par un homme à la "doctrine sûre, solide et pure", pour reprendre les mots de l'apôtre à Tite.

    Comment pensez-vous que cette affaire affectera le prochain Conclave ?

    Il est certain que le prochain pape, s'il ne veut pas l'être seulement pour une partie de l'Eglise, devra se poser la question : quelle est la mission de l'Eglise ? Se conformer au monde ou le sauver ? L'unité de l'Église catholique est compromise par Fiducia Supplicans parce que, sur une vérité morale aussi essentielle, elle accepte, dans la pratique, des points de vue opposés entre les Églises dispersées dans le monde. Un exemple : Le nouvel évêque de Foggia a déclaré que son église serait "l'église de François qui bénit tout le monde". Mais l'Église n'est-elle pas celle de Jésus-Christ ?

    Fernandez s'est discrédité en publiant un document à l'opposé de celui de son prédécesseur, [le cardinal Luis] Ladaria, en 2021. S'agirait-il d'un "développement" ou plutôt d'une hétérogénéité de la doctrine ? Le dicastère et le Saint-Siège se sont humiliés. Quelqu'un a déjà rebaptisé le Dicastère "pour la destruction de la foi". Le soupçon d'ignorance et de mauvaise foi pèsera sur Fernandez dans tout document qu'il signera ultérieurement. Il devrait démissionner.

  • Un enfer vide... Vraiment ?

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    De Ralph Martin sur le National Catholic Register :

    Qu'enseigne l'Église catholique sur l'occupation de l'enfer ?

    COMMENTAIRE : Les récentes remarques spontanées du Pape ont fourni un moment d'enseignement sur l'universalisme et la réalité.

    26 janvier 2024

    Le pape François a suscité la controverse avec une remarque informelle sur l'enfer qu'il a faite le 14 janvier lors d'une interview en direct d'une heure avec une émission de télévision italienne populaire. 

    Tout en reconnaissant qu'il ne s'agit que de son point de vue personnel et non d'un "dogme de foi", le Saint-Père a émis l'hypothèse que l'enfer pourrait être vide et a exprimé l'espoir que ce soit le cas : "Ce que je vais dire n'est pas un dogme de foi, mais mon opinion personnelle : J'aime penser que l'enfer est vide ; j'espère qu'il l'est".

    Tout d'abord, qu'est-ce qu'un "dogme" ? 

    En bref, un dogme est une déclaration de l'Église concernant une vérité révélée par Dieu et nécessaire à notre salut. Bien que le pape ne fasse que spéculer sur la possibilité que l'enfer soit vide, ce qu'il espère, et qu'il précise qu'il ne s'agit pas d'un enseignement officiel de l'Église, il n'en demeure pas moins que cette déclaration est extrêmement préjudiciable. 

    Il joue sur une sympathie largement répandue pour une hérésie appelée "universalisme", qui enseigne que peut-être - ou certainement - tout le monde finira par se retrouver au paradis. Dans certaines variantes, même le diable et les démons seront sauvés. Mais nous y reviendrons plus tard. 

    Dans ce contexte, il est donc extrêmement important que nous sachions ce que Dieu nous a révélé sur la réalité de l'enfer et sur la possibilité d'y finir. Malheureusement, ces vérités très importantes sont rarement prêchées ou enseignées. Mais la bonne nouvelle, c'est que les remarques du pape offrent un moment d'enseignement, où l'on peut prêter attention à ces vérités. 

    Heureusement, nous disposons aujourd'hui du Catéchisme de l'Église catholique, qui transmet de manière fiable l'enseignement constant de l'Église sur les quatre dernières choses (la mort, le jugement, le ciel et l'enfer). Nous devons savoir ce que l'Église enseigne au sujet de l'enfer si nous voulons garder la tête claire et les pieds sur le bon chemin dans ce climat de confusion, de vœux pieux et de déni. 

    Qu'enseigne le catéchisme ?

    S'appuyant sur les Saintes Écritures et la Sainte Tradition, le Catéchisme enseigne clairement que toute personne qui meurt sans s'être repentie de son péché mortel ira directement en enfer : 

    "L'enfer est l'état d'auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et les bienheureux, réservé à ceux qui refusent par leur propre choix de croire et de se convertir du péché, même jusqu'à la fin de leur vie" (1033).

    "L'enseignement de l'Église affirme l'existence de l'enfer et son éternité. Immédiatement après la mort, les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent en enfer, où elles subissent les châtiments de l'enfer, le "feu éternel". Le principal châtiment de l'enfer est la séparation éternelle d'avec Dieu, en qui seul l'homme peut posséder la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire" (1035 ; voir aussi 393).

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  • Existe-t-il des actes intrinsèquement immoraux ? Débat de théologie morale (A. Dumouch / M. Lavagna)

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    Existe-t-il des actes intrinsèquement immoraux ? Débat de théologie morale, A. Dumouch / M. Lavagna/ (77 mn)

    Un passionnant débat qui permet de comprendre la tension dans l’Eglise actuelle à propos d’une soit-disant opposition entre les positions du pape Benoît XVI et celles du pape François et de se réconcilier avec l’Eglise :

    Il y a les tenants de Benoît XVI que Mathieu Lavagna défend ici en exaltant cette phrase du jeune saint Paul : 1 Co 10, 13 « Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces ; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d'en sortir et la force de la supporter ». Matthieu en conclut : On peut toujours appliquer à la lettre la morale universelle.

    Il y a les tenants du pape François, pasteur de terrain, qui citent plutôt cette autre phrase du vieux saint Paul : « 2 Co 1, 8 Car nous ne voulons pas que vous l'ignoriez, frères : la tribulation qui nous est survenue en Asie nous a accablés à l'excès, au delà de nos forces, à tel point que nous désespérions même de conserver la vie ». Souvent, ces théologiens en deviennent « circonstantialistes » et en arrivent à tout justifier à cause des circonstances tragiques de certaines situations.

    Arnaud Dumouch pense qu’il faut unir les deux phrases de saint Paul (morale universelle et constatation de ce qu’est la réalité de la vie) et qu’alors seulement, la théologie morale est complète. Même la pastorale que Dieu utilise est surprenante et les scolastiques ne comprennent pas ce genre de verset : « 2 Samuel 22, 26 Tu es fidèle, Ô Dieu, avec le fidèle, sans reproche avec l'irréprochable, pur avec qui est pur mais rusant avec le fourbe ». Il insiste donc sur la complémentarité entre Benoît XVI (théologien) et François (Pasteur) car « Vérité et amour doivent marcher ensemble comme deux affectionnées ».

  • Bénir les personnes sans bénir les unions (pape François)

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    De Joseph Tulloch sur Vatican News :

    Le pape François : Bénir les personnes, pas l'union

    Dans un discours à l'assemblée plénière du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, le Pape François parle des Sacrements, de la dignité humaine, de l'évangélisation et de la Fiducia supplicans

    Le pape François s'est adressé vendredi au Dicastère pour la doctrine de la foi, à l'occasion de la clôture de son assemblée plénière annuelle.

    Remerciant les fonctionnaires pour leur "travail précieux", le pape a rappelé que, lors de sa réforme de la Curie romaine en 2022, il avait divisé le Dicastère en deux sections, l'une s'occupant de la Doctrine et l'autre de la Discipline.

    C'est le premier sujet qu'il a voulu aborder dans son discours, et il a proposé un certain nombre de réflexions articulées autour de trois mots : Sacrements, dignité et foi. 

    Nouveau document du DDF

    Le premier mot que le pape François a abordé dans son discours est celui de "sacrements".
    Les sacrements, a-t-il dit, "nourrissent et font croître la vie de l'Église", et requièrent donc "une attention particulière" de la part de ceux qui les administrent.

    "Aimons et chérissons la beauté et la force salvatrice des sacrements", a exhorté le pape aux responsables de la DDF.

    Le Pape François a ensuite abordé la question de la dignité, notant que la DDF "travaille sur un document à ce sujet".

    "J'espère qu'il nous aidera, en tant qu'Église, à être toujours proches de tous ceux qui, sans fanfare, dans la vie quotidienne concrète, luttent et paient personnellement le prix de la défense des droits de ceux qui ne sont pas pris en compte.

    Annoncer l'Évangile aujourd'hui

    Le troisième thème abordé par le Pape, celui de la foi, est celui sur lequel il s'est attardé le plus longtemps.
    "Nous ne pouvons pas cacher le fait que, dans de vastes régions de la planète, la foi, comme l'a dit Benoît XVI, ne constitue plus une condition évidente pour la vie en commun.

    En effet, a noté le pape François, la foi est souvent "niée, moquée, marginalisée et ridiculisée".

    La proclamation et la communication de la foi dans le monde d'aujourd'hui, a-t-il dit, doivent donc prendre en compte un certain nombre de facteurs.

    En particulier, le pape François a précisé les "nouvelles cultures urbaines, avec leurs nombreux défis mais aussi les questions de sens sans précédent qu'elles soulèvent", la nécessité d'une "conversion missionnaire des structures ecclésiales" et, enfin, "la centralité du kérygme [l'annonce] dans la vie et la mission de l'Église".

    "C'est là, a dit le Pape, que l'on attend l'aide de ce Dicastère.

    Bénédictions pastorales

    C'est "dans ce contexte d'évangélisation", a poursuivi le pape François, qu'il a voulu mentionner la récente déclaration Fiducia supplicans.

    Le but des "bénédictions pastorales et spontanées" dont il est question dans cette déclaration, a souligné le Pape, est de "manifester concrètement la proximité du Seigneur et de l'Église à tous ceux qui, se trouvant dans des situations différentes, demandent de l'aide pour continuer - parfois pour commencer - un chemin de foi".

    À cet égard, le pape a mis l'accent sur deux points.

    Premièrement, a-t-il dit, "ces bénédictions, en dehors de tout contexte liturgique et de toute forme, ne requièrent pas la perfection morale pour être reçues".

    Deuxièmement, il a noté que "lorsqu'un couple s'approche spontanément [d'un ministre] pour les demander, il ne bénit pas l'union, mais simplement les personnes qui, ensemble, l'ont demandée".

    "Pas l'union, a souligné le pape, mais les personnes, en tenant compte naturellement du contexte, des sensibilités, des lieux où l'on vit, et des manières les plus appropriées de le faire.

  • Fiducia Supplicans : le colonialisme culturel en action ?

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    Du Catholic World Report (Anne Hendershott) :

    Les évêques africains, Fiducia Supplicans et la colonisation culturelle

    La tentative d'imposer des notions occidentales sur les relations entre personnes de même sexe dure depuis un certain temps, et le Vatican fait maintenant partie du problème.

    23 janvier 2024  The Dispatch 0Imprimer

    Considérant la déclaration du Vatican Fiducia Supplicans "en contradiction directe avec l'éthique culturelle des communautés africaines", les évêques africains ont formellement publié le 11 janvier une déclaration de protestation intitulée "Pas de bénédiction pour les couples homosexuels dans les églises africaines".

    Signée par le cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu, président du Symposium des Conférences Épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM), la déclaration reconnaît l'"onde de choc" provoquée par la Fiducia Supplicans, déclarant qu'"elle a semé des idées fausses et des troubles dans l'esprit de nombreux fidèles laïcs, de personnes consacrées et même de pasteurs et qu'elle a suscité de vives réactions".

    Bien que la déclaration du SCEAM ait explicitement nié que le pape François tentait d'imposer " toute forme de colonisation culturelle en Afrique ", il est difficile de soutenir une telle déclaration alors que Fiducia Supplicans porte elle-même les marques de la colonisation culturelle - une tentative d'imposer le pouvoir d'État colonial du Vatican par la subordination culturelle d'un cadre conceptuel ou d'une identité culturelle par rapport à un autre en Afrique.

    Alors que le SCEAM reconnaît que la déclaration du Vatican sur les bénédictions homosexuelles "ne change pas l'enseignement de l'Église sur la sexualité humaine et le mariage", la déclaration des évêques africains se plaint que "le langage qu'elle utilise reste trop subtil pour être compris par les gens simples".

    On peut affirmer que l'ambiguïté sophistiquée de Fiducia Supplicans est en soi une marque de colonialisme culturel, car la déclaration peut être définie différemment par ceux qui ont le pouvoir d'imposer leurs propres interprétations de la valeur des relations homosexuelles à d'autres qui ont des interprétations très différentes. Voilà ce qu'est le colonialisme culturel. Le concept de colonialisme culturel reconnaît l'importance de la culture en tant que support du pouvoir politique et économique. Nous avons vu dans notre propre pays qu'il n'est pas nécessaire de recourir à des actions militaires pour modifier radicalement les lois sur des questions telles que les droits génésiques - y compris l'avortement - et la transition de genre.  Changer la culture peut avoir des conséquences tout aussi puissantes que la guerre.

    L'Église a depuis longtemps mis en garde contre les conséquences de l'imposition d'un changement culturel radical sur les mœurs, y compris sur l'éthique sexuelle et les questions relatives à la vie. Elle a toujours conseillé aux catholiques d'être "contre-culturels" sur les questions de vie et de mariage en rejetant l'adoption par la culture occidentale des droits reproductifs, en respectant toute vie depuis la conception jusqu'à la mort naturelle et en protégeant le mariage comme une union entre un homme et une femme. Mais aujourd'hui, d'une certaine manière, le Vatican tente apparemment de nous demander à tous de valider certaines des valeurs culturelles les plus décadentes de la culture dominante.

    Le cardinal Fridolin Ambongo, président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM), en expliquant le rejet africain de la bénédiction des couples homosexuels, a fait remarquer que l'Occident avait perdu le sens du mariage et de la culture, qui, selon lui, "est en déclin...". "Peu à peu, a-t-il déclaré, ils vont disparaître. Ils vont disparaître. Nous leur souhaitons une bonne disparition..." En substance, il s'agissait d'une réprimande claire du colonialisme culturel.

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  • Fiducia supplicans face au sens de la foi

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    D'Emmanuel Perier sur le site de la Revue Thomiste :

    Fiducia supplicans face au sens de la foi

     
    La déclaration “Fiducia supplicans” du 18 décembre 2023 a suscité un grand émoi. Dans ce premier article, nous en donnons les raisons principales.

    Fils de l’Église fondée sur les apôtres, nous ne pouvons qu’être alarmés du trouble dans le peuple chrétien suscité par un texte venant de l’entourage du Saint-Père[1]. Il est insupportable de voir des fidèles du Christ perdre confiance dans la parole du pasteur universel, de voir des prêtres déchirés entre leur attachement filial et les conséquences pratiques auxquelles ce texte leur imposera de faire face, de voir des évêques se diviser. Ce phénomène de grande ampleur auquel nous assistons indique une réaction du sensus fidei. On appelle « sens de la foi (sensus fidei) » l’attachement du peuple chrétien aux vérités touchant la foi et les mœurs[2]. Cet attachement commun, « universel » et « indéfectible », vient de ce que chaque croyant est mû par l’unique Esprit de Dieu à embrasser les mêmes vérités. C’est pourquoi, lorsque des affirmations touchant à la foi et aux mœurs viennent heurter le sensus fidei se produit à leur égard un mouvement instinctif de défiance qui se manifeste collectivement. Il est cependant nécessaire d’en sonder la légitimité et les motifs. Nous nous en tenons ici aux six raisons qui nous semblent les plus saillantes.

    Lire la suite sur le site de la Revue Thomiste