Lu sur le site du mensuel « La Nef » :
« S’il est juste de dénoncer et combattre le « cléricalisme » en tant qu’abus d’autorité, il serait erroné de penser que la solution serait dans la désacralisation de la personne du prêtre. Explication.
L’explosion de scandales mettant en cause des prêtres fait apparaître une profonde crise du clergé. Lorsque le pape François a pointé le cléricalisme comme abus de pouvoir, certains se sont empressés de reprendre le terme pour mieux attaquer l’identité sacerdotale. Plutôt que de pointer un doigt accusateur sur les prêtres, la crise actuelle ne nous invite-t-elle pas à un regard surnaturel ? Le cléricalisme a pris des formes très diverses en France, essayons de comprendre à quel cléricalisme nous avons affaire aujourd’hui.
L’héritage empoisonné des années 1970
Autour des années 1970, on a désacralisé les prêtres pour lutter contre le cléricalisme. Tout ce qui maintenait le prêtre à part devait être aboli. La soutane était trop cléricale ! On a vu des prêtres abandonner l’habit ecclésiastique pour être plus proches des laïcs, se faire tutoyer pour briser les barrières sociales archaïques. Devenu un homme comme les autres, que reste-t-il au prêtre ? Sa vie est fondée sur une identification au Christ qui le met à part, non pas au-dessus, ni en dehors, mais face à l’Église, comme dit Jean-Paul II. Sans cette dimension sacrée, que reste-t-il de l’identité sacerdotale ? Une fonction : gouverner la communauté. Certains clercs ont ainsi renoncé à tout leur être sacerdotal et se sont cramponnés à leur pouvoir sur la communauté. Au fond, n’est-ce pas tout ce qui leur était laissé ?
Le cléricalisme d’aujourd’hui a sa racine dans cette négation d’hier. On a réduit la vie des prêtres à un pouvoir, une fonction dans les communautés. Or le prêtre gouverne pour servir les âmes, pour célébrer la messe et les sacrements. Nier la dimension sacrée du prêtre, c’est refuser que Dieu puisse mettre à part certains hommes pour le bien de tous. L’enjeu est de taille. Des hommes, pour lesquels l’Église a discerné une vocation d’origine surnaturelle sont chargés d’exercer l’autorité du Christ. Ils ne peuvent pas vivre ce charisme de manière anodine, comme une fonction au milieu des hommes. Ils doivent annoncer Jésus par toute leur vie, par la prière des Heures, leur désir de suivre les conseils évangéliques et de tenir leur place au sein des communautés.
« Dans l’Église, l’atmosphère devient angoissante et étouffante si les ministres oublient que le sacrement n’est pas un partage de pouvoir, mais au contraire une désappropriation de moi-même en faveur de Celui en la personne de qui je dois parler et agir. Lorsqu’à une responsabilité toujours plus importante correspond une désappropriation personnelle toujours plus grande, alors personne n’est l’esclave de personne ; alors c’est le Seigneur qui préside » (1). Comment aider les prêtres à suivre le Christ dans un esprit de service, sinon en acceptant qu’ils soient mis à part pour notre sanctification ? Voir dans le prêtre un homme de Dieu n’est pas une forme de sujétion des laïcs, mais plutôt la redécouverte, dans un esprit de foi, que Dieu appelle des hommes à son service aujourd’hui. Des hommes, avec leurs limites, qui ont reçu une grâce invisible : ils sont les intendants des dons de Dieu.