Avec la « démarche synodale » qu’elle vient d’engager, l’Église d’Allemagne va-t-elle rompre avec le magistère de l’Église universelle ? Lu sur le site web du mensuel « La Nef » :
« Les observateurs présents lors de la récente réunion de la Conférence épiscopale allemande, dans la petite ville de Lingen (Basse-Saxe), en mars dernier, ne s’y sont pas trompés. La décision annoncée par le cardinal Marx, l’homme fort de l’Église allemande, d’engager celle-ci dans une « démarche synodale » (synodaler Weg) est apparue pour beaucoup comme la première étape d’un Sonderweg, d’une voie particulière par rapport à l’Église universelle.
Cette crise, qui couvait depuis plusieurs années, frappe une Église qui présente aujourd’hui trois traits caractéristiques.
Il s’agit, tout d’abord, d’une Église puissante dans son apparence. Puissante en moyens financiers, grâce au système du Kirchensteuer, c’est-à-dire la taxe prélevée directement sur les salaires au même titre que les impôts et destinée au financement des églises (environ 8 % des impôts), et qui permet de faire vivre un nombre considérable d’institutions sociales et éducatives. Puissante en moyens intellectuels, grâce à son réseau de facultés de théologie, qu’elles soient publiques (au nombre de 15), diocésaines (Trèves, Fulda et Paderbon) et religieuses (par exemple, les facultés jésuites de Francfort-sur-le-Main et de Munich).
Il s’agit, ensuite, d’une Église largement dévitalisée dans sa réalité. Le nombre de prêtres, d’environ 26 000 en 1970, s’établit à 13 000 aujourd’hui, tandis que les ordinations sont passées, pendant la même période, d’environ 300 à 60. Quant à la pratique religieuse, elle s’est littéralement effondrée, et le nombre de fidèles demandant à sortir de l’Église (Kirchenaustritt) atteint en moyenne 160 000 par an, ce qui pourrait, à terme, menacer la pérennité même du Kirchensteuer. Reste encore un réseau important d’assistants pastoraux, c’est-à-dire de laïcs payés par l’Église, qui assurent pour une large part l’animation catéchétique et le quotidien des paroisses.
Il s’agit, enfin, d’une Église progressiste dans sa majorité, et ce au moins depuis le concile Vatican II, où ses cardinaux Döpfner (Munich) et Frings (Cologne) y jouèrent un rôle éminent. C’est dans cette direction et animés d’un solide complexe anti-romain que, dans les années qui suivirent le concile, des théologiens de langue allemande exercèrent une influence considérable sur la théologie européenne et nord-américaine, avec les noms connus de Karl Rahner, Hans Küng et Johann-Baptist Metz.