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Judaïsme

  • Une « nouvelle direction » dans les relations entre catholiques et juifs ?

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    De Luke Coppen sur The Pillar :

    À quoi pourrait ressembler une « nouvelle direction » dans les relations entre catholiques et juifs ?

    S'exprimant à la veille du deuxième anniversaire de l'attaque du 7 octobre menée par le Hamas contre Israël, le patriarche latin de Jérusalem a suggéré qu'une nouvelle impulsion était nécessaire, non seulement concernant le peuple juif mais aussi l'État israélien.

    « En tant que catholiques, nous devons aussi comprendre que pour le peuple juif, l'État d'Israël n'est pas un État parmi d'autres. C'est une référence importante », a-t-il déclaré .

    Pourquoi Pizzaballa croit-il qu’il est nécessaire de changer les relations entre catholiques et juifs et comment l’envisage-t-il ?

    Le problème

    Le cardinal Pizzaballa estime que les relations entre catholiques et juifs se sont détériorées depuis l'attaque du 7 octobre 2023 contre Israël, au cours de laquelle plus de 1 000 civils et membres des forces de sécurité ont été tués.

    Il n'est pas le seul à penser cela. C'est d'ailleurs un point de vue commun des deux côtés.

    Après l'attaque du 7 octobre, Israël a lancé une invasion de Gaza, la bande de terre entre Israël et la mer Méditerranée contrôlée par le Hamas, que les États-Unis et d'autres pays occidentaux ont désignée comme groupe terroriste. Plus de 67 000 Palestiniens ont été tués dans cette guerre à ce jour, selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas.

    Fin octobre 2023, le pape François aurait eu une conversation téléphonique « tendue » avec le président israélien Isaac Herzog. Selon le Washington Post, le pape aurait déclaré qu'il était « interdit de répondre au terrorisme par le terrorisme ». Herzog aurait répondu que l'invasion de Gaza était nécessaire pour défendre le peuple israélien.

    Le 22 novembre 2023, le pape François a rencontré séparément au Vatican les proches d'otages israéliens détenus par le Hamas et les familles palestiniennes touchées par la guerre de Gaza. Lors d'une audience générale plus tard dans la journée, le pape a déclaré avoir entendu les souffrances de ces deux groupes.

    « Ce n’est pas une guerre, c’est du terrorisme », a-t-il déclaré.

    Dans un discours de l'Angélus du 17 décembre 2023 , le pape François a condamné le meurtre d'une mère et de sa fille dans l'enceinte de la seule église catholique de Gaza - un acte attribué à des tireurs d'élite israéliens par le Patriarcat latin mais nié par les Forces de défense israéliennes.

    « Certains disent : "C'est du terrorisme et de la guerre" », a déclaré le pape. « Oui, c'est la guerre, c'est du terrorisme. »

    Dans une lettre adressée aux catholiques du Moyen-Orient à l'occasion du premier anniversaire des attentats du 7 octobre, le pape François a exprimé sa solidarité avec le peuple de Gaza, mais a été critiqué pour ne pas avoir fait référence au peuple juif ou à Israël.

    Dans un livre publié en novembre 2024, le pape a déclaré que les allégations selon lesquelles Israël commettait un génocide à Gaza devraient faire l’objet d’une « enquête approfondie », suscitant des critiques de la part des responsables israéliens.

    Le pape François est resté en contact quasi quotidien avec la paroisse de la Sainte Famille de Gaza jusqu'à sa mort le 21 avril 2025.

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  • Israël et les trois derniers papes. Le récit du grand rabbin de Rome

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo, en français sur diakonos.be :

    Israël et les trois derniers papes. Le récit du grand rabbin de Rome

    Le dialogue entre le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni (photo) et le journaliste Juif « dissident » Gad Lerner – vient de faire l’objet d’un livre récemment publié en Italie sous le titre « Ebrei in guerra » — et qui consacre un chapitre entier consacré aux relations entre l’Église de Rome et Israël. Avec des observations très intéressantes, d’autant plus après le oui du Hamas à la libération de tous les otages et après les déclarations du Secrétaire d'État du Vatican Pietro Parolin à l'Osservatore Romano, à l'occasion du deuxième anniversaire du massacre du 7 octobre.

    Di Segni précise d’emblée que « la condition juive est complexe, la religion et la nation sont étroitement liées ». Et ce sont précisément les réponses de l’Église catholique à cette complexité, avec ses hésitations et ses contradictions, qui ont rythmé ces les hauts et les bas des relations entre les deux religions ces dernières décennies.

    D’après le grand rabbin de Rome, ce dialogue a atteint son apogée avec Benoît XVI qui « a écrit des choses très importantes et positives sur le judaïsme ».

    Benoît XVI a su aller au cœur de l’incompréhension entre ces deux confessions. « Alors qu’aux yeux des chrétiens, il est incompréhensible que les Juifs ne croient pas dans le Christ, pour les Juifs en revanche il paraît incompréhensible que les chrétiens y croient. Cette incompréhension mutuelle peut être une source d’agressivité ou à des impasses dans la communication, on peut en revanche l’éviter en renvoyant cette question à la fin des temps et en réfléchissant plutôt à ce qu’on peut faire ensemble aujourd’hui ». Et c’est bien cet « aspect pratique du dialogue qui qui a prévalu en substance avec Benoît XVI, malgré sa fermeté de principe ».

    Et c’est bien ce qui s’est passé avec Benoît XVI. Dans le premier des trois volumes de son « Jésus de Nazareth », il commente le Discours sur la Montagne en attribuant à ce qu’avait écrit sur le sujet le rabbin américain Jacob Neusner, qui s’était imaginé vivre à l’époque de Jésus et l’écouter, le mérite de lui avoir « ouvert les yeux sur la grandeur des paroles de Jésus et sur le choix devant lequel nous met l’Évangile », pour « la franchise et le respect » avec lequel ce Juif croyant disait ne pas pouvoir suivre Jésus.

    Et s’il fallait démontrer encore une fois combien Benoît XVI allait au cœur des deux confessions, on peut citer son rejet de l’expression « frères aînés » que tant de papes, à commencer par Jean XXIII jusqu’au pape François, ont utilisée pour s’adresser aux Juifs. Pour lui, cette expression « n’est pas très appréciée de ces derniers, d’autant que dans la tradition juive, le ‘frère aîné’, c’est-à-dire Ésaü, est également le frère abject ». À ses yeux, les Juifs sont plutôt « nos ‘pères dans la foi’ », selon une expression qui « décrit plus clairement notre lien avec eux ».

    Mais avec François, bien des choses ont changé, et pour le pire, selon le rabbin Di Segni.

    Le livre de Lerner fait allusion à un signal prémonitoire. Il s’agit de la visite de François au Grand Temple de Rome, le 17 janvier 2016, au cours de laquelle le pape « a soigneusement éviter de citer l’État d’Israël » et donc « le lien particulier avec la terre » qui caractérise le peuple Juif.

    D’ailleurs, à l’époque, le grand rabbin de Rome n’avait pas caché son mécontentement face à ce silence : « Bien des signes – avait-il dit – rappellent le rapport essentiel et religieux que nous entretenons avec la terre qui nous a été promise. Comprendre ce lien ne devrait pas poser de difficulté pour ceux qui respectent la Bible, et pourtant c’est encore le cas ».

    Et en effet, en ce qui concerne l’existence de l’État d’Israël, le Saint-Siège a toujours adopté « une perspective qui n’est pas religieuse en soi mais qui repose sur les principes communs du droit international », comme l’a expliqué le jésuite Juif et citoyen israélien David Neuhaus, grand expert du dialogue judéo-chrétien dans « La Civiltà Cattolica » du 16 mai 2024.

    Il est évident que l’on touche là un point particulièrement sensible des relations entre l’Église catholique et Israël, et le rabbin Di Segni n’a pas manqué de le souligner dans son livre :

    Les chrétiens et les juifs, dit-il, ont en commun la Bible hébraïque, mais « les interprétations peuvent être radicalement différentes. Dès les pages initiales du premier livre, la Genèse, le thème de la promesse de la terre aux descendants des patriarches est central, à tout le moins du point de vue juif ». Mais « pour les chrétiens, le thème central est autre, c’est l’annonce du Messie ». Pour pendant des siècles, leur conviction a été que les Juifs n’auraient pas pu retourner dans leur terre sans reconnaître d’abord en tant que Messie ce Jésus qu’ils avaient tué.

    Mais aujourd’hui « cette vieille réponse ne fonctionne plus », poursuit Di Segni, « un croyant catholique devrait se poser un problème d’interprétation. Le pape Benoit XVI avait bien dit quelque chose en ce sens, même si ce n’est pas aussi explicite du point de vue doctrinal ».

    Mais avec François ? Le jugement du rabbin Di Segni sur l’avant-dernier pape est très critique.

    Concernant le conflit à Gaza, « le pape a très clairement choisi son camp au lendemain du 7 octobre, quand il avait d’emblée qualifié d’acte terroriste tant l’action du Hamas que la réponse redoutée du côté israélien, quelle qu’elle puisse être. »

    Ce constat repose notamment sur l’audience à égalité que le pape avait donnée le 22 novembre suivant à des familles d’otages juifs détenus par le Hamas et à des parents de terroristes palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, à grand renfort de déclarations que la guerre menée par Israël était elle aussi « du terrorisme », et même « un génocide ».

    Après le 7 octobre, déclare Di Segni, « on aurait pu s’attendre à un peu d’empathie et de solidarité de la part de ses amis ». Mais au contraire, « nous avons eu droit à une équidistance glaciale, pour ne pas dire à un alignement avec l’autre camp […], jusqu’à faire l’éloge du gouvernement iranien », comme ce fut effectivement le cas après une audience du pape avec Ebrahim Raïssi, si l’on s’en tient au compte-rendu publié par le président iranien de l’époque.

    Quant aux racines de cette attitude de Francois, elles sont à chercher, selon le grand rabbin de Rome, dans « deux raisons particulières » : la première étant « le souci du sort des chrétiens dans les pays arabes », avec les « compromis avec les régimes islamistes » qui s’en sont suivis ; la seconde étant « la provenance d’origine du pape François, davantage tiers-mondiste qu’occidentale ».

    Que la provenance géographique de Jorge Maria Bergoglio ait eu une influence sur sa vision géopolitique est une thèse également partagée et soutenue par David Neuhaus, dans l’article de « La Civiltà Cattolica » que nous avons cité.

    Il n’est donc pas étonnant que François ait fait l’objet de nombreuses critiques publiques de la part de représentants du rabbinat et du judaïsme dans le monde entier. Sans que jamais ce pape fasse mine de les prendre en compte.

    En effet, on a beaucoup parlé des silences de François envers le judaïsme.

    Et dernièrement encore avec sa décision improvisée d’expédier de quelques brèves salutations l’audience accordée le 6 novembre 2023 à une délégation des rabbins d’Europe, sans même prendre la peine de lire le discours préparé pour l’occasion.

    Sans oublier le précédent du 9 mai 2019 concernant son habitude de critiquer ses opposants en les traitant de « pharisiens », dans le sens d’hypocrites, de cupides, de légalistes et de vaniteux.

    À l’occasion d’un entretien avec le pape François, les rabbins Di Segni et Giuseppe Laras l’avaient prié de cesser d’employer le terme de « pharisien » de manière offensante. Et le cardinal Kurt Koch, responsable des relations avec le judaïsme, avait tenté de remédier à la situation en préparant pour le pape un discours à lire devant un colloque international à l’Université pontificale grégorienne qui était justement consacré au thème « Jésus et les pharisiens ».

    Ce discours mettait en lumière que dans le Nouveau Testament, il n’y a pas que des controverses entre Jésus et les pharisiens. On y fait également l’éloge de deux pharisiens comme Gamaliel et Nicodème. Jésus lui-même déclare que certains pharisiens sont « proches du règne des cieux » parce qu’ils mettent en avant le commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Sans parler de la fierté avec laquelle l’apôtre Paul se décrit comme pharisien. Tout le contraire du stéréotype négatif souvent utilisé par le pape.

    Mais de manière incompréhensible, François avait renoncé à lire ce discours, se bornant à saluer les participants.

    Quant à l’accusation de « génocide » adressée à Israël de la part du pape François, il y a bien eu plusieurs tentatives de la part de la Secrétairerie d’État et de la salle de presse du Vatican d’en atténuer les effets, sans résultat.

    Avec le nouveau pape Léon XIV, le chapitre sur Israël reste encore à aborder. Mais à tout le moins, jusqu’à présent, il le fait avec davantage de clarté, en adoptant des positions distinctes et parfois éloignées, comme on a pu le voir après les bombes sur l’église catholique de Gaza et à l’issue de son entretien tendu avec le président israélien Isaac Herzog, confirmé par des communiqués respectifs très dissonants. Au cours de son interview avec Elise Ann Allen dans le livre sorti le 18 septembre, il est très peu question d’Israël, mis à part cette mise au point sur le « génocide » :

    « Officiellement, le Saint-Siège considère qu’on ne peut faire aucune déclaration sur le sujet, pour le moment. Il existe une définition très technique de ce que pourrait être le génocide, mais de plus en plus de personnes soulèvent cette question, dont deux associations israéliennes pour les droits de l’homme ».

    — — —

    Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l'hebdomadaire L'Espresso.
    Tous les articles de son blog Settimo Cielo sont disponibles sur diakonos.be en langue française.

    Ainsi que l'index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

  • Il n’y a pas que Gaza. Qui veut chasser les chrétiens de Terre Sainte et pourquoi ?

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    Il n’y a pas que Gaza. Qui veut chasser les chrétiens de Terre Sainte et pourquoi ?

    Ce qui vient de se passer dernièrement à Gaza a été mis en lumière en des termes très clairs par le Secrétaire d’État du Vatican, Pietro Parolin, certainement en accord avec le pape, dans une interview qu’il a accordée à Tg2Post le 18 juillet, où il a déclaré qu’il « est nécessaire » qu’Israël « dise ce qui s’est effectivement passé : s’il s’agissait vraiment d’une erreur, ce dont on est en droit de douter, ou s’il s’agissait d’une volonté de frapper directement une église chrétienne, en sachant combien les chrétiens sont un élément de modération sur l’échiquier du Moyen-Orient, y compris dans les rapports entre Palestiniens et Juifs ».

    En réalité, l’obus tombé la veille sur l’église catholique de la Sainte-Famille de Gaza (voir photo) qui a détruit une partie du toit, faisant trois morts et dix blessés parmi les 550 fidèles qui y trouvaient quotidiennement refuse, n’est que le dernier signal d’une vague croissante de rejet de la présence chrétienne en Terre Saint de la part d’une frange importante du judaïsme, qui a ses partis et ses ministres fanatiques, ses colons qui sévissent dans les territoires occupés et ses soldats qui ignorent les ordres. C’est cet extrémisme messianique que le gouvernement de Benyamin Netanyahou soutient dans les faits et qui rend pratiquement impossible toute issue politique à la guerre, qu’il s’agisse de la solution à deux États, un État israélien et un État palestinien, ou celle d’un État unique avec deux peuples égaux en droits.

    À l’Angélus du dimanche suivant, le 20 juillet, le pape Léon a cité les noms des trois chrétiens tués : Saad Issa Kostandi Salameh, Foumia Issa Latif Ayyad, Najwa Ibrahim Latif Abu Daoud, ce dernier étant le jeune correspondant de « L’Osservatore Romano » pour Gaza. Et il a ensuite adressé ses « remerciements pour votre témoignage de foi », autrement dit pour leur martyre, « à nos bien-aimés chrétiens du Moyen-Orient ».

    Mais Léon s’est également exprimé en des termes sans équivoque contre « le déplacement forcé de population », qui est le sort que les extrémistes Juifs voudraient réserver à leurs compatriotes palestiniens, sans doute vers des destinations surréalistes évoquées récemment, telles que la Lybie, l’Éthiopie ou l’Indonésie.

    Bien entendu, l’obus sur l’église de la Sainte-Famille, petite et unique enclave catholique de la Bande de Gaza, a suscité des réactions au plus haut niveau. Donald Trump en personne est intervenu et le lendemain même, Netanyahu en personne téléphonait à Léon XIV pour lui faire part de ses regrets, au cours d’un entretien d’une heure d’après une information donnée en primeur par le Saint-Siège, au cours duquel le pape a réaffirmé « l’urgence de protéger les lieux de culte et surtout les fidèles et toutes les personnes en Palestine et en Israël ».

    Le président de l’Autorité palestinienne lui-même, Mahmoud Abbas, a téléphoné au Pape le lundi 21 juillet au matin, et celui-ci a renouvelé son appel contre « l’usage indiscriminé de la force et le transfert forcé de population » au cours de la conversation.

    Le patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, s’est rendu séance tenante à Gaza en compagnie du patriarche grec orthodoxe Théophile III, et a reçu un coup de téléphone du pape Léon au moment même où il se trouvait bloqué à l’entrée de la ville en attente du laissez-passer du commandement israélien. Il était suivi par des camions remplis de tonnes de vivres et de médicaments, qui ont quant à eux du attendre des jours avant de pouvoir entrer pour distribuer de l’aide « non seulement aux chrétiens mais à tous ceux qui en ont besoin », a tenu à souligner Mgr Pizzaballa, au cours de ses trois jours de visite dans la Bande de Gaza, pour la troisième fois en quelques mois à peine.

    En réalité, il y a un an et demi, l’église de la Sainte-Famille déplorait déjà des victimes. Le 16 décembre 2023, un tireur d’élite de l’armée israélienne avait abattu – par erreur, disait-on déjà à l’époque, avant l’annonce d’une enquête qui n’a jamais abouti – deux femmes chrétiennes et blessé sept autres sur le bref trajet entre l’église et le couvent des sœurs de Mère Teresa.

    Mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’obus sur l’église de Gaza n’est que l’énième épisode d’une érosion toujours plus agressive de la présence chrétienne en Terre Sainte, dans le tourbillon de ce « massacre des innocents » — « inutile et injustifiable », perpétré par Israël mais avant cela encore par le Hamas — qui ne cesse de s’amplifier – auquel le pape Léon ne cesse d’appeler à ce qu’on mette un terme.

    Ce qui est en train de se passer à Taybeh, le village antique traditionnellement identifié avec l’Ephraïm de l’Évangile de Jean (11, 54) dans lequel Jésus se serait retiré avant sa dernière Pâque, est emblématique de cette érosion.

    Taybeh, qui n’est pas très éloignée de Ramallah, la capitale administrative des territoires palestiniens, est le dernier village chrétien de Cisjordanie à être entièrement habité par des chrétiens, au nombre de 1 500, dont 600 catholiques.

    Mais les colons juifs ultra-orthodoxes qui l’entourent se montrent sans cesse plus hostiles à cette présence à leur yeux injustifiée. Ils voudraient un Israël purifié de toute présence palestinienne « du fleuve à la mer », du Jourdain à la Méditerranée, qu’elle soit musulmane ou chrétienne. Et ils ne cessent de tourmenter systématiquement les habitants du village, sans que l’armée israélienne n’intervienne.

    Le 7 juillet, après des jours de violence allant crescendo, quelques colons ont bouté le feu à l’antique église Saint-Georges, datant du Ve siècle, et au cimetière voisin. Le curé latin du village, Bashar Fawadleh, raconte : « Plus de vingt jeunes ont accouru avec moi sur place et sont parvenus à éteindre l’incendie, pendant que les agresseurs restaient là à regarder. Ils ont même bloqué les routes avec les voitures, empêchant de les utiliser, pendant que les principales voies d’entrée et de sortie de Taybeh continuaient à être bloquées par des barrages de l’armée. »

    Le 14 juillet, les patriarches et chefs des Églises de Jérusalem, dont le cardinal Pizzaballa, se sont rendus sur place, et ils se sont exprimés à travers une déclaration commune. On peut y entre autres lire ce qui suit :

    « Ces derniers mois, les ‘radicaux’ israéliens ont conduit leurs troupeaux pour paître dans les fermes des chrétiens de la zone agricole à l’Est de Taybeh, la rendant inaccessible et endommageant les oliviers dont les familles dépendent. Le mois dernier, plusieurs maisons ont été attaquées par ces ‘radicaux’, qui ont bouté le feu et érigé un écriteau qui disait : ‘Il n’y a pas d’avenir pour vous ici’. L’Église est présente fidèlement sur cette terre depuis près de deux mille ans. Nous rejetons avec fermeté ce message d’exclusion et nous réaffirmons notre engagement en faveur d’une Terre Sainte qui soit une mosaïque de confessions diverses, vivant ensemble pacifiquement dans la dignité et la sécurité ».

    Mais les violences n’ont pas cessé. Le 17 juin, plusieurs colons juifs ont mené leurs vaches paître dans les ruines encore fumantes de l’église Saint-Georges, dans une insulte ouverte envers le caractère sacré du lieu.

    L’ambassadeur des États-Unis en Israël en personne, Mike Huckabee, bien qu’il soit connu pour son soutien actif aux colons juifs, a qualifié de « terroristes » ces actes de violences contre Taybeh avant de se rendre dans ce village le 19 juillet, à la suite notamment de l’homicide, dans une localité voisine, d’un jeune palestinien doté de la citoyenneté américaine, et de rendre ensuite visite à une communauté évangélique elle aussi ciblée par des attaques.

    Mais ce qui suscite surtout un vif émoi dans le monde entier et en particulier au sommet de l’Église catholique, c’est cette « barbarie » quotidienne qui fauche chaque jour des dizaines de vies parmi les habitants de Gaza qui accourent vers les centres de distribution de nourriture de la Gaza Humanitarian Foundation, où ils sont régulièrement pris pour cibles par des mercenaires américains et des soldats israéliens, sous des prétextes fallacieux qui ne sont jamais vérifiés sérieusement.

    Le cardinal Pizzaballa également constaté de ses propres yeux et dénoncé la famine qui ravage la population de Gaza, indiscutablement entretenue par les autorités israéliennes. Mais ce dernier a également tenu à clarifier, dans une interview à Vatican News, que « nous n’avons absolument rien contre le monde juif et que nous ne voulons nullement apparaître comme ceux qui iraient à l’encontre de la société israélienne et contre le judaïsme, mais nous avons le devoir moral d’exprimer avec la plus grande clarté et franchise notre critique envers la politique que ce gouvernement est en train de mener à Gaza ».

    Quant à l’avenir de cette population affamée et bombardée, Pizzaballa a déclaré que « certains partirons, mais la majorité rester là ». Et, en faisant allusion à ce que Donald Trump avait laissé entendre : « Il n’y aura pas de riviera à Gaza ».

    Bien entendu, à Gaza et en Cisjordanie, les Palestiniens chrétiens sont depuis longtemps en nette diminution. Mais ce n’est pas le cas à l’intérieur des frontières de l’État d’Israël, d’où les quelque 2 millions de citoyens arabes musulmans ne font pas mine non plus de vouloir émigrer.

    La future solution politique de la guerre en Terre Sainte, qui semble aujourd’hui bien utopique, ne pourra pourtant être que celle-ci : un seul État pour deux peuples et trois religions à l’intérieur des frontières élargies de ce qui était à l’origine la Palestine mandataire.

    C’est cette solution que le Vatican cultive en silence, si l’on lit attentivement les derniers articles très pertinents publiés dans la « Civiltà Cattolica » par David Neuhaus, un jésuite juif et citoyen israélien.

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    Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire L’Espresso.
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    Ainsi que l’index complet de tous les articles français de www.chiesa, son blog précédent.

  • Un rapport révèle une escalade de la violence contre les chrétiens en Terre Sainte

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    De Victoria Cardiel sur CNA :

    Un rapport révèle une escalade de la violence contre les chrétiens en Terre Saintebouton de partage sharethis

    Chrétiens en procession à Jérusalem

    Chrétiens défilant dans la Vieille Ville de Jérusalem. | Crédit : Adi Marer/Rossing Center

    14 avril 2025

    Le rapport annuel du Rossing Center , une organisation basée à Jérusalem dédiée à la coexistence interreligieuse, a documenté 111 cas de harcèlement et de violence contre la communauté chrétienne en Israël et à Jérusalem-Est en 2024.

    Le rapport révèle un climat d’hostilité qui, selon l’une des auteurs de l’étude, Federica Sasso, ne représente que « la pointe de l’iceberg d’un phénomène beaucoup plus vaste ».

    « Il y a beaucoup plus d'attaques, mais elles sont très difficiles à surveiller », a-t-elle déclaré à ACI Prensa, le partenaire d'information en langue espagnole de CNA.

    Elle a également noté que la Terre Sainte « est actuellement dépourvue de pèlerins chrétiens » en raison de la guerre déclenchée après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, ce qui atténue quelque peu la situation.

    « Si nous étions dans une période normale de flux de pèlerins, le nombre d’attaques serait probablement beaucoup plus élevé », a-t-elle expliqué.

    Ces dernières années, la Vieille Ville de Jérusalem a connu une grave pénurie de pèlerins chrétiens. Crédit : Adi Marer/Rossing Center

    Ces dernières années, la Vieille Ville de Jérusalem a connu une grave pénurie de pèlerins chrétiens. Crédit : Adi Marer/Rossing Center

    Sasso, qui a attribué la situation en partie à la « polarisation et à la radicalisation croissantes au sein de la société israélienne », a souligné que, bien qu’il existe un certain scepticisme généralisé quant à l’efficacité d’un signalement, le centre observe une tendance positive puisque les religieux « sont de plus en plus disposés à signaler les incidents ».

    En partie en raison d'un « historique avéré de licenciements ou de libérations de suspects sans conséquences appropriées », ils ont préféré ne pas le rendre public, a-t-elle déclaré.

    47 agressions physiques, principalement des crachats

    Sur les 111 cas d'agression signalés, 47 étaient des agressions physiques, principalement par crachats, un comportement qui a évolué d'actes subtils à des démonstrations d'agressivité ouverte. Dans plusieurs quartiers, notamment dans la Vieille Ville de Jérusalem, prêtres, religieuses, frères et moines, « facilement identifiables, sont quotidiennement exposés à ces agressions », a expliqué Sasso. 

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  • Naissance et frontières de l’État d’Israël : une histoire à reconstruire

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (enfrançais sur Diakonos.be) :

    Naissance et frontières de l’État d’Israël, une histoire à reconstruire

    « Du fleuve à la mer », du Jourdain à la mer Méditerranée. Il est difficile de trouver une formule plus destructrice, vociférée par ceux qui veulent chasser les Juifs de cette terre qui est la leur.

    Mais « du fleuve à la mer » pourrait aussi bien être une formule prophétique, une formule de paix véritable entre les deux peuples qui habitent cette même terre, les Juifs et les Arabes.

    La solution à deux États, que de nombreux gouvernements ainsi que le Saint-Siège ne cessent d’appeler de leurs vœux, est en réalité impraticable. Alors que la solution d’un État unique pour Juifs et Palestiniens qui s’étendrait précisément « du fleuve à la mer », avec Jérusalem pour capitale, bien qu’elle soit ardue et lointaine, serait en fait plus sincère et mieux à même de résoudre le problème.

    Dans le monde catholique, cette solution a été évoquée publiquement pour la première fois par les évêques de Terre Sainte – et au premier chef par le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa – dans une déclaration du 20 mai 2019 :

    « Dans la situation actuelle, on ne fait que parler d’une solution à des États, mais ce sont que de vains discours. Par le passé, nous avons vécu ensemble sur cette terre, pourquoi ne pourrions-nous pas y vivre ensemble à l’avenir également ? La condition fondamentale pour une paix juste et durable, c’est que tous les habitants de cette Terre Sainte jouissent de la pleine égalité. Voilà notre vision pour Jérusalem et pour tout le territoire appelé Israël et Palestine, qui se situe entre le Jourdain et la mer Méditerranée. »

    Et c’est aussi la solution proposée à plusieurs reprises, ces dernières années, dans une revue faisant autorité, « La Civiltà Cattolica », par son principal spécialiste du judaïsme, le jésuite israélien David M. Neuhaus.

    Cette solution souffre cependant d’une objection, à première vue incontournable, partagée universellement, et même par une grande partie du monde juif. C’est l’objection qui consiste à dire qu’Israël occupe illégalement des territoires qui n’ont jamais été les siens, à Jérusalem-Est, en Judée, en Samarie : les territoires que les Nations Unies avaient attribués aux Palestiniens dans le plan de partage de 1947 dont est issu l’actuel État d’Israël.

    Mais est-ce vraiment le cas ? Ou bien la naissance réelle de l’État d’Israël devrait-elle être antidatée d’un quart de siècle ? Et si, depuis cette époque ses frontières légitimes, s’étendaient effectivement « du fleuve à la mer » ?

    C’est précisément la thèse que David Elber, un spécialiste juif en géopolitique, soutient et détaille dans un livre à plusieurs voix – juives, chrétiennes, musulmanes – récemment sorti en Italie sous le titre : « Il nuovo rifiuto d’Israele ».

    *

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