Répondre à cette question par l'affirmative est en tout cas le sentiment du père jésuite Pierre de Charentenay, rédacteur à la Civiltà Cattolica, comme on pourra s'en rendre compte ci-dessous. On peut imaginer que cette conviction et cet enthousiasme ne fassent pas l'unanimité...
Avec le Pape François, une nouvelle figure de l’Eglise (source)
Lors de la conférence intitulée « Eglises du monde en dialogue », à Espelette, le 26 août 2014, le Père Pierre de Charentenay, sj, Rédacteur à la Civiltà Cattolica (Rome), a abordé la canonisation des Papes Jean XXIII et Jean-Paul II. Il aussi évoqué la spiritualité du Pape François et son action. Extraits.
Canonisations
Le 27 avril 2014 ont été canonisés les deux papes Jean-Paul II et Jean XXIII, en présence de deux papes, dont l’un émérite, Benoît XVI.
C’est l’événement le plus important du pontificat du Pape François. 800 000 personnes étaient venues à Rome pour l’occasion. Rome était envahi de pèlerins, de Pologne et d’Italie notamment.
Cette double canonisation marque la maturité de ce pontificat. Le Pape François a pris la première grande initiative de son pontificat dans cet événement. Il n’est plus un novice cherchant sa voie, il est pleinement dans sa charge.
Cette canonisation est le fruit d’une décision personnelle. La canonisation de Jean-Paul II était programmée, les miracles avaient eu lieu, la date était fixée. Le Pape François a voulu canoniser en même temps Jean XXIII, qui était déjà béatifié mais dont on attendait la suite de la procédure. En faisant ainsi une canonisation commune, le Pape François voulait donner un sens à cet événement. Ces deux papes ont été les deux papes du Concile [Vatican II, ndlr], l’un pour le lancer, l’autre pour l’appliquer. C’est une manière de redire que l’Eglise d’aujourd’hui est l’Eglise du Concile : l’Eglise du dialogue avec le monde, l’Eglise de la liberté religieuse, l’Eglise de la collégialité. Ces deux papes signifiaient cette Eglise en solidarité avec le monde. C’était la volonté du Pape François que de réaffirmer la place du Concile dans l’Eglise d’aujourd’hui.
Comment le Pape en est-il arrivé là ? Quel ressort dynamise son action ? Il faut aller rechercher du côté de sa spiritualité.
La spiritualité de Jorge Mario Bergoglio
Dans son interview de septembre 2013, le directeur de la Civilta Cattolica, a posé la question au Pape : « Qui êtes-vous ? » Le Pape a répondu : « Je suis un pêcheur ». Il ne se définit pas par sa fonction dans le monde, ni par son rôle dans l’Eglise. Il se définit comme créature, ayant besoin du pardon de Dieu. Le Pape, comme tout le monde, n’est pas parfait et ne peut se suffire à lui-même.
De quoi est faite cette spiritualité ? Le Pape a expliqué ce qui l’avait fait entrer dans la Compagnie de Jésus et que l’on retrouve aujourd’hui chez lui :
- Un esprit missionnaire. Jorge Mario Bergoglio voulait partir au Japon comme missionnaire quand il était jeune jésuite. Mais on l’en a dissuadé étant donné ses problèmes de santé. Mais cet esprit missionnaire reste très fort aujourd’hui, centré sur la personne du Christ qu’il veut faire connaître au monde entier.
- Une communauté. Il va habiter avec les cardinaux dans la résidence Sainte-Marthe. Il ne veut pas s’isoler dans les appartements pontificaux. Mais plus que cela, il va beaucoup parler de la vie religieuse et de son sens. Vivre en communauté est une valeur évangélique où se vit le partage et la pauvreté. S’il reconnaît la valeur de la vie en communauté, le Pape est aussi très exigeant pour les religieux : il a fustigé en Corée les religieux qui vivent comme des riches.
- Le discernement. C’est un moyen de connaître la volonté de Dieu ; non pas un moyen psychologique mais un exercice spirituel destiné à orienter vers des décisions. Il se déroule en quatre temps, l’analyse (de la situation ou de la question en débat), la prière (puisque c’est un exercice spirituel), la décision (après consultation) et la relecture (regarder les conséquences de l’action, la paix, la division, etc.). Cette méthode en quatre temps peut s’appliquer à l’action du Pape sur une année : il analyse au printemps, il prie pendant l’été, il décide à l’automne, il fait une relecture en hiver.
Effectivement, on voit un Pape qui agit et décide, notamment sur des réformes de l’administration du Vatican. Beaucoup de choses se sont passées déjà en un an et demi.
Il a commencé par la nomination du « G8 », ce groupe de 8 cardinaux en provenance du monde entier, à qui il a donné carte blanche pour proposer des réformes de cette administration. Il a lancé, après Benoît XVI, une réforme approfondie des finances du Vatican, qui est en cours ces mois-ci. Il a ensuite procédé à la nomination de nouveaux cardinaux, la plupart dans des pays « périphériques », avec 4 seulement dans la Curie romaine. Il a lancé un Synode sur la Famille qui aura lieu en octobre 2014. Bien des changements sont donc déjà en cours, qu’il faut analyser.
Lire la suite