De Valérie Dupont sur le site de la RTBF :
Vatican : l'argent des fidèles a-t-il permis à des courtiers véreux de s'enrichir ?
Une enquête sur un scandale financier s’accélère au sein du Vatican, elle a déjà entraîné la démission d’un cardinal. Mais c’est tout un système qui semble venir à la lumière du jour, un système qui permettait à des courtiers véreux de s’enrichir avec l’argent des fidèles.
Dimanche dernier, les églises du monde entier ont organisé la collecte pour le "denier de Saint-Pierre", le nom donné depuis des siècles aux offrandes des fidèles au pape. Dernièrement, les comptes du Vatican publiés par le nouveau préfet du Secrétariat pour l’économie, le père jésuite Juan Antonio Guerrero, ont dévoilé qu’en 2019 le denier de Saint-Pierre a recueilli près de cinquante-cinq millions d’euros, de quoi couvrir 35% des dépenses du Vatican. "C’est possible que dans certains cas, le Saint-Siège a été, plus que mal conseillé, abusé", a affirmé le père jésuite en présentant les comptes lors d’une opération de transparence sans précédent. Une opération nécessaire car les journaux italiens, depuis quelques semaines, sont remplis d’articles sur le nouveau scandale financier qui éclabousse le plus petit Etat du monde, de quoi refroidir la générosité des fidèles.
A la sortie des églises, les Romains ne le cachent pas, ils sont scandalisés. "Cet argent devrait certainement servir aux pauvres, et non pas à des fins personnelles" dit cet homme, "mais j’ai bien peur qu’il ait servi à enrichir beaucoup de monde, et je ne parle pas du pape, mais des cardinaux et de l’Église en général !" Une dame ajoute : "Moi, clairement, c’est fini, je ne donnerai plus rien, car s’ils prennent l’argent au pape sans qu’il n’en sache rien… Il y a un manque de contrôle évident."
L’opération de Londres
Des fidèles scandalisés parce que l’argent des offrandes a servi à faire des investissements douteux. Notamment l’achat d’un immeuble de luxe à Londres, c’est l’affaire qui a permis de découvrir le pot aux roses. Le scandale commence en 2014, quand des courtiers créent un fonds pour acheter l’immeuble au nom du Vatican. Ils obtiennent une ligne de crédit de 200 millions d’euros près du Crédit Suisse et de la BSI, la Banque Suisse Italienne. Ces courtiers mettent en garantie les comptes bancaires du denier de Saint-Pierre et même le fonds souverain sera utilisé, ce qu’on pourrait considérer comme le compte personnel du pape. "Sur le compte du pape, ils ont prélevé vingt millions d’euros pour financer en partie la fraude organisée par le courtier Gianluigi Torzi, au détriment du secrétariat d’État. Et tout cela, selon l’enquête, au nez et à la barbe du pape" affirme Francesco Grana, un vaticaniste qui passe ses journées dans la salle de presse du Vatican. Tout cela avec la bénédiction de Fabrizio Tirabassi et Monseigneur Alberto Perlasca, les collaborateurs d’Angelo Becciù, qui a l’époque n’était pas encore cardinal mais le substitut du secrétariat d’État du Vatican, soit le numéro deux du Saint-Siège.